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mardi 4 juillet 2023

TOUT N'ÉTAIT PAS NOIR DANS LA COLONISATION DE L'ALGÉRIE


Chambre des députés, 28 juillet 1885. Déjà, le clash des
civilisations qu'analysera Samuel Huntington en 1996.
Clémenceau répondra le 30 juillet 1885 :






" Mon fils, ne croit surtout pas que tout était rose à l'époque coloniale. On était considéré comme de sous-hommes, comme des bêtes de somme corvéables à merci, sans droits, ni liberté. L'école nous était interdite. Tout était d'ailleurs interdit. " Hamid Grine, Le Café de Gide (roman), chapitre 9, Alger : Éditions Alpha, 2008.
Ce qui est contredit au chapitre 1, où il apparaît que le narrateur avait terminé ses études primaires en 1962 à Biskra...
Martine Mathieu-Job : « En 1943, moins de 10 % des enfants " indigènes " de 6 à 14 ans étaient effectivement scolarisés ; et, malgré des mesures volontaristes prises à partir de 1944, ce taux ne dépassait pas 31 % à l'issue des 130 années de présence française dans ce pays. » (À l'école en Algérie des années 1930 à l'Indépendance, Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier) : Bleu autour, 2018)
Le militant racialiste Louis-Georges Tin m'interroge : « Comment peut-on penser qu'il y a des aspects positifs à un crime contre l'humanité ? ». La notion juridique de " crime contre l'humanité " a été créée en 1945 par le statut du tribunal militaire de Nuremberg, établi par la Charte de Londres (article 6, c) ; ce crime est inscrit dans l'ordre juridique français depuis la loi Couve de Murville n° 64-1326 du 26 décembre 1964, et actuellement, si le ou les coupables sont identifiés et appréhendés, il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité par l'article 212-1 du Code pénal., donc imputable seulement à des personnes physiques. L'extension de cette notion à des actions collectives étendues sur une longue période antérieure constitue un abus de langage, un anachronisme sur le plan historique et une atteinte au principe général du droit de non-rétroactivité sur le plan juridique. Par ailleurs, je ne pense tout simplement pas que la colonisation française en Algérie puisse être qualifiée de quelque chose comme un " crime contre l'humanité ". Je donne dès maintenant la citation de Friedrich Engels, le compère de Karl Marx, qui replaçait la conquête de l'Algérie dans son contexte historique :


A / 1)  Lorsque je vis le débat sur l'Algérie sur la chaîne parlementaire L.C.P. à la mi-juillet 2005, il me sembla que la condamnation unanime et absolue du colonialisme, renouvelée récemment par le président Macron, était un peu rapide. En effet, plusieurs des participants à ce débat n'auraient pas atteint le niveau de culture, la situation sociale et la place dans les médias qu'ils occupaient alors, sans la colonisation de l'Algérie par la France. Il est bien regrettable que presque personne n'ait osé faire remarquer cette évidence.
François Hollande le 29 novembre 2014, à l’occasion du XVe sommet de la francophonie : « C’est en français que les peuples se sont décolonisés, en français qu’ils ont accédé à l’indépendance et à la liberté. ». À noter, l'Afrique subsaharienne ne possède pas de langue écrite vernaculaire.
  Je ne suis pas du tout un nostalgique de cette Algérie française où mes parents, instituteurs, ont résidé et enseigné pendant une dizaine d'années (arrivés en Algérie en 1948, ils n'étaient pas Pieds-Noirs) ; mais je commence à m'inquiéter quand on dit et répète dans les médias ce mensonge qu'aucune instruction n'était donnée aux Algériens.

On m'objecte que " Dans les 30 premières années de l'occupation de l'Algérie, il y a eu environ 500 000 morts ! C'est un crime contre l'humanité. Il est inacceptable d'essayer de voir les bons côtés d'un crime contre l'humanité. " (Louis-Georges Tin). Je ne cherche pas à justifier les enfumades de Bugeaud. Mais  la définition du crime contre l'humanité est élastique, et le bien ou le mal issus d'un événement historique n'ont pas de valeur éternelle. Qui songe aujourd'hui à reprocher aux l'esclavage aux Grecs,  aux Italiens la colonisation romaine de la Gaule ou aux Arabes islamisés la conquête de la péninsule ibérique ?? Par ailleurs la " guerre d'Algérie " commença en novembre 1954 par l'assassinat d'un jeune instituteur venu du Limousin, Guy Monnerot, ce qui n'était pas un acte particulièrement humaniste remettant l'humanité dans la bonne direction. La Déclaration du 1er novembre 1954 précise le but de l'insurrection : " L’Indépendance nationale par la restauration de l'État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques. " Dans le cadre des principes islamiques... Ceci assorti de la " Réalisation de l’Unité nord-africaine dans le cadre naturel arabo-musulman. "

À Béni-Saf et à Oran, il y avait suffisamment d'instituteurs pour faire vivre des ciné-clubs actifs. De même, de nombreux cadres du FLN, du MNA et du PPA ont bénéficié de l'instruction républicaine française ; une recherche rapide a donné les éléments suivants :


En gras, les six chefs historiques du FLN :
Chefs du FLN. Photo prise juste avant le déclenchement de la révolution du 1er novembre 1954.
De gauche à droite : Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Didouche Mourad et Mohamed Boudiaf
Assis : Krim Belkacem à gauche, et Larbi Ben M'Hidi à droite.
Tous vêtus à l'occidentale...


Ferhat Abbas (1899-1985) : bourse pour poursuivre des études secondaires à Philippeville (actuelle Skikda) ; étudiant en pharmacie à l'université d’Alger de 1924 à 1933 ; pharmacien.
Hocine Ait Ahmed (1926-2015) : à 16 ans, encore lycéen, il adhère au Parti du peuple algérien (PPA) ; dr en droit de l'université de Nancy en 1975 !!

Belkacem Krim : fréquente l'école Sarrouy à Alger et y obtient le certificat d'études primaires 

Ahmed Ben Bella (1916-2012) : études secondaires à Tlemcen
Benyoucef Benkhedda : études au lycée de Blida ; après l'obtention de son baccalauréat, il entre à la Faculté de médecine et de pharmacie d'Alger en 1943 et après interruption des études, obtient le diplôme de pharmacien en 1951.
 Mohalled-Seddik Benyahia (1932-1982) : diplômé de l'université d'Alger. Tout en étant jeune avocat, il prit une part active dans la lutte pour l'indépendance de son pays durant la guerre d'Algérie.
Rabah Bitat (1925-2000) : études à Constantine
Mohamed Boudiaf (1919-1992) : études à M'sila, fonction administrative au service des Contributions.
Houari Boumediene (1932-1978) : études en arabe à l'école coranique et en français à l'école primaire de sa ville ; études à l'Université Zitouna de Tunis en 1950.
Ahmed Boumendjel (1908-1982) : fils d'instituteur, avocat.
Ali Boumendjel (1919-1957) : cursus scolaire à Larbaâ. Brillant élève, il décroche une bourse qui lui permet d'entrer au collège Duveyrier de Blida ; eprès le lycée, il suit les traces de son frère ainé, Ahmed Boumendjel, et fait des études de droit.
Abdelaziz Bouteflika (né en 1937) : études secondaires au lycée Abdelmoumen d'Oujda.

