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lundi 3 avril 2023

A / LES RELIGIONS suivi de B / NOTE SUR L'OBSCURANTISME RELIGIEUX



A / LES RELIGIONS



Voir d'abord : "DIEU", LA FOI suivi de SUR FIDES ET RATIO , j'ai préféré séparer l'approche théorique (philosophique) de la foi de l'approche historique (politique) des religions ; Michel Onfray eut tort de ne pas pratiquer ainsi dans son Traité... car cela l'affaiblit.

"DIEU", LA RELIGION, DANS L'ŒUVRE DE FRÉDÉRIC NIETZSCHE

N.B. L'islam fait l'objet d'un article séparé : MAUVAISES (ET BONNES) RÉPUTATIONS DE L'ISLAM et d'articles en lien sur cette page, notamment sur les versets violents du Coran.

* * * * *

Égalitarismes narcissique, puis transitif, imposés en amour :

Narcissique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même (1). » (Lévitique, XIX, 18). À rapprocher de : « Pythagore a dit le premier : Mon ami est un autre moi-même [Porphyre, Vie de Pythagore]. N’est-ce pas dire : aime ton prochain comme toi-même ? » (Alfred de Vigny, Journal d’un poète, 20 décembre 1835).
1. Repris en Luc, X, 27 : Diliges [...] proximum tuum sicut teipsum comme réponse à Jésus ; et en Matthieu, XXII, 39 : Diliges proximum tuum sicut teipsum.(parole du seigneur).

Transitif : « Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. »
(Évangile [bonne nouvelle] selon Jean, XIII, 34)

Il doit bien exister des analyses sur la signification de cette évolution.


Avertissements aimables... :

« Mon Ange ira devant toi, et t’amènera vers l’Amoréen, et le Héthien, et le Phérézien, et le Cananéen, le Hévien, et le Jébusien, et je les exterminerai. » (Exode, XXIII, 23). Cité par Michel Onfray dans son Traité d'athéologie (2005).

« Et quiconque ne chercherait pas le Seigneur, le Dieu d'Israël, devait être mis à mort, petit ou grand, homme ou femme. » (II Chroniques, XV, 13).

« Ne croyez pas que je sois venu mettre la paix sur la Terre ; je ne suis pas venu mettre la paix, mais le glaive. » (Évangile selon Matthieu, X, 34)

« Mon règne n’est pas de ce monde. » (Évangile selon Jean, XVIII, 36)

« Contrains-les d'entrer. [Compelle intrare », (Évangile selon Luc, XIV, 23)

« Nous ne devons même pas être curieux de ce qu’il enseigne, puisqu’il enseigne hors de l’Église du Christ. » Cyprien de Carthage (IIIe siècle), Lettres, xxiv, 1. [traduction française ancienne et approximative].



Cinq allégories de la montagne :

« Si vous aviez de la foi gros comme une graine de sanve, vous diriez à cette montagne: Va de là à là, et elle irait. ». (Évangile selon Matthieu, XVII, 20).

« Foi céleste ! foi consolatrice ! tu fais plus que de transporter des montagnes; tu soulèves les poids accablants qui pèsent sur le cœur de l'homme ! ». (Chateaubriand, Génie du christianisme, Ière partie, livre II, chapitre ii).

« La foi ne déplace pas les montagnes, mais place les montagnes là où il n’y en a pas. ». Frédéric Nietzsche, L’Antéchrist, § 51. [voir aussi Opinions et sentences mêlées, § 225)

« La Foi soulève des montagnes ; oui : des montagnes d’absurdité. » André Gide, Feuillets d’automne, 1947. (Dans le Journal).

« Les convictions des athées et des laïcs peuvent déplacer encore plus de montagnes que la foi des croyants. »
Riss, " Crève, Charlie ! Vis, Charlie ! ", Charlie Hebdo, 6 janvier 2016.

Mystères du dogme des premiers chrétiens :

« Le fils de Dieu est mort; il faut y croire, puisque c’est absurde. Enseveli, il est ressuscité; c’est certain, puisque c’est impossible. ». Tertullien, vers 160 / vers 230, La Chair du Christ, V, 4. [Souvent déformé en Credo quia absurdum, je crois parce que c’est absurde", et attribué à Augustin.]

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§ I / Catéchisme de 1992

§ II / Un des maux de tous les siècles

§ III / Lumières sur les religions

§ IV / Critiques post-modernes


§ I / Catéchisme de 1992 :

On verra mieux avec ces extraits en quoi consiste en principe la foi catholique ; après, les croyants en prennent et en laissent, évidemment.


LISTE DES SIGLES
« 1, 1, 2, 3, II. Inspiration et vérité de la Sainte Écriture

" 105 Dieu est l’Auteur de l’Écriture Sainte." La vérité divinement révélée, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Écriture, y a été consignée sous l’inspiration de l’Esprit Saint ". [C'est là qu'on a besoin d'une foi infinie...]

" Notre Sainte Mère l’Église, de par sa foi apostolique, juge sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque [sic : belle "logique" circulaire], rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même " (Dei Verbum 11).

[DEI VERBUM, 1965, CHAPITRE III : 

L’inspiration de la Sainte Écriture et son interprétation
11. Inspiration et vérité de la Sainte Écriture
Les réalités divinement révélées, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Écriture, y ont été consignées sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Notre sainte Mère l’Église, de par la foi apostolique, tient pour sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint (cf. Jn 20, 31 ; 2 Tm 3, 16 ; 2 P 1, 19-21 ; 3, 15-16), ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même [Concile Vatican I, Const. dogm. De fide cath. chap. 2, Sur la Révélation : Denziger 1787 (3006). – Comm. biblique, décret 18 juin 1915 : Denzinger 2180 (3629) ; EB 420 (Enchir. Bibl.). – Sacrée Congrégation du Saint Office, Épître du 22 décembre 1923 : EB 499.] ]
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106 Dieu a inspiré les auteurs humains des livres sacrés. " En vue de composer ces livres sacrés, Dieu a choisi des hommes auxquels il eut recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens, pour que, lui-même agissant en eux et par eux, ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, et cela seulement " (Dei Verbum 11).

