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vendredi 15 janvier 2021

DES MINARETS À L'IDENTITÉ FRANÇAISE, DES BURKAS AUX APÉROS

Voir aussi Violence, feu et anathèmes dans le Coran




A /   La loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, notamment au moyen d'une "burka", entra en vigueur le 11 avril 2011. L'islam ne vient qu'en quatrième position dans l'ordre des convictions en Suisse : Catholiques : 42 % Protestants : 35 % Incroyants : 11 % Musulmans : 4,3 %. En troisième position en France, loin derrière les catholiques et les incroyants ; mais cet islam fait hélas, en Suisse comme en France, plus de bruit que tous les athées et chrétiens réunis.

   Les mosquées, lieux de culte, et le libre exercice des cultes n'étaient pas en cause dans cette affaire des minarets. Si la liberté d'expression est, constitutionnellement, la " libre communication des idées et des opinions, même religieuses ", elle ne s'étend pas jusqu'aux permis de construire des bâtiments surplombant tous les édifices voisins, et évidemment destinés, dans un avenir plus ou moins proche, à faire retentir, à la voix ou au haut-parleur, des appels à la prière (c'est déjà le cas à Nanterre). Il fallait être bien naïf pour croire que ces minarets ne serviraient jamais (celui de Rheinfelden ).

Recep Tayyip Erdogan, actuel Premier ministre turc, déclarait en 1997 alors qu’il n'était encore que maire d’Istambul : « Les mosquées sont nos casernes, les minarets nos baïonnettes, les dômes nos casques et les croyants nos soldats. » Ce n'était pas propre à faire bien voir les minarets en Europe.

   On est naturellement amené (voilà la liberté d'expression) à prendre parti contre la plus archaïque et la plus agressive des religions, comme en d'autres temps on a pu appeler à combattre les partis totalitaires nazis et staliniens. Religion qui ne distingue pas le politique du religieux, qui envahit notre espace public et nos commerces par ses signes ostentatoires, sa sinistre burka et ses rayons halal, qui remet en  cause notre laïcité dans son pilier " séparation des Églises et de la République " (État, départements, communes, régions) ; qui affecte le fonctionnement de nos cantines, de nos hôpitaux, de nos abattoirs ; aussi celui de nos entreprises via les temps de prières, les aménagements pour le ramadan, comme celui de nos administrations et de nos piscines (exigence de séparation des sexes). Ajoutons-y le non-respect de la priorité du mariage civil sur le mariage religieux, l'impolitesse (refus de musulmanes de serrer la main des hommes) ; une religion qui recherche de plus en plus de visibilité pour alimenter son prosélytisme et son sectarisme, comme l'affaire Maxence Buttey/FN vient encore de le montrer. L'islam développe de façon évidente un communautarisme totalement contraire à l'esprit républicain, et les modérés sont surtout modérés dans leur double langage et dans leurs condamnations du terrorisme, de la charia et des violations de la liberté d'expression.

   Ces "nos" se réfèrent aux Français, au double sens de « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. » Code de l’urbanisme, article L. 110, loi 83-8 du 7 janvier 1983 et de : « Le concept juridique de "peuple français" a valeur constitutionnelle. » Conseil constitutionnel, décision 91-290 DC du 9 mai 1991. Ces biens publics (piscines, hôpitaux, etc.) seraient-ils aussi « leur » laïcité, « leurs » cantines, « leurs » administrations, « leurs » hôpitaux, « leurs » piscines ? Aux musulmans en tant que tels ? Certes non ! à ceux d'entre eux qui sont Français, et seulement en tant que Français, - oui.

   Religion archaïque encore parce qu'ayant conservé le sacrifice animal (le mouton), une mutilation sexuelle (circoncision), des interdits alimentaires forts : pas de porc, " animal impur ", que du "hallal" ; abattage rituel sans étourdissement préalable par un "sacrificateur agréé", tourné vers La Mecque ..., mois de ramadan  ; on peut évidemment en dire tout autant du judaïsme, le sacrifice animal et le ramadan en moins. À l'inverse, le christianisme, bien que plus ancien que l'islam de six siècles, a profondément évolué, et a su profiter très largement du contact avec la culture gréco-romaine ; il n'a pas la même forte emprise sur la vie quotidienne.