Zohra Drif (née en 1934) : études secondaires au lycée Fromentin à Alger, puis à la faculté de droit d'Alger ; avocate.

Mohamed Khider (1912-1967) : 

Mostefa Lacheraf (1917-2007) : études secondaires aux lycées de Ben Aknoun et d'Alger, puis à la Medersa Tha'alibiyya ; études supérieures à la Sorbonne ; il enseigne au lycée de Mostaganem et au lycée Louis-le-Grand à Paris ; renonçe à l'enseignement durant la guerre d'Algérie.
Mohamed Lamine Lamoudi (1891-1957) : études secondaires inacevées à Biskra.

Redha Malek, né en 1931 : licencié en lettres et philosophie de l'université d'Alger, il poursuivra des études à Paris.
Segjir Mostefaï : avocat, diplômé en droit et économie de la Sorbonne.

Mohamed Larbi Ben M'hidi : certificat d'études primaires obtenu à Batna.

Mostefa Ben Boulaïd

Amar Ouamrane : certificat d'études primaires, académie militaire de Cherchell

Mourad Didouche : fait ses études primaires et le cycle moyen à l'école d'El Mouradia, puis entre au lycée technique du Ruisseau à Alger
Abane Ramdane ([Ramdane Abane ] né en 1919) : ancien élève du collège de Blida

Par ailleurs :

* Née en 1936 à Cherchell, à l'ouest d'Alger, Assia Djebar, de son vrai nom Fatima-Zohra Imalyène, fut la première femme algérienne à être admise à l'École normale supérieure de Paris, en 1955. Elle fut ensuite reçue à l'Académie française.

* Né à Casablanca en 1930, Jamal Eddine Bencheikh vécut dans la région d'Oran, puis poursuivit à Alger des études de droit et d'arabe classique. Après l'indépendance de l'Algérie, il s'exila en France pour protester contre le régime de Boumediene. (Le Figaro, 11 août 2005).

* Sans la colonisation, MM. Azouz Begag et Léon Bertrand n'auraient pas été ministres de la République française, comme le fit utilement remarquer le député UMP des Alpes-maritimes Lionel Luca.


A / 2)   La colonisation ne peut donc se résumer à la construction de routes et de ports au seul bénéfice des Européens. La France mit fin à la pratique africaine de l'esclavage, y exerça une œuvre d'instruction publique reconnue par la loi et y apporta l'hygiène et la médecine préventive, avec notamment les vaccinations.
" Sur le plan démographique, l'université d'Alger accueille une trentaine d'étudiants "indigènes algériens" en 1914 (sur un effectif total d'environ 500), et une centaine par an de 1930 à 1939. Un nombre plus grand commence ou continue ses études supérieures en France métropolitaine, notamment à Paris (une trentaine en 1930, une cinquantaine en 1935), ou dans d’autres universités comme Montpellier et Toulouse. L'université d'Alger est attractive, accueille des enseignants et des chercheurs de haut niveau, crée progressivement des laboratoires scientifiques, des bibliothèques et des instituts spécialisés. S'y ajoutent des écoles techniques comme l'École d’ingénieurs des travaux publics d’Alger en 1926. Comme les autres universités, celle d'Alger possède ses particularités liées à son environnement (études du droit musulman, de la langue arabe, géographie, etc.), qui témoignent aussi de la conscience qu'ont les universitaires de se trouver, en Algérie, à l'interface du monde européen et de la vaste civilisation arabo-musulmane. "
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_d%27Alger)
La France a permis l'utilisation des ressources pétrolières de l'Algérie. On oublie de dire aussi que la responsabilité d'un certain nombre de Français de la gauche totalitaire est en cause dans le mauvais choix d'une économie socialiste planifiée à la soviétique, choix fait par le gouvernement algérien après 1962, comme la responsabilité des indépendantistes d'alors l'est dans l'origine, puis l'escalade, des incidents qui aboutirent au massacre de Sétif en 1945.

   Cette colonisation, comme la conquête de l'Amérique, ou celle de l'Espagne par les Arabes, comme la montée des Arabes jusqu'à Poitiers, est un exemple de clash de civilisations inégalement développées ; chercher éternellement, et anachroniquement, des responsabilités pour ces faits ne va pas dans le sens de la pacification de l'histoire humaine. Le maintien dans la Communauté proposée par la Constitution de 1958 aurait pu fournir davantage d'instruction et l'accès à des institutions républicaines aux pays africains, leur éviter des guerres telles que celle qui menaçait en 2005 entre le Yémen et le Soudan, ou entre la Somalie et l'Ethiopie. Mais cela n'a pas été possible, et ces pays devront, sans doute, repasser par où nous sommes passés en Europe. Je ne nie pas que la France ait commis des fautes, dont une des plus graves est probablement le décret Crémieux qui accorda en 1870 la nationalité française aux seuls Juifs d'Algérie, à l'exclusion donc des musulmans. B.-H.Lévy, J.-P. Elkabach, Jean Daniel [Bensaïd] du Nouvel Obs, le philosophe Jacques Derrida et d'autres doivent leur nationalité française à ce décret.

Il vaudrait mieux faire de l'histoire générale plutôt que de cultiver, avec les mémoires communautaires, les rancunes, les ressentiments, et la théorie inquiétante d'un " continuum colonial " (Houria Bouteldja à Cultures et Dépendances). Houria Bouteldja, qui se dit Algérienne et déclare ne pas aimer l'Algérie ; c'est dire qu'elle aime encore moins la France ...


Le Président de la République Chirac demanda et obtint le déclassement de l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, mais subsiste cet alinéa 1 de l'article 1 :
" La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française. "
Le candidat Emmanuel Macron était donc hors-la-loi lorsqu'il déclarait le 14 février 2017, sur la chaîne de télévision algérienne Echourouk News : « Je pense qu’il est inadmissible de faire la glorification de la colonisation. Certains ont voulu faire cela en France, il y a dix ans. Jamais vous ne m’entendrez tenir ce genre de propos. J’ai toujours condamné la colonisation comme un acte de barbarie. La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l'égard de celles et ceux envers qui nous avons commis ces gestes. »
Plus tard Emmanuel Macron fit observer que le système politico-militaire algérien actuel s'est construit sur une rente mémorielle. (Alger, 30 septembre 2021).