107 Les livres inspirés enseignent la vérité. " Dès lors, puisque toutes les assertions des auteurs inspirés ou hagiographes doivent être tenues pour assertions de l’Esprit Saint, il faut déclarer que les livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée pour notre salut dans les Lettres sacrées " (Dei Verbum 11).

108 Cependant, la foi chrétienne n’est pas une " religion du Livre ". Le christianisme est la religion de la " Parole " de Dieu, " non d’un verbe écrit et muet, mais du Verbe incarné et vivant " (S. Bernard, hom. miss. 4, 11 : Opera, ed. J. Leclercq-H. Rochais, v. 4 [Romae 1966] p. 57). Pour qu’elles ne restent pas lettre morte, il faut que le Christ, Parole éternelle du Dieu vivant, par l’Esprit Saint nous " ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures " (Luc 24, 45). "

« 1, 1, 2, 3, III. L’Esprit Saint, interprète de l’Écriture
Les sens de l’Écriture

115 Selon une ancienne tradition, on peut distinguer deux sens de l’Écriture : le sens littéral et le sens spirituel, ce dernier étant subdivisé en sens allégorique, moral et anagogique. La concordance profonde des quatre sens assure toute sa richesse à la lecture vivante de l’Écriture dans l’Église :

116 Le sens littéral. C’est le sens signifié par les paroles de l’Écriture et découvert par l’exégèse qui suit les règles de la juste interprétation " Tous les sens de la Sainte Ecriture trouvent leur appui dans le sens littéral " (S. Thomas d’Aquin, Somme th. 1, 1, 10, ad 1).

117 Le sens spirituel. Grâce à l’unité du dessein de Dieu, non seulement le texte de l’Écriture, mais aussi les réalités et les événements dont il parle peuvent être des signes.

1. Le sens allégorique. Nous pouvons acquérir une compréhension plus profonde des événements en reconnaissant leur signification dans le Christ ; ainsi, la traversée de la Mer Rouge est un signe de la victoire du Christ, et ainsi du Baptême (cf. 1 Cor 10, 2).

2. Le sens moral. Les événements rapportés dans l’Écriture peuvent nous conduire à un agir juste. Elles ont été écrites " pour notre instruction " (1 Cor 10, 11 ; cf. He 3 – 4, 11).

3. Le sens anagogique. Nous pouvons voir des réalités et des événements dans leur signification éternelle, nous conduisant (en grec : anagoge) vers notre Patrie. Ainsi, l’Église sur terre est signe de la Jérusalem céleste (cf. Apocalypse, 21, 1 – 22, 5).

118 Un distique médiéval résume la signification des quatre sens :

[Littera gesta docet, quid credas allegoria,
Moralis quid agas, quo tendas anagogia
.]
Le sens littéral enseigne les événements, l’allégorie ce qu’il faut croire,
le sens moral ce qu’il faut faire, l’anagogie vers quoi il faut tendre.
(Augustin de Dacie [mort en 1282], Rotulus pugillaris, I : éd. A. Walz, Angelicum 6 [1929] 256). »

« 1, 1, 2, 3, IV. Le Canon des Écritures

120 C’est la Tradition apostolique qui a fait discerner à l’Église quels écrits devaient être comptés dans la liste des Livres Saints (cf. Dei Verbum 8, 3). Cette liste intégrale est appelée " Canon " des Écritures. Elle comporte pour l’Ancien Testament 46 (45, si l’on compte Jr et Lm ensemble) écrits et 27 pour le Nouveau (cf. DS [Denzinger-Schönmetzer, Enchiridion Symbolorum, definitionum et declarationum de rebus fidei et morum] 179 ; 1334-1336 ; 1501-1504) :

Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Josué, Juges, Ruth, les deux livres de Samuel, les deux livres des Rois, les deux livres des Chroniques, Esdras et Néhémie, Tobie, Judith, Esther, les deux livres des Maccabées, Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Isaïe, Jérémie, les Lamentations, Baruch, Ezéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Agée, Zacharie, Malachie pour l’Ancien Testament ; [...]

" 121 L’Ancien Testament est une partie inamissible [qui ne peut être perdue] de l’Écriture Sainte. Ses livres sont divinement inspirés et conservent une valeur permanente (cf. Dei Verbum 14) car l’Ancienne Alliance n’a jamais été révoquée. ".

[ DEI VERBUM, 1965, CHAPITRE IV : L’Ancien Testament
14. L’histoire du salut dans les livres de l’Ancien Testament
Dieu, projetant et préparant en la sollicitude de son amour extrême le salut de tout le genre humain, se choisit, selon une disposition particulière, un peuple auquel confier les promesses. En effet, une fois conclue l’Alliance avec Abraham (cf. Gn 15, 18) et, par Moïse, avec le peuple d’Israël (cf. Ex 24, 8), Dieu se révéla, en paroles et en actions, au peuple de son choix, comme l’unique Dieu véritable et vivant ; de ce fait, Israël fit l’expérience des « voies » de Dieu avec les hommes, et, Dieu lui-même parlant par les prophètes, il en acquit une intelligence de jour en jour plus profonde et plus claire, et en porta un témoignage grandissant parmi les nations (cf. Ps 21, 28-29 ; 95, 1-3 ; Is 2, 1- 4 ; Jr 3, 17). L’économie du salut, annoncée d’avance, racontée et expliquée par les auteurs sacrés, apparaît donc dans les livres de l’Ancien Testament comme la vraie Parole de Dieu ; c’est pourquoi ces livres divinement inspirés conservent une valeur impérissable : « Car tout ce qui a été écrit l’a été pour notre instruction, afin que par la patience et la consolation venant des Écritures, nous possédions l’espérance » (Rm 15, 4). ]