   La France n'a pas été seulement " dominée " par le christianisme ; il l'a aussi façonné, notamment en notre Descartes ; le christianisme a, pour l'athée que je suis, trois mérites :

1) c'est la seule religion à avoir ressenti le besoin de prouver l'existence de son "dieu" après l'avoir défini (voir ma note "Dieu, la foi")

2) le droit canon a eu une influence positive sur le développement du droit constitutionnel européen (adage Quod omnes tangit ...).

3) il a encouragé une instruction intellectuelle qui ne se réduit pas à l'étude des textes "sacrés", à la différence des sinistres écoles coraniques. La loi Debré n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur " les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés " (Journal officiel du 2 janvier 1960) ne mentionne qu'incidemment la religion :

Article premier, alinéa 3 "Il [l'État] prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l'enseignement public la liberté des cultes et de l'instruction religieuse." Aucun des trois piliers de la laïcité : liberté de conscience — liberté des cultes — séparation des cultes et de la République — ne fut remis en cause par cette " loi Debré ". Par ailleurs la longue expérience de l'Église catholique en matière d'enseignement de qualité, notamment les Frères des écoles chrétiennes (ou Lasalliens), les Jésuites et les Oratoriens, mérite quelque respect.

   Nous ne sommes pas seulement, en France, habitués au christianisme ; nous le sommes aussi à sa discrétion actuelle ; on peut circuler dans les rues sans distinguer au premier abord un catholique d'un protestant, ou un chrétien d'un athée. Par ses signes extérieurs, notamment voiles et burkas pour les femmes, djellabas pour les hommes, l'islam ramène à son sinistre Moyen-Âge une société passée par l'Humanisme et les Lumières.

   Eh oui, 35 prières par semaine, un mois de ramadan par an, c'est lourd ! Noël, fête païenne avant d'être chrétienne, fait désormais partie de notre culture occidentale. Les noms des jours de la semaine et les noms de mois ne sont pas chrétiens mais latins ; je déplore évidemment les années comptées à partir de la naissance de Jésus, je suggère, sans grand espoir d'être suivi, de compter à partir de la fondation de Rome, soit l'an - 753 (2023 serait alors 2777).

On m'objecta : " Nous trouvons naturelle la pudeur de la femme qui cache sa poitrine (là où d'autres sociétés la montrent nue) et nous trouvons louche la pudeur des femmes qui se couvrent les cheveux. "
Mais certaines zones corporelles ont une valeur érotique plus grande que d'autres. Par ailleurs on sait que hidjab (sorte de heaume textile) et burka cachent bien plus que les cheveux, font de la femme un OVNI, un objet voilé non (ou difficilement) identifiable, ce qui n'est pas "louche" mais fait, comme l'a montré Elisabeth Badinter, obstacle à la sociabilité la plus élémentaire ; de plus, la femme en burka voit sans être vue, dissymétrie qui porte atteinte à la liberté d'aller et venir dans des conditions normales. Quant à la pudeur occidentale, féminine comme masculine, elle a depuis quelque temps mis beaucoup d'eau bénite dans son vin de messe ...

   Respecter les autres, c'est certes accepter le pluralisme des convictions, mais c'est aussi ne pas envahir l'espace public par des constructions démesurées symboles de croyances particulières (mosquées cathédrales), ou des dispositifs qui cachent les vêtements et la personne sans être des vêtements ; considérer la burka comme un vêtement comme un autre est hélas une bêtise assez répandue.

   " Le minaret est un élément architectural des mosquées. Il s'agit généralement d'une tour élevée dépassant tous les autres bâtiments. Son but est de fournir un point élevé au muezzin pour les 5 appels à la prière par jour. " (fr.wikipédia.org). En pays laïc et évolué, une religion particulière n'a pas à lancer d'appels à la prière sur la voie publique, comme cela se fait à Rheinfelden par haut-parleur. L'image de la Suisse après la votation du 29 septembre 2009 est bien loin d'être désastreuse si j'en juge pas les premiers commentaires sur les sites des médias français. En ce qui me concerne, ce point d'arrêt mis à l'expansionnisme de l'islam me réjouit.