Le déclassement ayant été accordé par la décision 2006-203 L du Conseil constitutionnel du 31 janvier 2006, l'alinéa 2 de l'article 4 fut ensuite abrogé par ce que certains appelèrent le "décret Bouteflika", décret 2006-160 du 15 février 2006.

* * * * *

On pourra verser au dossier cinq éléments supplémentaires — une question du ministre René-Louis d'Argenson, — une réflexion de François-René de Chateaubriand, — un texte peu connu du premier marxiste, Friedrich Engels, se réjouissant de la conquête de l'Algérie par la France ; — la condamnation du terrorisme FLN par le philosophe Albert Camus en décembre 1957, devant des étudiants algériens ; — et enfin l'exposé de la situation en octobre 1961 par le ministre de l'intérieur Roger Frey :


B / 1 - La question de René-Louis d'Argenson :

« Les deux vaisseaux portant provision à Port-Mahon [Minorque, Baléares] ont été pris par les Algériens et menés à Alger malgré leur traité récent. 11 n'y a rien à attendre d'humain de ces corsaires : quand fera-t-on donc une croisade humaine contre eux ? Des gens qui n'ont d'autre métier, d'autre commerce que la piraterie et qui sont à notre porte, nous les ménageons par quelque avantage que nous avons dans ce danger sur les autres nations moins craintes, plus exposées que nous ! » (René-Louis d'Argenson, Journal et Mémoires, tome 7, 6 janvier 1752, page 62).

B / 2 - Les questions de Chateaubriand :

« Un nouvel Orient va-t-il se former ? Qu'en sortira-t-il ? Recevrons-nous le châtiment mérité d'avoir appris l'art moderne des armes à des peuples dont l'état social est fondé sur l'esclavage et la polygamie ? Avons-nous porté la civilisation au dehors, ou avons-nous amené la barbarie à l'intérieur de la chrétienté ? » Mémoires d'outre-tombe, livre XVIII, chapitre 4.


B / 3 - Article de Friedrich Engels, correspon­dant parisien du journal anglais Northern Star, 22 janvier 1848 ; l'argumentation de cet article détruit la thèse de la " violence fondatrice " de la conquête de 1830 ; le mal, toujours, vient de plus loin :

« En somme, à notre avis, c'est très heureux que ce chef arabe [Abdel ­Kader] ait été capturé. La lutte des bédouins était sans espoir et bien que la manière brutale avec laquelle les soldats comme [Thomas] Bugeaud ont mené la guerre soit très blâmable, la conquête de l'Algérie est un fait important et heureux pour le progrès de la civilisation.
Les pirateries des États barbaresques, jamais com­battues  par le gouvernement anglais tant que leurs bateaux n'étaient pas molestés, ne pouvaient être sup­primées que par la conquête de l'un de ces États. Et la conquête de l'Algérie a déjà obligé les beys de Tunis et Tripoli et même l'empereur du Maroc à prendre la route de la civilisation. Ils étaient obligés de trouver d'autres emplois pour leurs peuples que la piraterie et d'autres méthodes pour remplir leurs coffres que le tribut payé par les petits­ États d'Europe.
Si nous pouvons regretter que la liberté des bédouins du désert ait été détruite, nous ne devons pas oublier que ces mêmes bédouins étaient une nation de voleurs dont les moyens de vie principaux étaient de faire des razzias contre leurs voisins ou contre les villages paisibles, prenant ce qu'ils trouvaient, tuant ceux qui résistaient et vendant les prisonniers comme esclaves.
Toutes ces nations de barbares libres paraissent très fières, nobles et glorieuses vues de loin, mais approchez seulement et vous trouverez que, comme les nations plus civi­lisées, elles sont motivées par le désir de gain et emploient seule­ment des moyens plus rudes et plus cruels.
Et après tout, le bourgeois moderne avec sa civilisation, son industrie, son ordre, ses « lumières » relatives, est préférable (1) au seigneur féodal ou au voleur maraudeur, et à la société barbare à laquelle ils appartiennent. »
1. Cf Redeker : " Le capitalisme, parce qu’il permet sans le nécessiter un plus ample développement de la liberté, parce qu’il a créé aussi de la richesse et de la beauté, est préférable à l’islam, tout comme la symbolique des Twin Towers est préférable aux discours proférés dans les mosquées. " (Robert Redeker, 2001).

" Upon the whole it is, in our opinion, very fortunate that the Arabian chief has been taken. The struggle of the Bedouins was a hopeless one, and though the manner in which brutal soldiers, like Bugeaud, have carried on the war is highly blamable, the conquest of Algeria is an important and fortunate fact for the progress of civilisation. The piracies of the Barbaresque states, never interfered with by the English government as long as they did not disturb their ships, could not be put down but by the conquest of one of these states. And the conquest of Algeria has already forced the Beys of Tunis and Tripoli, and even the Emperor of Morocco, to enter upon the road of civilisation. They were obliged to find other employment for their people than piracy, and other means of filling their exchequer than tributes paid to them by the smaller states of Europe. And if we may regret that the liberty of the Bedouins of the desert has been destroyed, we must not forget that these same Bedouins were a nation of robbers, — whose principal means of living consisted of making excursions either upon each other, or upon the settled villagers, taking what they found, slaughtering all those who resisted, and selling the remaining prisoners as slaves. All these nations of free barbarians look very proud, noble and glorious at a distance, but only come near them and you will find that they, as well as the more civilised nations, are ruled by the lust of gain, and only employ ruder and more cruel means. And after all, the modern bourgeois, with civilisation, industry, order, and at least relative enlightenment following him, is preferable to the feudal lord or to the marauding robber, with the barbarian state of society to which they belong. "
Extraordinary Revelations. — Abd-El-Kader. — Guizot’s Foreign Policy.



B / 4 - Albert Camus à Stockholm devant des étudiants suédois 


B / 5







C / Éric Zemmour : « 60 ans après, je mettrai fin aux privilèges migratoires de l'Algérie »

Le Figaro, 19 mars 2022.

Il y a 60 ans jour pour jour, la signature des accords d'Evian marquait l'arrêt officiel des combats d'une guerre d'Algérie que la France avait gagnée, mais qu'elle ne voulait plus mener. La paix qui s'en est suivie n'en a jamais vraiment été une. Ce sont des milliers d'Européens et des dizaines de milliers de harkis qui furent enlevés, torturés, assassinés dans les semaines et mois qui suivirent.