« 2, 2, 1, 3, V. Le sacrifice sacramentel : action de grâce, mémorial, présence
La présence du Christ par la puissance de sa Parole et de l’Esprit Saint

" 1374 Le mode de présence du Christ sous les espèces eucharistiques est unique. Il élève l’Eucharistie au-dessus de tous les sacrements et en fait " comme la perfection de la vie spirituelle et la fin à laquelle tendent tous les sacrements " (S. Thomas d’Aquin, Somme théologique III, 73, 3). Dans le très saint sacrement de l’Eucharistie sont " contenus vraiment, réellement et substantiellement le Corps et le Sang conjointement avec l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, et, par conséquent, le Christ tout entier " (Concile de Trente [1545-1563] : Denzinger-Schönmetzer, Enchiridion Symbolorum et Definitionum (1854), 1651). " Cette présence, on la nomme ‘réelle’, non à titre exclusif, comme si les autres présences n’étaient pas ‘réelles’, mais par excellence parce qu’elle est substantielle, et que par elle le Christ, Dieu et homme, se rend présent tout entier " (Mysterium Fidei, 1965, 39 [In Epist. 2 ad Timoth. homil. 2, 4; Patrologie Grecque 62, 612]). " (Catéchisme de l'Église Catholique, 1992 ; j'ai un peu éclairci les abréviations...).


§ II / Un des maux de tous les siècles :

« Tant est grand le pouvoir qu’a la religion d’inciter au mal. ». Lucrèce (Titus Lucretius Carus, vers -99 / vers -55), De la nature des choses [De rerum natura, I, 101 : " tantum religio potuit suadere malorum "]
D'Argenson : " Un ami du nonce m'assure qu'il ne tient qu'à l'archevêque de Paris d'avoir le chapeau de cardinal en quittant son archevêché que le Roi donnerait au cardinal de La Rochefoucauld ; mais il barguigne et paraît refuser. Friponnerie, hypocrisie perpétuelle que cette allégation de conscience! Il en usa de même pour avoir l'archevêché de Paris. Il est certain, non seulement qu'il acceptera, mais que toute cette grande constance n'avait pour but que cet objet du chapeau rouge. Quantum religio potest suadere malorum ! " Journal, volume IX, page 117, 24 octobre 1755.
« Notre religion est faite pour extirper les vices ; elle les couvre, les nourrit, les incite. ». Montaigne, Essais, II, xii, page 444 de l'édition Villey/PUF/Quadrige.

« La croyance d’un Dieu fait et doit faire presque autant de fanatiques que de croyants. Partout où l’on admet un Dieu, il y a un culte; partout où il y a un culte, l’ordre naturel des devoirs moraux est renversé, et la morale corrompue. Tôt ou tard, il vient un moment où la notion qui a empêché de voler un écu fait égorger cent mille hommes. Belle compensation ! ». Denis Diderot, lettre à Sophie Volland, 6 octobre 1765.

« Si forte est la violence de dogmes religieux tôt inculqués, qu’elle peut étouffer la conscience morale et finalement toute pitié et toute humanité. »
Arthur Schopenhauer, Sur la religion, Paralipomena et parerga, volume II, chapitre XV, § 174.


§ III / Lumières sur les religions :

§ III / a) MONTESQUIEU :

« Tu me demandes s'il y a des Juifs en France ? Sache que, partout où il y a de l'argent, il y a des Juifs. Tu me demandes ce qu'ils y font ? Précisément ce qu'ils font en Perse : rien ne ressemble plus à un Juif d'Asie qu'un Juif européen.
Ils font paraître chez les Chrétiens, comme parmi nous, une obstination invincible pour leur religion, qui va jusqu'à la folie.
La religion juive est un vieux tronc qui a produit deux branches qui ont couvert toute la Terre : je veux dire le Mahométisme et le Christianisme ; ou plutôt c'est une mère qui a engendré deux filles, qui l'ont accablée de mille plaies : car, en fait de religions, les plus proches sont les plus grandes ennemies. [...] Les Juifs se regardent donc comme la source de toute sainteté et l'origine de toute religion. Ils nous regardent, au contraire, comme des hérétiques, qui ont changé la Loi, ou plutôt comme des Juifs rebelles. ». Lettres persanes, lettre LX.

ROUSSEAU :

« Le christianisme ne prêche que servitude et dépendance. Son esprit est trop favorable à la tyrannie pour qu’elle n’en profite pas toujours. Les vrais chrétiens sont faits pour être esclaves; ils le savent et ne s’en émeuvent guère. ». Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, 1762, IV, 8.

« Bayle a très bien prouvé que le fanatisme est plus pernicieux que l'athéisme, et cela est incontestable ; mais ce qu'il n'a eu garde de dire, et qui n'est pas moins vrai, c'est que le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l'homme, qui lui fait mépriser la mort, qui lui donne un ressort prodigieux, et qu'il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus: au lieu que l'irréligion, et en général l'esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l'intérêt particulier dans l'abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société ; car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu'il ne balancera jamais ce qu'ils ont d'opposé.

Si l'athéisme ne fait pas verser le sang des hommes, c'est moins par amour pour la paix que par indifférence pour le bien : comme que tout aille, peu importe au prétendu sage, pourvu qu'il reste en repos dans son cabinet. Ses principes ne font pas tuer les hommes, mais ils les empêchent de naître, en détruisant les mœurs qui les multiplient, en les détachant de leur espèce, en réduisant toutes leurs affections à un secret égoïsme, aussi funeste à la population qu'à la vertu. L'indifférence philosophique ressemble à la tranquillité de l'État sous le despotisme ; c'est la tranquillité de la mort : elle est plus destructive que la guerre même. »
Émile, ou De l'Éducation, 1762, livre IV.


§ III / b) VOLTAIRE

Questions sur l'Encyclopédie, 1771 :

III / b) 1 :

« Je pense avec vous [d'Holbach, auteur du Système de la nature, 1770] que le fanatisme est un monstre mille fois plus dangereux que l'athéisme philosophique. Spinoza n'a pas commis une seule mauvaise action : Chastel et Ravaillac, tous deux dévots, assassinèrent Henri IV. »
"Dieu, dieux", section VI.

