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mardi 28 février 2023

L'HUMANISME ET LES LUMIÈRES FACE À L'ISLAM

Voir, pour les périodes antérieure et postérieure, ainsi que pour les autres courants de pensée, la page dont est extrait cet article :


MAUVAISES (ET BONNES) RÉPUTATIONS DE L'ISLAM


et aussi


DES CHRÉTIENS FACE À L'ISLAM


* * * * *


Rabelais, Montaigne, Montesquieu, Voltaire et Encyclopédie, Rousseau, Chevalier de Jaucourt dans Encyclopédie, Beaumarchais et Condorcet.


1580-1588 Montaigne (1533-1592)




« Le grand Seigneur [le Grand Turc, Soliman le magnifique] ne permet aujourd'hui ni à Chrétien ni à Juif d'avoir cheval à soi, à ceux qui sont sous son empire. » (Essais, I, xlviii, page 289 de l'édition Saulnier/Villey) 
« Les Mahométans en défendent l'instruction [de la rhétorique] à leurs enfants, pour son inutilité. » (I, li, p. 305)
« Les Juifs, les Mahométans, et quasi tous autres, ont épousé et révèrent le langage auquel originellement leurs mystères avaient été conçus; et en est défendue l'altération et changement: non sans apparence. » (I, lvi, p. 321)
« Comparez nos mœurs à un Mahométan, à un Païen; vous demeurez toujours au dessous : là où, au regard de l'avantage de notre religion, nous devrions luire en excellence, d'une extreme et incomparable distance ; et devrait on dire: » (II, xii, p. 442)
« Mahomet, qui, comme j'ai entendu, interdit la science à ses hommes » II, xii, p. 497
« [...] quand Mahomet promet aux siens un paradis tapissé, paré d'or et de pierrerie, peuplé de garçes d'excellente beauté, de vins et de vivres singuliers, je vois bien que ce sont des moqueurs qui se plient à notre bêtise pour nous emmiéler et attirer par ces opinons et espérances, convenables à notre mortel appétit. » (II, xii, p. 518) 
« À quel usage les déchirements et démembrements des Corybantes, des Ménades, et, en nos temps, des Mahométans qui se balafrent les visages, l'estomac, les membres, pour gratifier leur prophète, vu que l'offence consiste en la volonté, non en la poitrine, aux yeux, aux génitoires, en l'embonpoint, aux épaules et au gosier. (II, xii, p. 522)
« En la religion de Mahomet, il se trouve, par la croyance de ce peuple, assez de Merlins : assavoir enfants sans père, spirituels, nés divinement au ventre des pucelles; et portent un nom qui le signifie en leur langue. » (II, xii, p. 532)
« Je ne m'étonne plus de ceux que les singeries d'Apollonius [de Tyane] et de Mahomet embufflarent. Leur sens et entendement est entièrement étouffé en leur passion. » (III, x, 1013).

1532 : RABELAIS (1494 ? / 1553) :


« [Panurge] Je leur contais comment ces diables de Turcs sont bien malheureux de ne boire goutte de vin. Si autre mal n'était en l'Alchoran, de Mahumeth, encore ne me mettrais-je mie de sa loi. » Pantagruel, chapitre XIV.


Baron de Montesquieu (1689-1755) :

???? « Les Mahométans, qui, pour se procurer des extases, se mettent dans des tombeaux où ils veillent et ne cessent de hurler, en sortent toujours avec l'esprit plus faible. » (Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, [Première partie]).


1721 : ‎« J'ai parlé à des mollaks qui me désespèrent avec leurs passages de l'Alcoran ; car je ne leur parle pas comme vrai Croyant, mais comme homme, comme citoyen, comme père de famille. » (Lettres persanes, 1721, lettre X).

« La religion juive est un vieux tronc qui a produit deux branches qui ont couvert toute la terre : je veux dire le mahométisme et le christianisme ; ou plutôt c’est une mère qui a engendré deux filles qui l’ont accablée de mille plaies : car, en fait de religion, les plus proches sont les plus grandes ennemies. Mais, quelque mauvais traitements qu’elle en ait reçus, elle ne laisse pas de se glorifier de les avoir mises au monde ; elle se sert de l’une et de l’autre pour embrasser le monde entier, tandis que, d’un autre côté, sa vieillesse vénérable embrasse tous les temps. [...] On s'est aperçu que le zèle pour les progrès de la Religion est différent de l'attachement qu'on doit avoir pour elle, et que, pour l'aimer et l'observer, il n'est pas nécessaire de haïr et de persécuter ceux qui ne l'observent pas. Il serait à souhaiter que nos Musulmans pensassent aussi sensiblement sur cet article que les Chrétiens. » (Lettres persanes, 1721, lettre LX).