Depuis, la France n'a fait que battre sa coulpe devant des dirigeants algériens souvent arrogants, qui n'ont cessé, eux, d'agiter le ressentiment anti-Français, chez eux, mais aussi chez nous. Car des millions d'Algériens et descendants d'Algériens sont venus sur notre sol, en vertu des accords particuliers entre la France et l'Algérie permettant de faciliter leur immigration massive. Et chez eux, les dirigeants algériens ont tout fait pour faire perdurer cette rancune, qui fait partie du récit national algérien d'une «guerre de libération». L'hymne algérien est clair : «Ô France ! voici venu le jour où il te faut rendre des comptes» chante-t-on encore, 60 ans après l'indépendance.

Au lieu de contrer ce récit, Emmanuel Macron n'a rien trouvé de mieux que l'alimenter, en déclarant sur une chaîne algérienne que la colonisation était un « crime contre l'humanité ». Son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin fait pire encore en déposant une gerbe tricolore bien incongrue aux pieds du Mémorial des Martyrs d'Alger, qui se sont battus contre la France. Des paroles et des actes dangereux et imprudents, qui viennent s'ajouter aux manœuvres algériennes visant à exciter le rejet de la France chez les jeunes arabo-musulmans de notre pays. Des paroles terribles aussi pour les rapatriés d'Algérie et les harkis, ou leurs descendants, chez qui le souvenir des exactions, de la violence puis de l'exode est encore vif. Des paroles que ses récents gestes n'ont pas fait oublier pour les harkis, ni pour les rapatriés. Surtout, ce n'est sûrement pas ce type de paroles ou gestes qui permettront à notre pays d'être à nouveau respecté de l'autre côté de la Méditerranée.

Les dirigeants algériens ne manquent jamais de nous insulter, mais ils ne se risquent pas à remettre en cause des avantages concédés par la France post-coloniale et aujourd'hui totalement hors de propos. En 1968, dans le prolongement des accords d'Evian, la France passe des accords avec l'Algérie qui permettent de faciliter l'immigration algérienne. À l’époque, le patronat exprimait un besoin important de main-d’œuvre. Aujourd'hui, nous avons des millions de chômeurs inemployés et nous ne voulons plus de cette immigration, mais les Algériens continuent de bénéficier de ces privilèges.

Pourtant aucun gouvernement n'a osé revenir sur l'accord migratoire de 1968, même si beaucoup l'ont envisagé. Élu Président de la République, je mettrai définitivement fin aux privilèges migratoires exorbitants des Algériens. Je serai aussi particulièrement attentif à la dette des patients algériens auprès de nos hôpitaux (évaluée à 600 millions d'euros en 2012...), ou encore à la fraude aux centenaires sur les retraites françaises touchées en Algérie. La France doit retrouver son rôle de puissance méditerranéenne, dans le respect mais sans repentance

Dès l'été de mon élection, je me rendrai au Maghreb. En commençant bien sûr par l'Algérie, j'entamerai une tournée pour remettre à plat nos relations et affirmer notre position : le respect, pas la repentance. Je veux une France forte qui s'assume et s'affirme à nouveau comme une puissance méditerranéenne. Dans un dialogue de vérité, 60 ans après son indépendance, je traiterai l'Algérie en État mature, comme tous les autres pays du monde, considérant que de part et d'autre nous sommes définitivement défaits du lien colonial. Je conditionnerai désormais les aides financières et l'octroi de visas à la coopération contre l'émigration clandestine, à la réadmission des immigrés illégaux expulsés de France et à des accords permettant que les petites peines de prison puissent être effectuées dans les pays d'origine des délinquants étrangers.

Mes parents sont venus d'Algérie, ils se sont assimilés, ils ont chéri cette France qui leur a tout donné et je perpétue aujourd'hui ce qu'ils m'ont transmis. Avec moi, la porte de l'assimilation sera toujours ouverte, mais ceux qui souhaitent rester chez nous en continuant dans la voie du ressentiment et du rejet de la France ne seront plus les bienvenus.

mardi 23 août 2022

L'ARTICLE "GAYSSOT" (Loi du 13/7/1990) ET LA DÉFUNTE LOI BOYER

Voir aussi 

POLICE DE LA PAROLE ET CORRECTION POLITIQUE
Denis Diderot : « Nous parlerons contre les lois insensées jusqu’à ce qu’on les réforme ; et, en attendant, nous nous y soumettrons. Celui qui, de son autorité privée, enfreint une mauvaise loi, autorise tout autre à enfreindre les bonnes. » (Supplément au Voyage de Bougainville, 1796, écrit en mai 1776). 

A /  Le politiquement correct, ou, mieux dit, la correction politique (correction au double sens de rectification et de punition), incarne aujourd'hui ce Big Brother d'Orwell à la fois guide, surveillant, censeur médiatique et pénal des paroles. La " Gayssot attitude ", initiée dès 1986 par des députés socialistes au nom de la " défense de la vérité ", en acte en 1990 et prolongée par les lois mémorielles de janvier et mai 2001, et février 2005, par la loi Perben/Halde du 30 décembre 2004, puis par le vote de l'Assemblée du 22 décembre 2011 et du Sénat le lendemain (loi "génocide arménien" retoquée par le Conseil constitutionnel, mais qui faillit nous être resservie en décembre 2015), bloquent la marche du savoir, selon l'expression de l’historien français François Furet [1], car par la censure qu'elle établit, elle empêche la double confrontation des arguments et des éléments de documentation.

Dans Le Monde du 28/29 janvier 1990, le journaliste militant Edwy Plenel dénonçait un maître de conférences de l'université Lyon III-Jean Moulin, Bernard Notin, auteur dans le n° 32 hors-série (août 1989) d'Économies et Sociétés (P.U. de Grenoble), d'un article contenant ces lignes :
   " Le réel passe alors en jugement devant l'irréel [Belle formule, que je reprends souvent]. Le thème, historique, des chambres à gaz homicides, est très révélateur de ce procès. Les preuves proposées pour en démontrer l'existence évoluent au gré des circonstances et des époques mais s'extraient d'une boite à malices comprenant trois tiroirs : Tout en bas : la visite des locaux (peu crédibles). Au milieu : l'affirmation des vainqueurs (elles ont existé). En haut : les on-dits (histoire de l'homme qui a vu l'homme qui...). Au total, on en postule l'existence, et qu'importe la réalité de cette réalité. On reconnaîtra là le fondement de toute tyrannie. "
Bizarrement, cet article n'est même plus mentionné dans l'index de la revue...