« Ce qui distingue les Juifs des autres nations, c’est que leurs oracles sont les seuls véritables: il ne nous est pas permis d’en douter. Ces oracles, qu’ils n’entendent que dans le sens littéral, leur ont prédit cent fois qu’ils seraient les maîtres du monde: cependant ils n’ont jamais possédé qu’un petit coin de terre pendant quelques années; ils n’ont pas aujourd’hui un village en propre.Ils doivent donc croire, et ils croient en effet qu’un jour leurs prédictions s’accompliront, et qu’ils auront l’empire de la Terre.
Ils sont le dernier de tous les peuples parmi les musulmans et les chrétiens, et ils se croient le premier. Cet orgueil dans leur abaissement est justifié par une raison sans réplique; c’est qu’ils sont réellement les pères des chrétiens et des musulmans. Les religions chrétienne et musulmane reconnaissent la juive pour leur mère; et, par une contradiction singulière, elles ont à la fois pour cette mère du respect et de l’horreur. »
"Juifs", section I.

« On entend aujourd'hui par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C'est une maladie de l'esprit qui se gagne comme la petite vérole. Les livres la communiquent beaucoup moins que les assemblées et les discours. On s'échauffe rarement en lisant : car alors on peut avoir le sens rassi. Mais quand un homme ardent et d'une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu se communique ; ses tons, ses gestes, ébranlent tous les nerfs des auditeurs. Il crie : " Dieu vous regarde, sacrifiez ce qui n'est qu'humain ; combattez les combats du Seigneur : " et on va combattre.
Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère.
[...]
Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage : c'est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l'esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu'ils doivent entendre.
Que répondre à un homme qui vous dit qu'il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? »
"Fanatisme", section II.


III / b) 2 : « [...] Dès que les Européens eurent franchi le cap de Bonne-Espérance, la propagande se flatta de subjuguer tous les peuples voisins des mers orientales, et de les convertir. On ne fit plus le commerce d’Asie que l’épée à la main ; et chaque nation de notre Occident fit partir tour à tour des marchands, des soldats et des prêtres.

 Gravons dans nos cervelles turbulentes ces mémorables paroles de l’empereur Young-tching, quand il chassa tous les missionnaires jésuites et autres de son empire ; qu’elles soient écrites sur les portes de tous nos couvents : “ Que diriez-vous si nous allions, sous le prétexte de trafiquer dans vos contrées, dire à vos peuples que votre religion ne vaut rien, et qu’il faut absolument embrasser la nôtre ? ”

C'est là cependant ce que l'Église latine a fait par toute la Terre. Il en coûta cher au Japon ; il fut sur le point d’être enseveli dans les flots de son sang, comme le Mexique et le Pérou.

Il y avait dans les îles du Japon douze religions qui vivaient ensemble très paisiblement. Des missionnaires arrivèrent de Portugal ; ils demandèrent à faire la treizième ; on leur répondit qu'ils seraient les très bien venus, et qu'on n'en saurait trop avoir.

Voilà bientôt des moines établis au Japon avec le titre d'évêques. À peine leur religion fut-elle admise pour la treizième qu'elle voulut être la seule. [...] Bientôt la religion chrétienne fut proscrite. Les missionnaires s'humilièrent, demandèrent pardon, obtinrent grâce, et en abusèrent.

Enfin, en 1637, les Hollandais ayant pris un vaisseau espagnol qui faisait voile du Japon à Lisbonne, ils trouvèrent dans ce vaisseau des lettres d'un nommé Moro, consul d'Espagne à Nagazaki. Ces lettres contenaient le plan d'une conspiration des chrétiens du Japon pour s'emparer du pays. On y spécifiait le nombre des vaisseaux qui devaient venir d'Europe et d'Asie appuyer cette entreprise.

Les Hollandais ne manquèrent pas de remettre les lettres au gouvernement. On saisit Moro ; il fut obligé de reconnaître son écriture, et condamné juridiquement à être brûlé.

Tous les néophytes des jésuites et des dominicains prirent alors les armes, au nombre de trente mille. Il y eut une guerre civile affreuse. Ces Chrétiens furent tous exterminés.

Les Hollandais, pour prix de leur service, obtinrent seuls, comme on sait, la liberté de commercer au Japon, à condition qu'ils n'y feraient jamais aucun acte de christianisme ; et depuis ce temps ils ont été fidèles à leur promesse.

Qu’il me soit permis de demander à ces missionnaires quelle était leur rage, après avoir servi à la destruction de tant de peuples en Amérique, d’en aller faire autant aux extrémités de l’Orient, pour la plus grande gloire de Dieu ?

S'il était possible qu'il y eût des diables déchaînés de l'enfer pour venir ravager la Terre, s'y prendraient-ils autrement ? Est-ce donc là le commentaire du contrains-les d'entrer ? [Compelle intrare, Luc, XIV, 23] est-ce ainsi que la douceur chrétienne se manifeste ? est-ce là le chemin de la vie éternelle ?

Lecteurs, joignez cette aventure à tant d'autres, réfléchissez et jugez. »
"Japon".



III / b) 3 :

Marquis de SADE : « Ce n’est plus ni aux genoux d’un être imaginaire, ni à ceux d’un vil imposteur, qu’un républicain doit fléchir; ses uniques dieux doivent être maintenant le courage et la liberté. Rome disparut dès que le christianisme s’y prêcha; et la France est perdue s’il s’y révère encore. »
La Philosophie dans le boudoir, V, "Français, encore un effort si vous voulez être républicain", " La religion ", Paris: Gallimard, 1998, édition Jean Deprun, collection " Bibliothèque de la Pléiade ".




§ IV / Critiques post-modernes :

« La croyance prolongée en une entité divine manifestement absente provoquait en eux [les saints] des phénomènes d’abrutissement incompatibles à long terme avec le maintien d’une civilisation technologique. »
Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, DANIEL 24,6, Paris: Fayard, 2005.