" Ce n'est point la multiplicité des religions qui a produit ces guerres [de religion], c'est l'esprit d'intolérance, qui animait celle qui se croyait la dominante ; c'est cet esprit de prosélytisme que les Juifs ont pris des Égyptiens, et qui, d'eux, est passé, comme une maladie épidémique et populaire, aux Mahométans et aux Chrétiens ; c'est, enfin, cet esprit de vertige, dont les progrès ne peuvent être regardés que comme une éclipse entière de la raison humaine. " (Lettres persanes, 1721, lettre LXXXVI).

1748 : « Pendant que les princes mahométans donnent sans cesse la mort ou la reçoivent, la religion, chez les chrétiens, rend les princes moins timides, et par conséquent moins cruels. […] Sur le caractère de la religion chrétienne et celui de la mahométane, on doit, sans autre examen, embrasser l’une et rejeter l’autre : car il nous est bien plus évident qu’une religion doit adoucir les mœurs des hommes, qu’il ne l’est qu’une religion soit vraie. C’est un malheur pour la nature humaine, lorsque la religion est donnée par un conquérant. La religion mahométane, qui ne parle que de glaive, agit encore sur les hommes avec cet esprit destructeur qui l’a fondée. […] La religion des Guèbres rendit autrefois le royaume de Perse florissant ; elle corrigea les mauvais effets du despotisme : la religion mahométane détruit aujourd’hui ce même empire. »
De l’Esprit des loislivre XXIV, chapitres 3, 4 et 11.


Voltaire (1694-1778) et ENCYCLOPÉDIE :