   Le sujet, c'est cet expansionnisme de l'islam qui envahit l'espace public par ses visibilité et audibilité croissantes ; cela ne concerne pas seulement la Suisse, cette offensive est mondiale.... Il est tragique que le Comité des Droits de l'Homme de l'ONU soit en majorité islamiste et ait condamné, dans une résolution, le vote suisse (voir à la fin de cet article).

   J'avais réagi à la question, pas au parti suisse qui la posait. Je veux bien croire que l'U.D.C. a quelques défauts, mais la religion islamique beaucoup plus, alors ...

   L'appel à la prière est interdit, pour l'instant, mais une loi, cela se change, on nous a fait le coup en France avec le référendum obligatoire promis pour les nouvelles adhésions à l'U. E.. Ce référendum peut maintenant (depuis juillet 2008) être remplacé par un simple vote à la majorité des 3/5 de chaque assemblée parlementaire (article 88-5 modifié de la Constitution).

   À Rheinfeldern, l'engagement de ne pas sonoriser le minaret a été rompu dès début octobre 2009 ; peu importe que ce soit en Allemagne et non en Suisse, cela reste instructif sur le comportement des islamistes.. C'est pourquoi je me réjouis de ce coup d'arrêt porté à l'expansionnisme islamiste et déplore la résolution onusienne.

   La votation suisse présente effectivement des risques quant aux relations avec les pays islamiques ; mais l'histoire a montré que l'attitude munichoise n'était pas efficace. Il faut donc affronter ce danger en face, et le plus tôt sera le mieux....

   Dans Le Monde daté du 6-7 décembre 2009, on apprenait que le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, qui, de manière exceptionnelle, dirigeait la prière du vendredi [4 décembre] à Évry, " avait appelé les musulmans à ne pas choisir la "visibilité ostentatoire afin d'éviter toute stigmatisation".  En préambule, le responsable de la mosquée, M. Merroun s'était adressé à ses fidèles à propos du référendum suisse : "Je n'ai pas de crainte pour l'islam ; il avance doucement. [...] Nos concitoyens français ne peuvent pas lire le Coran. Pour eux l'islam, c'est nous."


À    l'occasion de la polémique sur l'apéro pinard-sauciflard du 18 juin 2010 à la Goutte d'Or (Paris XVIIIe), Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris, déclara : " L'islam, avec 5 ou 6 millions de personnes, on sait bien qu'il prend une extension fantastique en France " (RMC, ""Grandes Gueules", 15/6/2010, vers 11 h 40 ; en podcast, vers le deuxième tiers de la partie 1). Quand c'était Claude Guéant qui disait cela, le M.R.A.P. portait plainte (avril 2011) !! En avril 2015, Boubakeur réclamait le doublement en deux ans du nombre de mosquées en France, soit le passage à 4 000 mosquées en 2017 !


   Lors d’une visite officielle en Italie, fin août 2010, feu le colonel Kadhafi affirmait que " l’islam devait devenir la religion de toute l’Europe" et également que " Mahomet était le dernier prophète ". Il ajouta : " Le premier pas pour l’islamisation de l’Europe sera l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne ".
  Mgr Bishoy, secrétaire du Saint Synode de l’Église copte, en Égypte, a émis l’hypothèse que certains versets anti-chrétiens du Coran auraient pu être ajoutés après la mort de Mahomet, par l’un de ses successeurs. [...]. La suggestion de l’évêque suscita une polémique si vive que le Gouvernement s’en mêla, par la voix du vice-ministre des biens religieux qui déclara dans un communiqué : « La foi des musulmans constitue une ligne rouge qui, en aucun cas, ne peut être discutée par un non musulman. »"

   Confirmations, s'il en fallait, des visées expansionnistes de cette religion totalitaire, à laquelle nous ne pourrions rien comprendre, incapables que nous sommes de "lire le Coran" ... intraduisible sans doute ...