* * * * *
" Ils [les historiens] savent que la recherche, qui a beaucoup progressé, n’a pas hésité à transgresser des tabous déjà inscrits dans la mémoire : non, nous n’avons pas de preuves du fonctionnement d’une chambre à gaz à Dachau ; non, quatre millions d’êtres humains n’ont pas disparu à Auschwitz. [...] La loi impose des interdits, elle édite des prescriptions, elle peut définir des libertés. Elle est de l’ordre du normatif. Elle ne saurait dire le vrai. Non seulement rien n’est plus difficile à constituer en délit qu’un mensonge historique, mais le concept même de vérité historique récuse l’autorité étatique. L’expérience de l’Union soviétique devrait suffire en ce domaine. Ce n’est pas pour rien que l’école publique française a toujours garanti aux enseignants le libre choix des manuels d’histoire. "
Madeleine Rebérioux, « Le génocide, le juge et l’historien », L’Histoire, n°138, novembre 1990.

Ce que l’on appelle aujourd'hui « loi Gayssot » (loi 90-615 du 13 juillet 1990), instituait, en son article 9, le nouvel article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Article modifié par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté et par l'article 38 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

  La Cour de cassation refusa quatre fois la possibilité d'un examen de cet article par le Conseil constitutionnel via une QPC :
Arrêts des :
7 mai 2010,
21 juin 2011 (Dieudonné),
5 décembre 2012,
6 mai 2014 (Vincent Reynouard).

Le 6 octobre 2015, cette même Cour accepta enfin la QPC posée par Vincent Reynouard, pour la raison suivante :
" La disposition critiquée, qui incrimine la seule contestation des crimes contre l’humanité définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis, soit par des membres d’une organisation criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale, est susceptible de créer une inégalité devant la loi et la justice. "
QPC 2015-512 : Le Conseil constitutionnel jugea ensuite que cette disposition n'était contraire ni à la liberté d'expression
" 7. les dispositions contestées ont pour objet de réprimer un abus [incitation au racisme et à l'antisémitisme] de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui porte atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers [...] seule la négation, implicite ou explicite, ou la minoration outrancière de ces crimes est prohibée. "
ni au principe d'égalité
" 10. la négation de faits qualifiés de crime contre l'humanité par une décision d'une juridiction française ou internationale reconnue par la France se différencie de la négation de faits qualifiés de crime contre l'humanité par une juridiction autre ou par la loi "
Décision n° 2015-512 QPC du 8 janvier 2016. (séance du 7 janvier 2016, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI).


B / Alinéas de l'article 24 bis de cette loi sur la liberté de la presse :


[« 2° Ou la négation, la minoration ou la banalisation de ce crime constitue une incitation à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe défini par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale. » : Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, considérant 197]


Références que cet article ne donne pas :

[I] Article 6 (c) du Statut :
" Les Crimes contre l’Humanité " : " C’est-à-dire l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime. "
[II] Article 9 du Statut :
" Lors d'un procès intenté contre tout membre d'un groupe ou d'une organisation quelconques, le Tribunal pourra déclarer (à l'occasion de tout acte dont cet individu pourrait être reconnu coupable) que le groupe, ou l'organisation à laquelle il appartenait était une organisation criminelle. Après avoir reçu l'acte d'accusation, le Tribunal devra faire connaître, de la manière qu'il jugera opportune, que le Ministère Public a l'intention de demander au Tribunal de faire une déclaration en ce sens et tout membre de l'organisation aura le droit de demander au Tribunal à être entendu par celui-ci sur la question du caractère criminel de l'organisation. Le Tribunal aura compétence pour accéder à cette demande ou la rejeter. En cas d'admission de la demande, le Tribunal pourra fixer le mode selon lequel les requérants seront représentés et entendus. "


L’expression « chambres à gaz » ne figure pas dans les textes cités aux §§ [I] et [II].

Parmi les auteurs signataires de cet Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l'Axe et statut du tribunal international militaire. Londres, 8 août 1945, figuraient les Français Henri Donnedieu de Vabres (1880-1952) et Robert Falco (1882-1960). 


Dispositions annexes :

Article 48-2
Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, qui se propose, par ses statuts, de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'apologie des crimes ou délits de collaboration avec l'ennemi et en ce qui concerne l'infraction prévue par l'article 24 bis.

Article 50-1 (créé par l'article 39 de la Loi Sarkozy n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance)

Lorsque les faits visés par les articles 24 et 24 bis résultent de messages ou informations mis à disposition du public par un service de communication au public en ligne et qu'ils constituent un trouble manifestement illicite, l'arrêt de ce service peut être prononcé par le juge des référés, à la demande du ministère public et de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.

Article 65-3
Pour les délits prévus par les septième et huitième alinéas de l'article 24, l'article 24 bis, les deuxième et troisième alinéas de l'article 32 et les troisième et quatrième alinéas de l'article 33, le délai de prescription prévu par l'article 65 [al. 1 : trois mois] est porté à un an.
« Pour ces délits, le deuxième alinéa de l'article 65 n'est pas applicable. » »

* * * * *

   Une société de connaissance ouverte, héritière des cultures grecque et romaine, ne peut plus accepter une disposition telle que l'article 24bis de la loi Gayssot soumettant le débat, public ou spécialisé, présent et futur aux décisions d’un tribunal militaire selon les Accords de Londres (et l'annexe dite Statut de Nuremberg) du 8 août 1945 ;  cela il y a plus de 78 ans, alors même que l'histoire de la Seconde guerre mondiale en était au point zéro, que l'État totalitaire de Staline était partie prenante de ce tribunal militaire. Comme l'écrivait l'historien François Furet six ans après l'adoption de cette loi, « L’Holocauste [...] doit d’autant moins faire l’objet d’un interdit préalable que bien des éléments en restent mystérieux et que l’historiographie sur le sujet n’en est qu’à son commencement. »

De plus, le Gouvernement provisoire de la République française (juin 1944 / octobre 1946) signataire de ces accords n'émanait pas du suffrage universel (les premiers scrutins n'ayant eu lieu que le 21 octobre 1945), ce qui n'assure pas à ces Accords de Londres la condition constitutionnelle de l'article 55 C., soit des " traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ".

  Georges Clémenceau aurait déclaré : " La justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique. " La France supprima la justice militaire de la Cour de sûreté de l'État (loi 81-737 du 4 août 1981) ; et voilà qu'elle institue durablement l'histoire militaire ...

  Enfin, le caractère rétroactif et ad hoc de la définition du crime contre l'humanité heurte les fondements du droit, dont le principe général du droit (PGD) de non-rétroactivité de la loi pénale.

  L'application  concrète de cette disposition Gayssot oscille entre une injonction de proclamer une croyance aux gazages ou au chiffre mythique de six millions, et l'interdiction d'émettre une incroyance ou un doute quelconque. C'est ici un obscurantisme, un refus de savoir, qui est à l'œuvre, comme d'ailleurs dans la loi Halde (loi Perben) du 30 décembre 2004 sur la question de l'homophobie
" TITRE III : RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES PROPOS DISCRIMINATOIRES À CARACTÈRE SEXISTE OU HOMOPHOBE "
avec cette ahurissante et liberticide notion de " propos discriminatoires ".