1740« Votre Majesté sait quel esprit m’animait en composant cet ouvrage [Mahomet] ; l’amour du genre humain et l’horreur du fanatisme, deux vertus qui sont faites pour être toujours auprès de votre trône, ont conduit ma plume. J’ai toujours pensé que la tragédie ne doit pas être un simple spectacle qui touche le cœur sans le corriger. Qu’importent au genre humain les passions et les malheurs d’un héros de l’Antiquité, s’ils ne servent pas à nous instruire ? On avoue que la comédie du Tartuffe, ce chef-d’œuvre qu’aucune nation n’a égalé, a fait beaucoup de bien aux hommes, en montrant l’hypocrisie dans toute sa laideur ; ne peut-on pas essayer d’attaquer, dans une tragédie, cette espèce d’imposture qui met en œuvre à la fois l’hypocrisie des uns et la fureur des autres ? Ne peut-on pas remonter jusqu’à ces anciens scélérats, fondateurs illustres de la superstition et du fanatisme, qui, les premiers, ont pris le couteau sur l’autel pour faire des victimes de ceux qui refusaient d’être leurs disciples ?
Ceux qui diront que les temps de ces crimes sont passés ; qu’on ne verra plus de Barcochebas, de Mahomet, de Jean de Leyde, etc. ; que les flammes des guerres de religion sont éteintes, font, ce me semble, trop d’honneur à la nature humaine. Le même poison subsiste encore, quoique moins développé ; cette peste, qui semble étouffée, reproduit de temps en temps des germes capables d’infecter la terre. N’a-t-on pas vu de nos jours les prophètes des Cévennes tuer, au nom de Dieu, ceux de leur secte qui n’étaient pas assez soumis ?
[...]
Si la superstition ne se signale pas toujours par ces excès qui sont comptés dans l’histoire des crimes, elle fait dans la société tous les petits maux innombrables et journaliers qu’elle peut faire. Elle désunit les amis ; elle divise les parents ; elle persécute le sage, qui n’est qu’homme de bien, par la main du fou, qui est enthousiaste ; elle ne donne pas toujours de la ciguë à Socrate, mais elle bannit Descartes d’une ville qui devait être l’asile de la liberté ; elle donne à Jurieu, qui faisait le prophète, assez de crédit pour réduire à la pauvreté le savant et philosophe Bayle ; elle bannit, elle arrache à une florissante jeunesse qui court à ses leçons le successeur [Christian Wolff] du grand Leibnitz ; et il faut, pour le rétablir, que le ciel fasse naître un roi philosophe, vrai miracle qu’il fait bien rarement. En vain la raison humaine se perfectionne par la philosophie, qui fait tant de progrès en Europe ; en vain, vous surtout, grand prince, vous efforcez-vous de pratiquer et d’inspirer cette philosophie si humaine ; on voit dans ce même siècle, où la raison élève son trône d’un côté, le plus absurde fanatisme dresser encore ses autels de l’autre.
[...]  M. le comte de Boulainvilliers écrivit, il y a quelques années, la Vie de ce prophète [La Vie de Mahomet, 1730]. Il essaya de le faire passer pour un grand homme que la providence avait choisi pour punir les chrétiens, et pour changer la face d’une partie du monde. M. Sale [George Sale, mort en 1736], qui nous a donné une excellente version de l’Alcoran en anglais, veut faire regarder Mahomet comme un Numa et comme un Thésée. J’avoue qu’il faudrait le respecter si, né prince légitime, ou appelé au gouvernement par le suffrage des siens, il avait donné des lois paisibles comme Numa, ou défendu ses compatriotes comme on le dit de Thésée. Mais qu’un marchand de chameaux excite une sédition dans sa bourgade ; qu’associé à quelques malheureux coracites [cailloux noirs] il leur persuade qu’il s’entretient avec l’ange Gabriel ; qu’il se vante d’avoir été ravi au Ciel, et d’y avoir reçu une partie de ce livre inintelligible [le Coran] qui fait frémir le sens commun à chaque page ; que, pour faire respecter ce livre, il porte dans sa patrie le fer et la flamme ; qu’il égorge les pères, qu’il ravisse les filles, qu’il donne aux vaincus le choix de sa religion ou de la mort, c’est assurément ce que nul homme ne peut excuser, à moins qu’il ne soit né Turc, et que la superstition n’étouffe en lui toute lumière naturelle.
Je sais que Mahomet n’a pas tramé précisément l’espèce de trahison qui fait le sujet de cette tragédie. L’histoire dit seulement qu’il enleva la femme de Séide, l’un de ses disciples, et qu’il persécuta Abusofian, que je nomme Zopire ; mais quiconque fait la guerre à son pays, et ose la faire au nom de Dieu, n’est-il pas capable de tout ? Je n’ai pas prétendu mettre seulement une action vraie sur la scène, mais des mœurs vraies ; faire penser les hommes comme ils pensent dans les circonstances où ils se trouvent, et représenter enfin ce que la fourberie peut inventer de plus atroce, et ce que le fanatisme peut exécuter de plus horrible. Mahomet n’est ici autre chose que Tartuffe les armes à la main.
[...] Pourquoi obéirais-je en aveugle à des aveugles qui me crient : Haïssez, persécutez, perdez celui qui est assez téméraire pour n’être pas de notre avis sur des choses même indifférentes que nous n’entendons pas ? Que ne puis-je servir à déraciner de tels sentiments chez les hommes ! L’esprit d’indulgence ferait des frères ; celui d’intolérance peut former des monstres.
C’est ainsi que pense Votre Majesté. Ce serait pour moi la plus grande des consolations de vivre auprès de ce roi philosophe. Mon attachement est égal à mes regrets ; et si d’autres devoirs m’entraînent, ils n’effaceront jamais de mon cœur les sentiments que je dois à ce prince qui pense et qui parle en homme ; qui fuit cette fausse gravité sous laquelle se cachent toujours la petitesse et l’ignorance ; qui se communique avec liberté, parce qu’il ne craint point d’être pénétré ; qui veut toujours s’instruire, et qui peut instruire les plus éclairés. »

1754-1757 :
SAINT-FOIX (1698-1776) : « Abdérame, lieutenant du calife de Damas, après avoir conquis l'Espagne, franchit les Pyrénées, s'avança jusqu'à Tours à la tête de quatre cent mille Sarrasins. Charles-Martel, par son activité, sa prudence et sa valeur, remporta la victoire la plus complète sur cette formidable armée, le 22 juillet 732 ; à peine, disent la plupart des historiens, en échappa-t-il vingt-cinq mille. Si ce vaillant homme n'avait pas arrêté cet impétueux torrent, on verrait peut-être aujourd'hui autant de turbans en France qu'en Asie ; quelle obligation ne lui avons-nous donc point ! » Essais historiques sur Paris et sur les Français, 1754-1757.

1756 : « Mahomet, comme tous les enthousiastes, violemment frappé de ses idées, les débita d’abord de bonne foi, les fortifia par des rêveries, se trompa lui-même en trompant les autres, et appuya enfin, par des fourberies nécessaires, une doctrine qu’il croyait bonne. » Voltaire, Essai sur les mœurs et l'esprit des nations, 1756, chapitre VI, "De l’Arabie et de Mahomet".