   J'ai vu une émission dans laquelle je notais trois choses : 1) Nora Berra ne dément pas être musulmane. 2) elle déclare : " nous sommes arrivés [en France] à ce que les religions cohabitent ". Mais la laïcité, ce n'est pas seulement la cohabitation des religions, c'est aussi la cohabitation des croyants et des incroyants (environ 30 à 35 % dans notre pays, deuxième conviction de France). 3) Nora Berra approuve la définition de la laïcité donnée récemment par Nicolas Sarkozy, soit : " le respect de toutes les croyances " ; de nouveau, l'oubli des incroyants. Je rappelle qu'au sens juridique strict, la laïcité, c'est : la liberté de conscience + la liberté des cultes + la séparation des cultes et de la République. La laïcité n'oblige personne à "respecter" les croyants et leurs croyances.


   Pourquoi faudrait-il accepter tchadors et burkas, les femmes qui refusent de serrer la main des hommes, les archaïques et cruels sacrifices d'animaux (abattage sans étourdissement préalable), la séparation des sexes dans les piscines, les exigences d'interdits alimentaires (porc impur) et de viande "halal" dans les cantines publiques, des tables différentes pour les mangeurs de cochon et les autres, les refus d'un médecin homme par des femmes musulmanes dans les hôpitaux publics, la construction de mosquées avec l'aide des collectivités locales, les appels à la prière du haut de minarets, les prières sur les lieux de travail dans les entreprises et pendant les heures de travail, les carrés musulmans orientés vers La Mecque dans les cimetières, les commerces qui cessent de vendre de l'alcool pendant le mois de ramadan, l'interdiction des chiens dans les autobus, tout ceci au pays de Voltaire et des Lumières ?

   Ajoutons-y la remise en cause de certains enseignements dans les collèges et lycées, alors que " La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. " (Bloc constitutionnel, Préambule de 1946, alinéa 13).

   Toutes ces pratiques sont contraires à notre conception de la culture et de la sociabilité, à la sécurité publique et au principe d'égalité entre hommes et femmes. Les immigrés d'origine maghrébine cristallisent une anxiété spécifique en raison de problèmes anthropologiques réels, liés à des différences de système de mœurs ou de statut de la femme.

   La question des minarets et des burkas rejoint celle de l'identité française dont les médias ont une conception bien laxiste ; à plusieurs reprises, Daniel Cohn-Bendit (qui demanda qu'on fasse revoter les Suisses !!) fut interrogé pour savoir s'il envisageait de se présenter aux présidentielles ou s'il accepterait d'être Premier Ministre, alors qu'il est de nationalité allemande.

   Dans le 3e arrondissement de Marseille, quartier Belle de Mai où j'ai un peu vécu, les femmes en burkas noires font peur aux enfants et aux personnes sensibles. Les commerçants de souche, quand il en reste, sont excédés par ce genre de clientèle qui refuse la rencontre et la sociabilité contrairement à nos usages occidentaux. Voir l'analyse d'Élisabeth Badinter.


Résolution du Comité des droits de l'homme, 25 mars 2010 :

§ 8. Strongly condemns in this regard the ban on the construction of minarets of mosques and other recent discriminatory measures, which are manifestations of Islamophobia that stand in sharp contradiction to international human rights obligations concerning freedoms of religion, belief, conscience and expression, and stresses that such discriminatory measures would fuel discrimination, extremism and misperception leading to polarization and fragmentation with dangerous unintended and unforeseen consequences;




B / Commentaire de :

Laïcité: halte au double jeu
Par HENRI PEÑA-RUIZ (Mediapart, 14 avril 2014)


[0] Maltraitée, adjectivée, caricaturée, la laïcité va si mal qu’elle en devient un thème de racolage électoral à finalité antilaïque. La faute à qui ? Un double coup de gueule s’impose. D’une part contre l’imposture véhiculée par le Front national, d’autre part contre la démission des politiques qui a rendu possible cette imposture. Expliquons-nous.