Dans le Traité d'athéologie de Michel Onfray, il est plutôt question de politique que d'athéisme stricto sensu. Onfray va même, horresco referens, jusqu'à écrire (Quatrième partie "Théocratie", II "Au service de la pulsion de mort", § 1 "Les indignations sélectives") que :

« Si tous ces représentants de leur Dieu unique sur Terre optaient pour la paix, l'amour, la tolérance : d'abord on l'aurait su et vu, ensuite, et alors, on aurait pu soutenir les religions dans leur principe [sic], puis se contenter de condamner l'usage qu'en font les mauvais, les méchants. »

Et 2e partie, « Monothéismes », I « Tyrannies et servitude des arrière-mondes », 3 La kyrielle des interdits. « Les religions monothéistes ne vivent que de prescriptions et d'invitations : faire et ne pas faire, dire et ne pas dire, penser et ne pas penser, agir et ne pas agir. Interdit et autorisé, licite et illicite, d'accord et pas d'accord, les textes religieux abondent en codifications existentielles, alimentaires, comportementales, rituelles, et autres ...[…] Les Évangiles n'interdisent ni le vin ni le porc, ni aucuns aliments, pas plus qu'ils n'obligent à porter des vêtements particuliers. L'appartenance à la communauté chrétienne suppose l'adhésion au message évangélique, pas aux détails de prescription maniaque. Il ne viendrait pas à l'idée d'un chrétien d'interdire le sacerdoce à un individu contrefait, aveugle, boiteux, défiguré, difforme, bossu, malingre comme Yahvé demande à Moïse d'y veiller pour quiconque envisage le culte comme profession  Lévitique (XXI, 16) . En revanche, Paul conserve la manie du licite et de l'illicite sur le terrain sexuel. […] Juifs et musulmans obligent à penser Dieu dans chaque seconde de la vie quotidienne. Du réveil au coucher, en passant par les heures de prière, ce qu'il faut ou non manger, la manière de se vêtir, aucun comportement, même le plus insignifiant a priori, n'est libre d'interprétation. Pas de jugement personnel ou d'appréciation individuelle : obéissance et soumission. »

II « Autodafés de l'intelligence », § 2, « Le Livre contre les livres » :
« Les chrétiens donnent le ton avec Paul de Tarse qui appelle, dans les Actes des apôtres (XIX, 19), à brûler les manuscrits dangereux. » [En fait il n'appelle pas, il raconte seulement : Multi autem ex his, qui fuerant curiosa sectati, conferentes libros combusserunt coram omnibus; et computaverunt pretia illorum et invenerunt argenti quinquaginta milia.]
II, § 3, Haine de la science« Le refus des Lumières caractérise les religions monothéistes : elles chérissent les nuits mentales utiles pour entretenir leurs fables. »
II, § 5, Une ontologie boulangère. « L'Église des premières heures croit à ce miracle. Celles des dernières aussi. Le Catéchisme de l'Église catholique — version XXIe siècle ... — affirme toujours la présence réelle du Christ dans les espèces eucharistiques (article 1373 [sic pour 1374]). suivent, pour légitimer cette fable, des références au concile de Trente, à la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin, aux Mystères de la Foi — étiqueté numéro 39 par l'Église — et autres textes de saint Jean Chrysostome — [...] L'Église de toujours croit à la présence réelle du corps et du sang du Christ dans le pain du boulanger et le nectar du viticulteur. »
Onfray n'a pas compris l'indication de la note 39 de la Lettre encyclique de Paul VI (Mysterium Fidei, 1965), y voyant une numérotation des mystères ... lol

4e partie, « Théocratie »,
I, « Petite théorie du prélèvement », § 4, « Une logique du prélèvement » :
«  Hypothèse : le décalogue vaut comme invite locale, sectaire et communautaire. Sous-entendu « toi, juif, tu ne tueras pas de juifs ». Le commandement joue un rôle architectonique pour que vive et survive la communauté. En revanche, tuer les autres, les non-juifs, les goys — le mot signale deux mondes irréductibles — le forfait n'est pas vraiment tuer, du moins cela ne relève plus des dix commandements. L'impératif de ne pas enlever la vie cesse d'être catégorique et devient hypothétique. Il ne fonde pas l'universel, mais entretient le particulier. Yahvé parle à son peuple élu et n'a aucune considération pour les autres. La Torah invente l'inégalité éthique, ontologique et métaphysique des races. »
I, § 7, « Allah n'est pas doué pour la logique » :
« L'interdit juif de tuer et simultanément l'éloge de l'holocauste par les mêmes ; l'amour du prochain chrétien et, en même temps, la légitimation de la violence par la colère prétendument dictée par Dieu, voilà deux problèmes spécifiquement bibliques. Et il en va de même avec le troisième livre monothéiste, le Coran, lui aussi chargé de potentialités monstrueuses. »

II, « Au service de la pulsion de mort », § 1, « Les indignations sélectives » :
« Si les rabbins interdisaient qu'on puisse être juif et massacrer, coloniser, déporter des populations au nom de leur religion [...] Aujourd'hui, le grand rabbinat de Jérusalem fustige le terroriste palestinien bardé d'explosifs dans la rue de Jaffa, mais fait silence sur l'assassinat des habitants d'un quartier de Cisjordanie détruit par les missiles de Tsahal. [...] les plus hautes instances de l'islam mondial dénoncent les crimes du colonialisme, de l'humiliation et de l'exploitation que le monde occidental leur (a) fait subir, mais se réjouissent d'un djihad planétaire mené sous les auspices d'Al- Qaïda. Fascinations pour la mort des goys, des mécréants et des infidèles, — les trois [monothéismes] considérant d'ailleurs l'athée comme leur seul ennemi commun ! »