C /  La loi du 26 janvier 1984, article 3, alinéa 1 (devenu l'article L. 141-6 du Code de l'Éducation), énonce un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) :
  " Le service public de l’enseignement supérieur est laïc et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique. "
  La mécanique de la  correction politique va-t-elle si vite que ces mots ne veuillent plus rien dire aujourd’hui ? Dans la culture occidentale, on se devrait, pour la qualité de l’Instruction publique, de fournir en permanence les éléments objectifs établissant les faits scientifiques ou historiques, justifiant les diverses théories ou politiques élaborées à partir de ces faits. On ne peut s’en tenir à la position irréfléchie et improvisée de 34 historiens français qui eurent ce que le philosophe Paul Thibaud, alors directeur de la revue Esprit, appela "un réflexe de cordon sanitaire" ; ils proclamèrent leur refus de débattre :
 "Il ne faut pas se demander comment, techniquement, un tel meurtre de masse a été possible. Il a été techniquement possible puisqu’il a eu lieu. [...] Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de débat sur l’existence des chambres à gaz." (Le Monde, 21 février 1979).
  Plusieurs d’entre eux s'opposèrent par la suite à cet "article Gayssot", et aucun des historiens français alors spécialistes de la Seconde guerre mondiale : Henri Amouroux, Henri Michel, René Rémond, n'avait signé cette proclamation. Le linguiste Noam Chomsky rappela, à Ce soir ou jamais (31 mai 2010), les raisons pour lesquelles il défendait en 1980, par une préface remarquée au Mémoire en défense de Robert Faurisson, sa conception radicale de la liberté d'expression.

   Le philosophe Jean-François Lyotard (1924-1998) posait cette " question de méthode " :
" Comment savoir que l’adversaire est de mauvaise foi, tant qu’on n’a pas cherché à le convaincre et qu’il n’a pas manifesté par sa conduite son mépris des règles scientifiques ? " (Le Différend, Paris : Minuit, 1983, paragraphe 34).
La « Gayssot attitude » rencontra l’opposition, répétée deux fois, du Sénat ; cette loi du 13 juillet 1990, longtemps non contrôlée à par le Conseil constitutionnel [2], fut déplorée par la majorité des historiens et des juristes, de même que l’ensemble des lois ou résolutions mémorielles : reconnaissance du génocide arménien par la loi du  29 janvier 2001loi Taubira sur l'esclavage du 21 mai 2001 et  loi du 23 février 2005 sur la colonisation.


Appel du 12 décembre 2005 de "Liberté pour l’histoire" :
  " Émus par les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l’appréciation des événements du passé et par les procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs, nous tenons à rappeler les principes suivants : L’histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant. L’histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique. L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui. L’histoire n’est pas la mémoire. L’historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les faits. L’histoire tient compte de la mémoire, elle ne s’y réduit pas. L’histoire n’est pas un objet juridique. Dans un État libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l’État, même animée des meilleures intentions, n’est pas la politique de l’histoire. C’est en violation de ces principes que des articles de lois successives - notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005 - ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites. Nous demandons l’abrogation de ces dispositions législatives indignes d’un régime démocratique. "

   Les signataires de cet appel : " Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock. " http://www.lph-asso.fr/

   Parce que pris sous le coup de l’émotion exploitée politiquement de la profanation du cimetière juif de Carpentras (nuit du 8 au 9 mai 1990), Jacques Toubon, ancien Défenseur des droits, déplora cet article Gayssot :
« Certains objectent que si c'est bien l'histoire qui fait la vérité et si ce n'est pas à la loi de l'imposer, certains propos vont trop loin et il ne faut pas permettre de les exprimer. Mais c'est glisser insensiblement vers le délit politique et vers le délit d'opinion. [... ] Sur le principe, l'article 24 bis représente, à mon avis, une très grave erreur politique et juridique. Il constitue en réalité une loi de circonstance, et je le regrette beaucoup. Une année s'est écoulée. Nous ne sommes pas à un mois des événements de Carpentras. [... ] Il est parfaitement clair que l'institution d'un délit de révisionnisme a fait régresser notre législation, car c'est un pas vers le délit d'opinion. Cela a fait régresser l'histoire parce que cela revient à poser que celle-ci peut-être contestée. Je suis contre le délit de révisionnisme, parce que je suis pour le droit et pour l’histoire, et que le délit de révisionnisme fait reculer le droit et affaiblit l’histoire ». [Assemblée Nationale, IXe législature, troisième séance du 21 juin 1991].
  Le 7 octobre 1996, l’Académie des Sciences Morales et Politiques, à l’unanimité, souhaita que l’on revienne sur cette disposition (Le Figaro, 18 octobre 1996). Plusieurs juristes français exprimèrent rapidement réticences et inquiétudes face à une disposition d’inspiration totalitaire, comme le souligna Noam Chomsky sur France 3. Selon François Terré, professeur agrégé de philosophie du droit à Paris-II,
« En érigeant le révisionnisme - lequel est aberrant - en infraction pénale, on porte atteinte : a) à la Déclaration de 1789 : " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions [...] " b) à la libre recherche scientifique, consacrée par les lois de la République, et dont la liberté d’expression est une illustration [en fait : la source]. » (Le Figaro, 29 juin 1990, page 2)
L’historien de la littérature russe Georges Nivat (ENS-Ulm), contacté au sujet de " La littérature témoin de l'inhumain ", son article dans l'Encyclopaedia Universalis, écrivit : « Je n’approuve pas la loi qui institue un délit de contre-vérité historique » (communication personnelle).

   Les procès contre Robert Faurisson, puis des affaires récentes ont montré que cette disposition est devenue, sous couvert de lutte contre l’antisémitisme, la clef de voûte de la police de la parole. Mais en assimilant le révisionnisme historique à une intifada, puis en cherchant des soutiens du côté des islamistes, Faurisson s'était, il me semble, complètement déconsidéré ; cependant le problème de la liberté de la recherche historique demeure entier.

  Dans une décision Garaudy du 24 juin 2003, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) considéra que " la contestation des crimes contre l'humanité [commis pendant la seconde Guerre mondiale] apparaît comme l'une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les Juifs et d'incitation à la haine à leur égard. La négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l'ordre public. " Mais il est bien loin d'être certain que ce privilège d'incontestabilité accordé à ce point de l'histoire soit de nature à contrer efficacement l'antisémitisme.