Peña-Ruiz annonce une distorsion et une instrumentalisation politique de la notion de laïcité à des fins anti-FN.

[1] Premier coup de gueule. Laïque, le Front national ? A d’autres ! Qui n’a cessé de vanter les fondements chrétiens de la civilisation occidentale et de revendiquer pour eux une reconnaissance publique évidemment discriminatoire, puisqu’elle fait silence sur les autres religions et l’humanisme athée ou agnostique? Le Front national, dans sa volonté d’opposer une civilisation à une autre et d’en vanter le particularisme exclusif. D’où l’insistance sur le thème des « racines chrétiennes » qui déracine et stigmatise tous ceux qui ne croient pas en Dieu ou croient en lui autrement. D’où une amnésie sélective et le silence sur les violences perpétrées dans l’occident chrétien, non par la religion, mais par ses clercs si zélés qu’ils ont cru pouvoir envoyer à la mort les hérétiques et« raturer le cerveau de l’humanité » (Victor Hugo dénonçant l’Inquisition).

Simple passé que tout cela ? Allons bon ! Les victimes ont changé, et les institutions cléricales ne manient plus le glaive de fer prêté par le pouvoir temporel qu'elles dominaient, comme le voulait la théorie des « deux glaives » chère à Bernard de Clairvaux, dit Saint Bernard. Reste que les femmes, les homosexuels, les athées, les francs-maçons, et bien d’autres sont encore trop souvent victimes de stigmatisation. L’avortement, la contraception, l’homosexualité, le mariage librement ouvert à tous, sont dans le collimateur du Front national, qui se range aux côtés des intégrismes pour rejeter les émancipations promues par le découplage de la loi commune et du pouvoir religieux.

[2] Ainsi Bruno Gollnisch défend l’idée d’un salaire maternel, sans doute afin que les femmes s’en tiennent à leur rôle traditionnel de femmes au foyer. Avec l'appui de la conférence des évêques allemands, il a fait échouer les propositions émancipatrices, notamment pour les femmes, de la députée portugaise Edite Estrella au parlement européen. Quant au droit élémentaire de donner la vie quand elle le décide, et non pas seulement en situation de détresse, la femme se le voit refuser par Bruno Gollnisch, qui prend à partie sur ce point la ministre des droits de la femme, Najat Vallaud-Belkacem. Drôle de laïcité que celle qui veut maintenir les préjugés patriarcaux sacralisés par les trois monothéismes!

De grâce, cessons d’accorder le label « laïques » à ceux qui n'invoquent la laïcité que pour critiquer les manifestations de l’islam et ne le font jamais pour celles du catholicisme intégriste (*), comme la Manif pour tous ! Madame Le Pen lance: « Nous n’accepterons aucune exigence religieuse dans les menus des écoles. » Soit. Alors pourquoi ne pas protester contre les menus sans viande du vendredi ? On imagine la réponse traditionnelle du Front national : « C’est notre culture, et nous sommes chez nous ! » Bref, le choc des civilisations. La référence au « chez nous » est inepte, car le “ nous ” est variété, et le « Français de souche » n’existe plus depuis belle lurette. C’est ainsi que s’insinue le geste d’exclusion, ou de discrimination. Accord troublant, sur ce point, avec le Cardinal Vingt-Trois qui écrit: « La place du christianisme dans la tradition française n’est pas la même que celle du bouddhisme ou de l’islam (…) La manière de traiter les religions doit tenir compte de leur apport historique et culturel. » La volonté de privilèges est ici explicite. Madame Le Pen ne dit pas autre chose. On ne peut approuver les ostensions religieuses catholiques sur la voie publique, tout en condamnant les prières musulmanes dans les rues. Dès lors qu'il y a trouble à l'ordre public, la laïcité implique de les interdire toutes les deux.

* Ces manifestations ne sont pas du même ordre ; il n'y a jamais d'empiètement régulier des voies publiques par les cultes chrétiens ou juif.