4e partie, « Théocratie », II, « Au service de la pulsion de mort », § 2, "L'invention juive de la guerre sainte" :
« À tout seigneur tout honneur. Les juifs inventent le monothéisme, ils inventent tout ce qui va avec. Le droit divin et son corrélat obligé : le peuple élu exhaussé, les autres peuples enfoncés, logique cohérente ; mais aussi, et surtout, la force divine nécessaire à l'appui de ce droit venu du Ciel : car le bras armé permet son efficacité sur terre. [...] Un Dieu unique, belliqueux, militaire, impitoyable, menant le combat sans merci, capable d'exterminer les ennemis sans état d'âme, galvanisant ses troupes, voilà Yahvé, dont le modèle relève — comme Mahomet — du chef de guerre tribal obtenant du galon cosmique.
[...] Peu importe ces Cananéens, Dieu a décidé de leur extermination : " je les exterminerai ", dit-il (Ex. XXIII, 23).
Pour conquérir la Palestine, Dieu utilise les grands moyens. En termes polémologiques contemporains, disons qu'il invente la guerre totale. Il ouvre la mer en deux — tant qu'à faire ... —, y noie une armée entière — pas de demi-mesure ! — arrête le soleil pour que les Hébreux aient le temps d'exterminer leurs ennemis amorites (Jos. X, 12-14) — amour du prochain, quand tu nous tiens ... —
[...] Humain tant qu'il ne s'agit pas de Cananéens, il peut proposer l'évitement du combat et offrir à la place l'esclavage, signe de bonté et d'amour. Aux Palestiniens, il promet la destruction totale - la guerre sainte selon l'expression terrifiante et hypermoderne (*) du livre de Josué (VI,21). [...] Dans les yeshivas, on travaille à la mémoire de ces passages auxquels ont ne change pas une virgule, pas plus qu'on ne touche à un cheveu de Yahvé. La Torah propose la première version occidentale des nombreux arts de la guerre publiés au fil des siècles... »
Michel Onfray, Traité d'athéologie - Physique de la métaphysique, Paris : Grasset, 2005. Réédité en 2006 en collection " Le Livre de Poche ", n° 30 637.
* Cette expression " terrifiante et hypermoderne " ne se trouve pas dans le livre de Josué. Voir cependant I Samuel, XV, 3, pour l'ordre d'extermination de la tribu d'Amalek.

* * * * *

DIEU EST MORT :

« Annoncez que le grand Pan est mort […] Thamus: le grand Pan est mort. »
Plutarque, Traité de la cessation des oracles, 419c.

« Dieu est un Dieu caché. »
Blaise Pascal, Pensées, Léon Brunschviq (Br) 242.

« La nature est telle, qu’elle marque partout un Dieu perdu, et dans l’homme, et hors de l’homme, et une nature corrompue. »
Blaise Pascal, Pensées, Br 333. Des chrétiens ont dit depuis que tout est dans la nature, mais que, la nature étant déchue, tout n'y est pas selon Dieu.

« Le sentiment que Dieu lui-même est mort […]. »
Georg W. F. Hegel, Foi et savoir, Conclusion.



B / NOTE SUR L'OBSCURANTISME RELIGIEUX


B / 1 : OBSCURANTISME n. m. XIXe siècle. Dérivé d'obscurant, participe présent de l'ancien verbe obscurer, « plonger dans l'obscurité ».
"Attitude attribuée à ceux que l'on soupçonne d'hostilité au progrès, au libre exercice de la raison, à la diffusion de l'instruction et du savoir." (Dictionnaire de l'Académie française, 9e édition)


Dès le début du christianisme, le désir de connaissance est dévalorisé. « Sive scientia, destruetur. La science ? elle sera abolie. » trouve-t-on dans la 1ère Épître aux Corinthiens (XIII, 8).
Condorcet : " Le mépris des sciences humaines était un des premiers caractères du christianisme. Il avait à se venger des outrages de la philosophie ; il craignait cet esprit d’examen et de doute, cette confiance en sa propre raison, fléau de toutes les croyances religieuses. La lumière des sciences naturelles lui était même odieuse et suspecte ; car elles sont très dangereuses pour le succès des miracles ; et il n’y a point  de religion qui ne force ses sectateurs à dévorer quelques absurdités physiques. Ainsi le triomphe du christianisme fut le signal de l’entière décadence, et des sciences, et de la philosophie. " (Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, Cinquième époque, 1795).
La valorisation de la confusion aux dépens de la connaissance se manifeste dans ce verset de Paul :
« Il n'y a plus ni juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme. » (Épître aux Galates, III, 28) ; verset qui annonce les égarements de la théorie du genre : " Quand l'homophobie n'existera plus, l'étiquetage " homosexuel " ne voudra plus rien dire. " (Le philosophe médiatique Vincent Cespedes).

De Jésus rien n’est rapporté concernant la philosophie, mais pour Paul, c’est
« ce vain leurre [inanis fallacia] qui s’inspire de la tradition humaine et des éléments du monde, mais non du Christ » (Épître aux Colossiens, II, 8).
Plus tard, la philosophie sera considérée comme la servante (ancilla) de la théologie. « L’Église primitive, c’est bien connu, luttait contre les " intelligents ", en faveur des " pauvres en esprit " : comment aurait-on pu attendre d'elle une guerre intelligente contre la passion ? » (Frédéric Nietzsche, Crépuscule des Idoles, (5 "La morale, une anti-nature), § 1).

À noter cependant cette appréciation inattendue de Nietzsche :

« Le philosophe a à dire comme le Christ, " Ne jugez point ! " et la dernière différence entre les têtes philosophiques et les autres serait que les premiers veulent être justes, les derniers voulant être juges. » [Der Philosoph hat also zu sagen, wie Christus, „ richtet nicht ! “ und der letzte Unterschied zwischen den philosophischen Köpfen und den andern wäre der, dass die ersten gerecht sein wollen, die andern Richter sein wollen.] Opinions et sentences mêlées (1879), § 33.