   Les condamnations (T.G.I., puis appel) du député européen Bruno Gollnisch ont été cassées sans renvoi par arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation le 23 juin 2009 ; les propos imputés par la citation du procureur Richaud à Bruno Gollnisch :
« l’existence des chambres à gaz, c’est aux historiens d’en discuter…moi je ne nie pas les chambres à gaz homicides mais la discussion doit rester libre….je pense que sur le drame concentrationnaire, la discussion doit rester libre. »
 - ne constituent donc pas, pour cette Cour, le délit de contestation d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité.


§ D / 1  Rares, hélas, sont ceux qui comprennent que la liberté d’expression est constitutionnellement la première des libertés, la liberté étant le premier des quatre droits fondamentaux de 1789, et que le principe d’attribution de ces droits est l’égalité.


La liberté d’expression doit donc valoir pour tous et pour tous les sujets, sinon elle se réduit à un simple privilège de classe ou de caste. La démocratie n’est ni « Ferme ta gueule », ni « Cause toujours », mais cet esprit d'abord socratique puis voltairien qui fait suivre le désaccord d’une argumentation, d’une réfutation si nécessaire :
  « En général, il est de droit naturel de se servir de sa plume comme de sa langue, à ses périls, risques et fortune. Je connais beaucoup de livres qui ont ennuyé, je n’en connais point qui aient fait de mal réel. [...] Mais, paraît-il parmi vous quelque livre nouveau dont les idées choquent un peu les vôtres (supposé que vous ayez des idées), ou dont l’auteur soit d’un parti contraire à votre faction, ou, qui pis est, dont l’auteur ne soit d’aucun parti : alors vous criez au feu ; c’est un bruit, un scandale, un vacarme universel dans votre petit coin de terre. Voilà un homme abominable, qui a imprimé que si nous n’avions point de mains, nous ne pourrions faire des bas ni des souliers [Helvétius, De l’Esprit, I, 1] : quel blasphème ! Les dévotes crient, les docteurs fourrés s’assemblent, les alarmes se multiplient de collège en collège, de maison en maison ; des corps entiers sont en mouvement et pourquoi ? Pour cinq ou six pages dont il n’est plus question au bout de trois mois. Un livre vous déplaît-il, réfutez-le ; vous ennuie-t-il, ne le lisez pas. » Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, article « Liberté d’imprimer ».
   Il faudrait rétablir une " liberté d’expression globale ", comme le souhaita le fondateur d’Agora Vox au forum  Liberté de la presse et concentration dans les médias, site du Nouvel Obs, 21 février 2007 : Question [la mienne en fait] : « " L’omerta autour du 11 septembre 2001 est un autre cas intéressant à étudier " [réponse de Revelli à une question précédente] Parleriez-vous aussi d’omerta autour de l’Holocauste ? » 
Réponse de Carlo Revelli : « Je ne pense pas que j’associerais ces deux termes entre eux... En revanche, je pense que le fait qu’on puisse mal discuter de l’Holocauste tend à favoriser l’essor "underground" des thèses négationnistes. Je suis pour une liberté d’expression globale. »

§ D / 2 Petit dialogue dans Répliques (émission produite par Alain Finkielkraut) du 6 juillet 2002, sur France Culture :
Élisabeth Lévy à BHL : Je sais que vous connaissez Alain Finkielkraut, vous ne pouvez pas le soupçonner je crois de complaisance à l'antisémitisme [...] vous répétez "Renaud Camus est un fieffé antisémite", pourquoi, BHL, ne vous êtes-vous pas demandé, à aucun moment : mais si AF le soutient, peut-être que je peux me tromper ?
BHL : A ce compte là, il y a dix ans, j'aurais dû me dire : attention, si Noam Chomsky préface Faurisson,
BHL : alors je devrais ... Noam Chomsky est un grand intellectuel [...] j'aurais dû me demander, me poser la question : tiens ! tiens ! tiens ! si Chomsky préface Faurisson, c'est peut-être qu'il y a un noyau ...
ÉL : excusez-moi, c'est pas exactement la même chose, mais non ...
ÉL : Vous n'avez pas le moindre doute, c'est ça que je veux dire.
BHL : Comment voulez-vous que j'ai des doutes ? On est dans un univers bizarre, voilà un type, RC, qui arrive et qui dans un Journal d'abord, compte les juifs de France Culture.
Ce jour-là, à Répliques, il y en avait trois sur trois ... L'interdit sur le révisionnisme verrouille les débats, cloue le bec à Élisabeth Lévy elle-même ; c'est l'argument ad Faurissonem ; si on a le droit de juger sans examiner dans l'affaire Faurisson, droit accordé par la correction politique, on l'a donc aussi chaque fois que l'on est moralement indigné... 

   À la question de Montaigne : « Est-il chose qu’on vous propose pour l’avouer ou refuser, laquelle il ne soit pas loisible de considérer comme ambiguë ? » (Essais, II, xii, page 503 de l’édition PUF/Villey),
Kant répondait : « Chacun est, qu’il le veuille ou non, forcé de croire à un fait tout autant qu’à une démonstration mathématique, pourvu que ce fait soit suffisamment avéré. » Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ? (1786) ; traduction Pierre Jalabert, in Œuvres philosophiques, tome 2, Paris : Gallimard, 1985, collection "Bibliothèque de la Pléiade".
D’où l'exigence de pouvoir examiner librement si le fait est, ou non, avéré. " Ma créance [croyance] ne se manie pas à coups de poing ", osa Montaigne (Essais, III, xi). À défaut de ce libre examen, on porte tort, comme le nota, avant Sigmund Freud, John Stuart Mill, au développement mental de ceux que l’on intimide par la crainte de l’hérésie (On Liberty, chapitre II, « Of the Liberty of Thought and Discussion », 1859). Il y a là un interdit public, de type religieux, archaïque, défavorable à la fonction intellectuelle, et contraire, par son aspect religieux, à la laïcité, prise sous son angle essentiel de la liberté de conscience.