1756 : « Sa définition de Dieu est d’un genre plus véritablement sublime. On lui demandait quel était cet Allah qu’il annonçait : « C’est celui, répondit-il, qui tient l’être de soi-même, et de qui les autres le tiennent ; qui n’engendre point et qui n’est point engendré, et à qui rien n’est semblable dans toute l’étendue des êtres. » Cette fameuse réponse, consacrée dans tout l’Orient, se trouve presque mot à mot dans l’antépénultième chapitre du Koran.
[...]
Il n’y eut rien de nouveau dans la loi de Mahomet, sinon que Mahomet était prophète de Dieu.

En premier lieu, l’unité d’un être suprême, créateur et conservateur, était très ancienne. Les peines et les récompenses dans une autre vie, la croyance d’un paradis et d’un enfer, avaient été admises chez les Chinois, les Indiens, les Perses, les Égyptiens, les Grecs, les Romains, et ensuite chez les Juifs, et surtout chez les chrétiens, dont la religion consacra cette doctrine.

L’Alcoran reconnaît des anges et des génies, et cette créance vient des anciens Perses. Celle d’une résurrection et d’un jugement dernier était visiblement puisée dans le Talmud et dans le christianisme. Les mille ans que Dieu emploiera, selon Mahomet, à juger les hommes, et la manière dont il y procédera, sont des accessoires qui n’empêchent pas que cette idée ne soit entièrement empruntée. Le pont aigu sur lequel les ressuscités passeront, et du haut duquel les réprouvés tomberont en enfer, est tiré de la doctrine allégorique des mages.

C’est chez ces mêmes mages, c’est dans leur Jannat que Mahomet a pris l’idée d’un paradis, d’un jardin, où les hommes, revivant avec tous leurs sens perfectionnés, goûteront par ces sens mêmes toutes les voluptés qui leur sont propres, sans quoi ces sens leur seraient inutiles. C’est là qu’il a puisé l’idée de ces houris, de ces femmes célestes qui seront le partage des élus, et que les mages appelaient hourani, comme on le voit dans le Sadder. Il n’exclut point les femmes de son paradis, comme on le dit souvent parmi nous. Ce n’est qu’une raillerie sans fondement, telle que tous les peuples en font les uns des autres. Il promet des jardins, c’est le nom du paradis ; mais il promet pour souveraine béatitude la vision, la communication de l’Être suprême.

Le dogme de la prédestination absolue, et de la fatalité, qui semble aujourd’hui caractériser le mahométisme, était l’opinion de toute l’Antiquité : elle n’est pas moins claire dans l’Iliade que dans l’Alcoran.

À l’égard des ordonnances légales, comme la circoncision, les ablutions, les prières, le pèlerinage de la Mecque, Mahomet ne fit que se conformer, pour le fond, aux usages reçus. La circoncision était pratiquée de temps immémorial chez les Arabes, chez les anciens Égyptiens, chez les peuples de la Colchide, et chez les Hébreux. Les ablutions furent toujours recommandées dans l’Orient comme un symbole de la pureté de l’âme.

Point de religion sans prières. La loi que Mahomet porta, de prier cinq fois par jour, était gênante, et cette gêne même fut respectable. Qui aurait osé se plaindre que la créature soit obligée d’adorer cinq fois par jour son créateur ?

Quant au pèlerinage de la Mecque, aux cérémonies pratiquées dans le Kaaba et sur la pierre noire, peu de personnes ignorent que cette dévotion était chère aux Arabes depuis un grand nombre de siècles. Le Kaaba passait pour le plus ancien temple du monde ; et, quoiqu’on y vénérât alors trois cents idoles, il était principalement sanctifié par la pierre noire, qu’on disait être le tombeau d’Ismaël. Loin d’abolir ce pèlerinage, Mahomet, pour se concilier les Arabes, en fit un précepte positif.

Le jeûne était établi chez plusieurs peuples, et chez les Juifs, et chez les chrétiens. Mahomet le rendit très sévère, en l’étendant à un mois lunaire, pendant lequel il n’est pas permis de boire un verre d’eau, ni de fumer, avant le coucher du soleil ; et ce mois lunaire, arrivant souvent au plus fort de l’été, le jeûne devint par là d’une si grande rigueur qu’on a été obligé d’y apporter des adoucissements, surtout à la guerre.

Il n’y a point de religion dans laquelle on n’ait recommandé l’aumône. La mahométane est la seule qui en ait fait un précepte légal, positif, indispensable. L’Alcoran ordonne de donner deux et demi pour cent de son revenu, soit en argent, soit en denrées.