Par la suite, le christianisme échappa bien mieux que les autres religions monothéistes à l'obscurantisme. L'injonction de Cyprien (IIIe siècle) , « Nous ne devons même pas être curieux de ce qu’il enseigne, puisqu’il enseigne hors de l’Église du Christ » (Lettres, xxiv, 1 ; traduction ancienne et approximative), ne fut guère suivie. Augustin, dans sa Cité de Dieu, recommandait de juger des choses mêmes (XIX, iii, 2). Le droit canon, inspiré du droit romain, influença le droit constitutionnel ; on connaît l'adage Quod omnes tangit ..., ce qui touche tous doit être approuvé par tous (cf Brian Tierney, Religion, Law and the Growth of Constitutional Thought, 1150-1650, Cambridge University Press, 1982).

Ce que l'on doit à la chrétienté (e. g. le droit canon, ébauche du droit constitutionnel) est entremêlé avec tout ce que l'on doit aux Romains et aux Grecs. Notre langue et notre littérature en témoignent, notamment le théâtre de Racine. La seule pièce d'inspiration chrétienne de Corneille (Polyeucte) était ratée. Il y a certes de grands auteurs français chrétiens, Pascal, Bossuet, Malebranche, Chateaubriand, Claudel, Bernanos, mais d'aussi grands auteurs non chrétiens, Rabelais, Montaigne, Molière, La Fontaine, Voltaire, Diderot, Stendhal, Hugo, Flaubert, Rimbaud, Gide, Camus, Sartre et alii.


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§ B / 2 : Il y a une dose certaine de rationalisme dans le christianisme, puisque c'est la seule religion qui avait ressenti "en interne" le besoin d'une preuve de l'existence du dieu, et a longtemps cherché une telle preuve. Les deux autres religions monothéistes sont très obscurantistes, cela se manifeste par l'archaïsme figé et la lourdeur de leurs rites (dont l'abattage rituel des animaux) et interdits ; sans parler du dogme de la Terre promise au " peuple juif ", dogme qui produit les effets désastreux que l'on sait au Moyen-Orient.
L'importance accordée à l'enseignement, notamment avec la création des Universités, puis avec les Frères des écoles chrétiennes (Lasalliens), les Jésuites et les Oratoriens, à un enseignement qui ne se réduise pas à la lecture et mémorisation des textes sacrés (comme dans les sinistres écoles coraniques), et assez souvent de haut niveau scientifique, achève de faire du christianisme une religion relativement ouverte sur la culture et qui a su non seulement créer, mais aussi entretenir ces Universités (supprimées par la Révolution au profit des grandes écoles ; rétablies au cours du XIXe siècle).
S'est posé récemment la question politique des racines chrétiennes de notre civilisation, et de leur poids face à l'immense apport gréco-latin, du poids de Jésus face à Socrate dirait Nietzsche. L'égalité des droits est pré-chrétienne, tout comme la liberté de conscience (le penser par soi-même de la philosophie des Grecs) :
« Périclès : Parce que notre régime sert les intérêts de la masse des citoyens et pas seulement ceux d’une minorité, on lui donne le nom de démocratie [καὶ ὄνομα μὲν διὰ τὸ μὴ ἐς ὀλίγους ἀλλ᾽ ἐς πλείονας οἰκεῖν δημοκρατία κέκληται] […] Nous sommes tous égaux devant la loi [νόμους πρὸς τὰ ἴδια διάφορα πᾶσι τὸ ἴσον] […] nous nous gouvernons dans un esprit de liberté [ἐλευθέρως δὲ τά τε πρὸς τὸ κοινὸν πολιτεύομεν καὶ ἐς τὴν πρὸς ἀλλήλους] […] nous obéissons aux lois. » (Thucydide, vers -460 / -400, La Guerre du Péloponnèse, II, xxxvii, 1-3).
Hannah Arendt, dans What is Freedom ? (Between Past and Future, IV), attribuait à tort la priorité de la découverte du conflit intérieur entre la raison et la volonté à Paul de Tarse (Romains, VII, 15) alors que la connaissance de ce conflit est attestée chez les Grecs anciens (Euripide, Médée, 1077-1080) et les Latins (Ovide, Métamorphoses, VII, 20).

Outre les éléments positifs mentionnés plus haut (souci d'une preuve, enseignement), on retient la très forte inspiration chrétienne (volontaire ou obligatoire ?) en architecture, en peinture et en musique. En revanche, des concepts théologiques controversés tels que la Révélation, la Résurrection, l'Immaculée-Conception, le libre-arbitre (pour exonérer le dieu de l'existence du mal), les grâces efficace ou suffisante, ou encore l'infaillibilité pontificale (concile Vatican I, 1870), ne sont qu'à usage religieux interne, sans apport réel à notre civilisation européenne., et en aucun cas des " valeurs ". À la vertu théologale de charité, la civilisation oppose l'exigence de justice.

À noter les mésaventures souvent négligées du comte Georges-Louis de Buffon, le Galilée français, obligé de se rétracter :
« J’abandonne ce qui dans mon livre [Théorie de la Terre] regarde la formation de la Terre, et en général tout ce qui pourrait être contraire à la narration de Moïse [la Genèse], n’ayant présenté mon hypothèse sur la formation des planètes que comme une pure supposition philosophique. » Réponse du comte Georges-Louis de Buffon à MM. Les Députés et Syndic de la Faculté de Théologie, 12 mars 1751.
Je n'ignore pas non plus l'Index Librorum prohibitorum, dans lequel figurent notamment les Essais de Montaigne, pour sa grande liberté de langage et parce qu'à la fin de ces Essais il recommandait non son âme, mais sa vieillesse, non au dieu chrétien mais à Apollon, ce qui était fort !! Index aussi pour Rabelais ; mais justement, cet Index est, involontairement, le témoin de la vitalité intellectuelle du monde chrétien. Galilée fut certes condamné en 1633, mais il avait reçu précédemment le soutien d'un pape et de plusieurs ecclésiastiques. La condamnation de Buffon en 1751 trouva moins de défenseurs du condamné. Le christianisme chercha longtemps des preuves de cette existence divine (Anselme de Cantorbéry, Descartes, Malebranche, Fénelon) ; comme la preuve, dans un sens comme dans l'autre, est impossible (on le sait depuis Henri Oldenburg et David Hume), il y renonça, comme les athées ont renoncé à chercher la preuve logique de l'inexistence. Rien n'indiquait la persistance de la recherche d'une telle preuve dans l'encyclique " Foi et raison ", Fides et ratio, de Jean-Paul II (15 octobre 1998). Reste que actor incubit probatio, la charge de la preuve est mise sur celui qui affirme.