§ D / 3 L'hebdomadaire Rivarol fut condamné en Cour d'appel de Paris le 21 janvier 2009 pour "contestations de crimes contre l'humanité", pour un entretien avec Jean-Marie Le Pen qui estimait que l'occupation allemande n'avait pas "été particulièrement inhumaine" (a). Rivarol souleva alors une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). "Tout a été dit sur le caractère liberticide de cette loi, selon le conseil de M. Le Pen, Bruno Le Griel, rappelant que la Cour de cassation avait invalidé, en juin 2009, la condamnation de Bruno Gollnisch. Intervenant pour la Fédération nationale des déportés, Arnaud Lyon-Caen jugea que la question n'était pas sérieuse car il était " inconcevable que le Conseil constitutionnel abroge la loi Gayssot ", rappelant que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait décidé qu'elle ne portait pas atteinte à la liberté d'expression. Pour lever "les divisions et les doutes", l'avocate générale Anne-Marie Batut demanda, sans succès, que cette question soit transmise au Conseil constitutionnel. La condamnation de Rivarol devint définitive après le rejet, en juin 2013, de son pourvoi en cassation.

a.
« En France, du moins, l’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine, même s’il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550 000 kilomètres carrés […]. Il y a donc une insupportable chape de plomb qui pèse depuis des décennies sur tous ces sujets et qui, comme vous le dites, va en effet être réactivée cette année […]. Mais le plus insupportable à mes yeux, c’est l’injustice de la justice […]. Ce n’est pas seulement de l’Union européenne et du mondialisme que nous devons délivrer notre pays, c’est aussi des mensonges sur son histoire, mensonges protégés par des mesures d’exception. D’où notre volonté constante d’abroger toutes les lois liberticides, Pleven, Gayssot, Lellouche, Perben II. Car un pays et un peuple ne peuvent rester ou devenir libres s’ils n’ont pas le droit à la vérité dans tous les domaines. Et cela quoi qu’il en coûte ».
Je peux donner un témoignage personnel : mes parents, instituteurs dans une école occupée de l'Eure, m'ont toujours dit qu'ils avaient pu compléter leur maigre ordinaire grâce à un cuisinier fridolin anti-Hitler, les paysans du coin étant surtout préoccupés des activités et gros revenus du "marché noir", et leur proposant seulement ce dont " les cochons ne voulaient plus ".

E /  Par la loi mémorielle du 29 janvier 2001, la France reconnut le "génocide arménien", et une proposition de loi de Valérie Boyer (réélue députée UMP de Marseille) demanda d'instaurer la répression pénale de sa contestation ; proposition, adoptée par l'Assemblée nationale le 22 décembre 2011 et par le Sénat ; mais le Conseil constitutionnel déclara cette loi Boyer contraire à la Constitution (2012-647 DC) :

6. Considérant qu'une disposition législative ayant pour objet de « reconnaître » un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s'attache à la loi ; que, toutefois, l'article 1er de la loi déférée réprime la contestation ou la minimisation de l'existence d'un ou plusieurs crimes de génocide « reconnus comme tels par la loi française » ; qu'en réprimant ainsi la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 1er de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ; que son article 2, qui n'en est pas séparable, doit être également déclaré contraire à la Constitution, 
D É C I D E :

Article 1er.- La loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi est contraire à la Constitution. 
Article 2.-La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 février 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING et Pierre STEINMETZ.

En juillet 2012, François Hollande annonce sa recherche d'une telle loi, contre l'avis de son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. Le 14 octobre 2014, l'infatigable Valérie Boyer déposa une nouvelle proposition de loi N° 2276 visant à " réprimer la négation des génocides et des crimes contre l’humanité du XXème siècle" ; ce texte est venu en discussion en séance publique les 1ère, 2e et 3e séances du jeudi 3 décembre 2015. Mais rejet de cette ppl par la Commission des lois le 25 novembre 2015. Voir le rapport de Valérie Boyer. et, plus haut, les développements avec le PjL Égalité et citoyenneté.

NOTES

[1] Dans la revue Commentaire, n° 80, hiver l997-98, les historiens Ernst Nolte et François Furet s’accordaient sur la légitimité de ce débat. Leur correspondance fut publiée sous le titre Fascisme et communisme (Paris : Plon, 1998 ; Hachette Littératures, collection Pluriel, n° 971, 2000).

Le 5 septembre 1996, Nolte écrivit à Furet :

Ernst Nolte, 1923-2016

« Il faut répondre aux arguments révisionnistes par des arguments et non en engageant des procès. [...] Je me sens provoqué par [le révisionnisme], et je ne me vois pourtant pas m’associer à ceux qui veulent mobiliser les procureurs et la police contre lui. [...] Je considère comme fondamentalement fausse l’affirmation selon laquelle, si l’essentiel est incontestable, aucune affirmation particulière n’aurait plus besoin d’examen, et tous les doutes ne pourraient provenir que d’intentions mauvaises. Je crois qu’on menace, au contraire, le noyau de la chose, lorsque on veut soustraire l’écorce à la discussion. Non pas certes le caractère factuel de ce noyau, mais le rang et l’importance qu’on lui accorde. »

Ce à quoi François Furet répondit, le 30 septembre 1996 :

François Furet, 1926-1997

« Rien n’est pire que de vouloir bloquer la marche du savoir, sous quelque prétexte que ce soit, même avec les meilleures intentions du monde. C’est d’ailleurs une attitude qui n’est pas tenable à la longue, et qui risquerait d’aboutir à des résultats inverses de ceux qu’elle prétend rechercher. C’est pourquoi je partage votre hostilité au traitement législatif ou autoritaire des questions historiques. L’Holocauste fait hélas partie de l’histoire du XXe siècle européen. Il doit d’autant moins faire l’objet d’un interdit préalable que bien des éléments en restent mystérieux et que l’historiographie sur le sujet n’en est qu’à son commencement. »

* * * * *

   Dans leurs Mémoires, ni Winston Churchill, ni Charles de Gaulle, ni Dwight D. Eisenhower, ni le maréchal Guéorgui K. Joukov, ne mentionnèrent ces chambres à gaz nazies. Par ailleurs, les tenants de cet " article Gayssot " restent partagés entre ceux qui disent qu’il y a abondance de preuves et ceux qui prétendent que toutes les preuves ont été effacées ; il faudrait choisir ...

[2] Les professeurs de droit public Pierre Avril, Olivier Duhamel et Jean Gicquel s'étonnaient que cette "loi Gayssot" n’ait pas subi de contrôle de constitutionnalité. (Le Monde, 15-16 juillet 1990 ; Pouvoirs, n° 56, 1991.) Certains parlementaires firent alors état d’une intimidation qui les en aurait dissuadé.

Le 27 juillet 1990, Alain ROLLAT écrivit dans Le Monde : « Voilà un texte, qui, d’un point de vue strictement juridique, soulève une question fondamentale, au regard de la liberté d’opinion et d’expression, puisqu’il voue aux Tribunaux, en visant les prétendus historiens “révisionnistes”, les citoyens “qui auront contesté l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité. Or, faute de saisine du Conseil Constitutionnel, cette question ne sera pas tranchée. Sauf peut-être si, un jour, quelque avocat avisé se tourne vers les institutions européennes pour pallier cette anomalie. »
On a vu plus haut que le Conseil constitutionnel présidé par Jean-Louis Debré trancha, le 8 janvier 2016, dans le sens de la conformité.