On voit évidemment que toutes les religions ont emprunté tous leurs dogmes et tous leurs rites les unes des autres.

Dans toutes ces ordonnances positives, vous ne trouverez rien qui ne soit consacré par les usages les plus antiques. Parmi les préceptes négatifs, c’est-à-dire ceux qui ordonnent de s’abstenir, vous ne trouverez que la défense générale à toute une nation de boire du vin, qui soit nouvelle et particulière au mahométisme. Cette abstinence, dont les musulmans se plaignent, et se dispensent souvent dans les climats froids, fut ordonnée dans un climat brillant, où le vin altérait trop aisément la santé et la raison. Mais, d’ailleurs, il n’était pas nouveau que des hommes voués au service de la Divinité se fussent abstenus de cette liqueur. Plusieurs collèges de prêtres en Égypte, en Syrie, aux Indes, les nazaréens, les récabites, chez les Juifs, s’étaient imposé cette mortification.

Elle ne fut point révoltante pour les Arabes : Mahomet ne prévoyait pas qu’elle deviendrait un jour presque insupportable à ses musulmans dans la Thrace, la Macédoine, la Bosnie, et la Servie. Il ne savait pas que les Arabes viendraient un jour jusqu’au milieu de la France, et les Turcs mahométans devant les bastions de Vienne.

Il en est de même de la défense de manger du porc, du sang, et des bêtes mortes de maladies ; ce sont des préceptes de santé : le porc surtout est une nourriture très-dangereuse dans ces climats, aussi bien que dans la Palestine, qui en est voisine. Quand le mahométisme s’est étendu dans les pays plus froids, l’abstinence a cessé d’être raisonnable, et n’a pas cessé de subsister.

La prohibition de tous les jeux de hasard est peut-être la seule loi dont on ne puisse trouver d’exemple dans aucune religion. Elle ressemble à une loi de couvent plutôt qu’à une loi générale d’une nation. Il semble que Mahomet n’ait formé un peuple que pour prier, pour peupler, et pour combattre.

Toutes ces lois qui, à la polygamie près, sont si austères, et sa doctrine qui est si simple, attirèrent bientôt à sa religion le respect et la confiance. Le dogme surtout de l’unité d’un Dieu, présenté sans mystère, et proportionné à l’intelligence humaine, rangea sous sa loi une foule de nations, et jusqu’à des nègres dans l’Afrique, et à des insulaires dans l’Océan indien.

Cette religion s’appela l’Islamisme, c’est-à-dire résignation à la volonté de Dieu ; et ce seul mot devait faire beaucoup de prosélytes. Ce ne fut point par les armes que l’Islamisme s’établit dans plus de la moitié de notre hémisphère, ce fut par l’enthousiasme, par la persuasion, et surtout par l’exemple des vainqueurs, qui a tant de force sur les vaincus. Mahomet, dans ses premiers combats en Arabie contre les ennemis de son imposture, faisait tuer sans miséricorde ses compatriotes pénitents. Il n’était pas alors assez puissant pour laisser vivre ceux qui pouvaient détruire sa religion naissante ; mais sitôt qu’elle fut affermie dans l’Arabie par la prédication et par le fer, les Arabes, franchissant les limites de leur pays, dont ils n’étaient point sortis jusqu’alors, ne forcèrent jamais les étrangers à recevoir la religion musulmane. Ils donnèrent toujours le choix aux peuples subjugués d’être musulmans, ou de payer tribut. Ils voulaient piller, dominer, faire des esclaves, mais non pas obliger ces esclaves à croire. Quand ils furent ensuite dépossédés de l’Asie par les Turcs et par les Tartares, ils firent des prosélytes de leurs vainqueurs mêmes ; et des hordes de Tartares devinrent un grand peuple musulman. Par là on voit en effet qu’ils ont converti plus de monde qu’ils n’en ont subjugué.

Le peu que je viens de dire dément bien tout ce que nos historiens, nos déclamateurs et nos préjugés nous disent ; mais la vérité doit les combattre.
 