Il y a évidemment de l'obscurantisme dans toutes les religions monothéistes, puisqu'elles ferment la question cosmologique de l'histoire de l'Univers, depuis 13,7 milliards d'années, par une réponse (création divine) qui n'en est pas une, et que les récits de Révélation dans la Genèse et des miracles de Jésus dans les Évangiles sont devenus invraisemblables pour les individus instruits d'aujourd'hui ; elles sont toutes, comme par hasard, nées dans cette même petite zone géographique du Moyen-Orient, l'axe Nazareth-Jérusalem-Bethléem-Hébron-Médine-La Mecque, et dans des sociétés alors fortement ignorantes et obscurantistes ; on ne peut imaginer ni le mythique patriarche Abraham, ni les prophètes Moïse, Jésus ou Mahomet prêchant à Athènes ou à Rome face à Hérodote, Diogène de Sinope, Protagoras, Socrate, Aristote, Archimède, Lucrèce ou Cicéron. Quant à la promesse de vie éternelle, elle n'engage que ceux qui ont la foi... Sur ce plan, toutes les religions sont des ratages.

Lors de la naissance du christianisme, l'instruction, la culture et le savoir (mathématiques, sciences exactes, droit, histoire, arts, philosophie) avaient fortement progressé en Grèce et à Rome. C'est à sa rencontre précoce avec cette immense culture gréco-latine que la religion chrétienne doit de n'être pas totalement obscurantiste. Les œuvres des Pères de l'Église (éditées dans la collection Sources chrétiennes) présentent un grand intérêt, même pour les incroyants. La religion chrétienne eut la chance de se confronter dès ses débuts à la culture gréco-latine et s'en imprégna au cours des siècles, alors que les autres religions n'eurent qu'un contact tardif et limité avec l'œuvre d'Aristote (Moïse Maïmonide pour les juifs, Averroès pour les musulmans, tous deux au XIIe siècle).

Alfred de Vigny nota : « Le Coran arrête toute science et toute culture ; le vrai mahométan ne lit rien, parce que tout ce qui n’est pas dans le Coran est mauvais et qu’il renferme tout. – Les arts lui sont interdits parce qu’il ne doit pas créer une image de l’homme. » (Journal d’un poète, 1838).
Selon Régis Debray, l'islam est : « Une religion qui a eu sa Renaissance d’abord et son Moyen-Âge ensuite. » (Intervention à "Culture et dépendances", France 3, 2 novembre 2005).

Nietzsche, Opinions et sentences mêlées (1879), § 95 :
« Amour. Le plus subtil artifice qui donne l'avantage au christianisme sur les autres religions tient en un mot : il parla d'amour. Il devint ainsi la religion lyrique (alors que dans ses deux autres créations le sémitisme a donné au monde des religions épiques et héroïques). Il y a dans le mot d'amour quelque chose de si ambigu, de si stimulant, qui parle si éloquemment au souvenir, à l'espérance, que même l'intelligence la plus basse et le cœur le plus froid sentent encore quelque chose de l'auréole de ce mot. Il fait que la femme la plus avisée et l'homme le plus vulgaire pensent là aux instants relativement les moins égoïstes de leur vie commune, même si Éros n'a pris chez eux qu'un envol à ras de terre ; et tous ceux-là, les innombrables, qui souffrent d'une absence d'amour, de la part de leurs parents, de leurs enfants ou de leurs bien-aimés, mais surtout les êtres d'une sexualité sublimée, ont trouvé dans le christianisme juste ce qu'il leur fallait. »
Toutes les religions ne se valent donc pas.

Archaïsme des rites et interdits du judéo-islamisme ; les religions chrétiennes n'ont ni la petite mutilation qu'est la circoncision, ni interdits alimentaires sur certains aliments (notamment la viande de porc), ni abattage rituel, ni séparation des sexes dans les lieux de cultes et dans les piscines, ni injonctions vestimentaires pour les femmes (voiles, burkas) ou pour les hommes (kippa), ni rituels lourds, invalidants socialement, comme les prescriptions et interdictions du shabbat hebdomadaire des juifs (interdiction de se servir d'appareils électriques !!) avec interdiction d'écrire ou de se déplacer autrement qu'à pied lors de la fête de Pessah ; ou les cinq prières par jour, à heures fixes, et le mois lunaire de ramadan (jeûne du lever au coucher du soleil) des musulmans.

Le ramadan ne peut se comparer avec le carême chrétien qui consistait simplement à réduire son alimentation, sans jeûne total. L'exigence de médecins femmes pour les femmes dans les hôpitaux, de menus sans porc, le développement du marché de la viande halal (abattage rituel par un " sacrificateur agrée " sans étourdissement préalable de l'animal tourné vers La Mecque ...) de la finance halal, des Quick " tout halal " et, dernièrement, d'hôtels halal (sans chaines X ni minibars), de pharmacies sans croix verte, achèvent de faire de l'application de la charia un véritable séparatisme, comme l'avait bien vu Karl Marx dès 1854.

Toutefois il existe dans certaines églises chrétiennes récentes, évangélistes, avec la lecture littérale de la Bible et le rejet du darwinisme (créationnisme, intelligent design), une remontée de cet obscurantisme qui s'était renforcé au XIXe siècle en réaction aux progrès rapides des sciences exactes avec le Syllabus de Pie IX (1864).