[3] On n’a jamais entendu le Front National s’indigner des privilèges concordataires en Alsace-Moselle, qui mettent à la charge des contribuables athées ou agnostiques les salaires des prêtres, des rabbins, et des pasteurs. Il reste également muet sur le versement de fonds publics à des écoles privées religieuses. Pourtant de tels privilèges bafouent la laïcité, qui implique l’égalité de traitement des divers croyants et des athées (*). A quand des écoles privées dont le caractère propre serait la promotion de l'humanisme athée ou maçonnique, financées par la puissance publique? Il n'est pas souhaitable de communautariser l'argent public. Mieux vaut supprimer les privilèges.

* La laïcité se définit par trois éléments : liberté de conscience + libre exercice des cultes + séparation des cultes et de la République ; le rappel du passé chrétien de l'Europe et de la France ne porte atteinte à aucun de ces éléments.

[4] Un second coup de gueule contre certains politiques plus soucieux de flatter les communautarismes que de promouvoir la laïcité et ses exigences. Le clientélisme électoral rend parfois pusillanime. Les convictions sombrent alors devant les ambitions, et ne sont plus attestées que par des hymnes incantatoires à la laïcité, accompagnées de pratiques anti-laïques. Ceux qui pratiquent ce double jeu se reconnaîtront. Ils ne font guère honneur à la politique. De quoi dégoûter les électeurs, s'ils jugent sur les actes et non sur les paroles. On encense la Loi du 9 Décembre 1905 qui interdit le financement public du culte, mais on s'arrange pour la bafouer ou la contourner à des fins électoralistes. Un exemple parmi d'autres: on ne peut se dire laïque en confondant à dessein le culturel et le cultuel pour financer le culte sur fonds publics, et bafouer ainsi le deuxième article de la loi de 1905.

Est-il pourtant si difficile à un maire de refuser d'aider les religions (*) avec l'argent public en expliquant à leurs fidèles que l'argent public doit aller au seul intérêt général? Une politique de logement social, un dispensaire de soins gratuit, un soutien scolaire gratuit, organisés par la commune, feront faire des économies à ces mêmes fidèles, voire les convaincront qu'ils n'ont rien à perdre avec la laïcité, puisque celle-ci leur permet de jouir des services publics universels, et ne laisse à leur charge que le financement de leur culte, affaire privée qui ne saurait peser sur les finances publiques.

* Est-il si difficile de dire qu'il ne s'agit que d'aider l'islam ?

Louer un terrain destiné à un lieu de culte pour un euro symbolique par an, c'est appauvrir la commune et par conséquent nuire au bien commun. L'argent ainsi perdu est autant de moins pour les services d'intérêt général. Quant aux cantines publiques, leur seul devoir est de servir des repas diététiques équilibrés, non de respecter les interdits religieux. D'ailleurs le choix entre deux plats principaux relevant d'une telle exigence peut y être généralisé.

[5] Ceux des politiques qui renoncent à faire respecter les lois laïques compromettent la vertu civique en faisant croire qu'il peut y avoir des droits sans devoirs. Aujourd'hui ils assistent effarés à un effet déplorable dont ils sont pourtant la cause. Ils aiment alors brouiller les cartes en affublant la laïcité d’adjectifs destinés à l’édulcorer : « ouverte », « plurielle », « inclusive », etc. Confusion. Parle-t-on de république « ouverte » ? De justice « ouverte », d'égalité « ouverte »? Non bien sûr. Ce recours aux qualificatifs est à l'évidence une tentative de disqualification de la laïcité. Et il aide les politiques opportunistes à travestir leur vénalité en réalisme. La laïcité en ressort affaiblie, et les faiseurs de mensonges renforcés. Ainsi s'ouvre un boulevard à la caricature de laïcité que pratique le FN.

La laïcité est une condition du vivre ensemble, donc une exigence. Il faut avoir le courage de l'affirmer, de la promouvoir par des actes, au lieu de se vendre en achetant les voix des électeurs, et d'en faire cadeau à l'extrême droite.

Henri Peña-Ruiz, dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la laïcité, Paris : Plon, 2014.