Bornons-nous toujours à cette vérité historique : le législateur des musulmans, homme puissant et terrible, établit ses dogmes par son courage et par ses armes ; cependant sa religion devint indulgente et tolérante. L’instituteur divin du christianisme, vivant dans l’humilité et dans la paix, prêcha le pardon des outrages ; et sa sainte et douce religion est devenue, par nos fureurs, la plus intolérante de toutes, et la plus barbare. »

1756 : " Comment dans ce temps-là même les mahométans, qui, sous Abdérame, vers l’an 734, subjuguèrent la moitié de la France, auraient-ils laissé subsister derrière les Pyrénées ce royaume des Asturies ? C’était beaucoup pour les chrétiens de pouvoir se réfugier dans ces montagnes et d’y vivre de leurs courses, en payant tribut aux mahométans. Ce ne fut que vers l’an 759 que les chrétiens commencèrent à tenir tête à leurs vainqueurs, affaiblis par les victoires de Charles Martel et par leurs divisions ; mais eux-mêmes, plus divisés entre eux que les mahométans, retombèrent bientôt sous le joug. Mauregat, à qui il a plu aux historiens de donner le titre de roi, eut la permission de gouverner les Asturies et quelques terres voisines, en rendant hommage et en payant tribut. Il se soumit surtout à fournir cent belles filles tous les ans pour le sérail d’Abdérame. Ce fut longtemps la coutume des Arabes d’exiger de pareils tributs ; et aujourd’hui les caravanes, dans les présents qu’elles font aux Arabes du désert, offrent toujours des filles nubiles."

1759" Les captifs, mes compagnons, ceux qui les avaient pris, soldats, matelots, noirs, basanés, blancs, mulâtres, et enfin mon capitaine, tout fut tué, et je demeurai mourante sur un tas de morts. Des scènes pareilles se passaient, comme on sait, dans l’étendue de plus de trois cents lieues, sans qu’on manquât aux cinq prières par jour ordonnées par Mahomet. " (Voltaire, Candide (1759), chapitre XI)


1762 JJ ROUSSEAU

" Mahomet eut des vues très saines ; il lia bien son système politique, et tant que la forme de son gouvernement subsista sous les califes ses successeurs, ce gouvernement fut exactement un, et bon en cela. Mais les Arabes, devenus florissants, lettrés, polis, mous et lâches, furent subjugués par des barbares ; alors la division entre les deux puissances [politique et religieuse] recommença ; quoiqu’elle soit moins apparente chez les mahométans que chez les chrétiens, elle y est pourtant, surtout dans la secte d’Ali ; et il y a des États, tels que la Perse, où elle ne cesse de se faire sentir. " (Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, IV, viii, 1762)


1765 : Chevalier Louis de Jaucourt (1704-1779),

« MAHOMÉTISME, s. m. (Hist. des religions du monde.) religion de Mahomet. L'historien philosophe de nos jours [Voltaire] en a peint le tableau si parfaitement, que ce serait s'y mal connaître que d'en présenter un autre aux lecteurs.
Pour se faire, dit-il, une idée du Mahométisme, qui a donné une nouvelle forme à tant d'empires, il faut d'abord se rappeler que ce fut sur la fin du sixième siècle, en 570, que naquit Mahomet à la Mecque dans l'Arabie Pétrée. Son pays défendait alors sa liberté contre les Perses, et contre ces princes de Constantinople qui retenaient toujours le nom d'empereurs romains.
Les enfants du grand Noushirvan, indignes d'un tel père, désolaient la Perse par des guerres civiles et par des parricides. Les successeurs de Justinien avilissaient le nom de l'empire ; Maurice venait d'être détrôné par les armes de Phocas et par les intrigues du patriarche syriaque et de quelques évêques, que Phocas punit ensuite de l'avoir servi. Le sang de Maurice et de ses cins fils avait coulé sous la main du bourreau, et le pape Grégoire le grand, ennemis des patriarches de Constantinople, tâchaient d'attirer le tyran Phocas dans son parti, en lui proposant des louanges et en condamnant la mémoire de Maurice qu'il avait loué pendant sa vie. [...] Après avoir connu le caractère de ses concitoyens, leur ignorance, leur crédulité, et leur disposition à l'enthousiasme, il vit qu'il pouvait s'ériger en prophète, il feignit des révélations, il parla : il se fit croire d'abord dans sa maison, ce qui était probablement le plus difficile. [...]
Il enseignait aux Arabes, adorateurs des étoiles, qu'il ne fallait adorer que le Dieu qui les a faites, que les livres des Juifs et des Chrétiens s'étant corrompus et falsifiés, on devait les avoir en horreur : qu'on était obligé sous peine de châtiment éternel de prier cinq fois par jour, de donner l'aumône, et surtout, en ne reconnaissant qu'un seul Dieu, de croire en Mahomet son dernier prophète ; enfin de hasarder sa vie pour sa foi. [...]
Sa religion était d'ailleurs plus assujettissante qu'aucune autre, par les cérémonies légales, par le nombre et la forme des prières et des ablutions, rien n'étant plus gênant pour la nature humaine que des pratiques qu'elle ne demande pas et qu'il faut renouveler tous les jours.
Il proposait pour récompense une vie éternelle, où l'âme ferait enivrée de tous les plaisirs spirituels, le où le corps ressuscité avec ses sens, goûterait par ses sens mêmes toutes les voluptés qui lui font propres.,
Cette religion s'appela l'islamisme qui signifie résignation à la volonté de Dieu. Le livre qui la contient s'appela coran, c'est-à-dire, le livre, ou l'écriture, ou la lecture par excellence. [...]
On y voit surtout une ignorance profonde de la Physique la plus simple et la plus connue. C'est là la pierre de touche des livres que les fausses religions prétendent écrits par la Divinité. [...]
Le nouveau prophète donnait le choix à ceux qu'il voulait subjuguer d'embrasser sa secte ou de payer un tribut. [...] De tous les législateurs qui ont fondé des religions, il est le seul qui ait étendu la sienne par les conquêtes. [...]
Le peuple hébreux avait en horreur les autres nations, et craignait toujours d'être asservi. Le peuple arabe au contraire voulut tout attirer à lui, et se crut fait pour dominer. »


1765 : Denis DIDEROT (1713-1784),

« SARRASINS ou ARABES, philosophie des, : Le saint prophète ne savait ni lire ni écrire : de-là la haine des premiers musulmans contre toute espèce de connaissance ; le mépris qui s'en est perpétué chez leurs successeurs ; et la plus longue durée garantie aux mensonges religieux dont ils sont entêtés.

Mahomet fut si convaincu de l'incompatibilité de la Philosophie et de la Religion, qu'il décerna peine de mort contre celui qui s'appliquerait aux arts libéraux : c'est le même pressentiment dans tous les temps et chez tous les peuples, qui a fait hasarder de décrier la raison.

Le peu de lumière qui restait s'affaiblit au milieu du tumulte des armes, et s'éteignit au sein de la volupté ; l'alcoran fut le seul livre ; on brûla les autres, ou parce qu'ils étaient superflus s'ils ne contenaient que ce qui est dans l'alcoran, ou parce qu'ils étaient pernicieux, s'ils contenaient quelque chose qui n'y fût pas. Ce fut le raisonnement d'après lequel un des généraux ''sarrazins'' fit chauffer pendant six mois les bains publics avec les précieux manuscrits de la bibliothèque d'Alexandrie. On peut regarder Mahomet comme le plus grand ennemi que la raison humaine ait eu. Il y avait un siècle que sa religion était établie, et que ce furieux imposteur n'était plus, lorsqu'on entendait des hommes remplis de son esprit s'écrier que Dieu punirait le calife Almamon [Al-Ma’mūn calife de Bagdad de 813 à 833], pour avoir appelé les sciences dans ses États; au détriment de la sainte ignorance des fidèles croyants.  »
Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, tome 14 (1765), page 664, Neufchastel : Samuel Faulche et Compagnie.


1770 : VOLTAIRE :

« Ce livre gouverne despotiquement toute l’Afrique septentrionale, du mont Atlas au désert de Barca, toute l’Égypte, les côtes de l’Océan éthiopien dans l’espace de six cents lieues, la Syrie, l’Asie Mineure, tous les pays qui entourent la mer Noire et la mer Caspienne, excepté le royaume d’Astracan, tout l’empire de l’Indoustan, toute la Perse, une grande partie de la Tartarie, et dans notre Europe la Thrace, la Macédoine, la Bulgarie, la Servie, la Bosnie, toute la Grèce, l’Épire, et presque toutes les îles jusqu’au petit détroit d’Otrante, où finissent toutes ces immenses possessions. [...] Cet Alcoran dont nous parlons est un recueil de révélations ridicules et de prédications vagues et incohérentes, mais de lois très bonnes pour le pays où il vivait, et qui sont toutes encore suivies sans avoir jamais été affaiblies ou changées par des interprètes mahométans, ni par des décrets nouveaux. »
Questions sur l'Encyclopédiearticle "Alcoran, ou plutôt le Koran", section première.

« Il était bien difficile qu'une religion si simple et si sage, enseignée par un homme toujours victorieux, ne subjuguât pas une partie de la Terre. En effet les musulmans ont fait autant de prosélytes par la parole que par l'épée. Ils ont converti à leur religion les Indiens et jusqu'aux nègres. Les Turcs même leurs vainqueurs se sont soumis à l'islamisme. [...] Il défendit le vin, parce qu’un jour quelques-uns de ses sectateurs arrivèrent à la prière étant ivres. Il permit la pluralité des femmes, se conformant en ce point à l’usage immémorial des Orientaux. En un mot, ses lois civiles sont bonnes ; son dogme est admirable en ce qu’il a de conforme avec le nôtre ; mais les moyens sont affreux : c’est la fourberie et le meurtre. [...] Les premiers musulmans furent animés par Mahomet de la rage de l'enthousiasme. Rien n'est plus terrible qu'un peuple qui, n'ayant rien à perdre, combat à la fois par esprit de rapine et de religion. [...]
Il disait que « la jouissance des femmes le rendait plus fervent à la prière ». En effet pourquoi ne pas dire benedicite et grâces au lit comme à table ? une belle femme vaut bien un souper. On prétend encore qu’il était un grand médecin ; ainsi il ne lui manqua rien pour tromper les hommes. »
Questions sur l'Encyclopédiearticle "Alcoran, ou plutôt le Koran", section II.

« Nous convenons avec Grotius que les mahométans ont prodigué des rêveries. Un homme qui recevait continuellement les chapitres de son Koran des mains de l’ange Gabriel était pis qu’un rêveur : c’était un imposteur, qui soutenait ses séductions par son courage. Mais certainement il n’y avait rien ni d’étourdi, ni de sale, à réduire au nombre de quatre le nombre indéterminé de femmes que les princes, les satrapes, les nababs, les omras de l’Orient, nourrissaient dans leurs sérails. Il est dit que Salomon avait sept cents femmes et trois cents concubines. »
Questions sur l'Encyclopédie, article " AROT ET MAROTS ET COURTE REVUE DE L’ALCORAN ".

1771

Article " Fanatisme ", section première.


1774 

Je vous le dis encore, ignorants imbéciles, à qui d’autres ignorants ont fait accroire que la religion mahométane est voluptueuse et sensuelle, il n’en est rien [Voyez Essai sur les Mœurs, chapitre vii, tome XI, page 216 ; et dans les Mélanges, année 1767, le chapitre iii de la Défense de mon oncle.] ; on vous a trompés sur ce point comme sur tant d’autres.
Chanoines, moines, curés même, si on vous imposait la loi de ne manger ni boire depuis quatre heures du matin jusqu’à dix du soir, pendant le mois de juillet, lorsque le carême arriverait dans ce temps ; si on vous défendait de jouer à aucun jeu de hasard sous peine de damnation ; si le vin vous était interdit sous la même peine ; s’il vous fallait faire un pèlerinage dans des déserts brûlants ; s’il vous était enjoint de donner au moins deux et demi pour cent de votre revenu aux pauvres ; si, accoutumés à jouir de dix-huit femmes, on vous en retranchait tout d’un coup quatorze ; en bonne foi, oseriez-vous appelez cette religion sensuelle ?
Les chrétiens latins ont tant d’avantages sur les musulmans, je ne dis pas en fait de guerre, mais en fait de doctrine ; les chrétiens grecs les ont tant battus en dernier lieu depuis 1769 jusqu’en 1773, que ce n’est pas la peine de se répandre en reproches injustes sur l’islamisme.
Tâchez de reprendre sur les mahométans tout ce qu’ils ont envahi ; mais il est plus aisé de les calomnier.
Je hais tant la calomnie que je ne veux pas même qu’on impute des sottises aux Turcs, quoique je les déteste comme tyrans des femmes et ennemis des arts.
Je ne sais pourquoi l’historien du Bas-Empire prétend [Douzième volume, page 209. (Note de Voltaire.)] que Mahomet parle dans son Koran de son voyage dans le ciel ; Mahomet n’en dit pas un mot, nous l’avons prouvé [Voyez " Arot et Marot " ; et dans les Mélanges, année 1750, le Remerciement sincère à un homme charitable ; et, année 1767, le chapitre xii de l’Examen important de milord Bolingbroke].
Il faut combattre sans cesse. Quand on a détruit une erreur, il se trouve toujours quelqu’un qui la ressuscite [Voyez Arot et Marot, et Alcoran. (Note de Voltaire)] " (Questions sur l'Encyclopédie, article "Mahométans")

« Votre religion [celle du mufti de Constantinople], quoiqu’elle ait de bonnes choses, comme l’adoration du grand Être, et la nécessité d’être juste et charitable, n’est d’ailleurs qu’un réchauffé du judaïsme, et un ramas ennuyeux de contes de ma mère-l’oie. Si l’archange Gabriel avait apporté de quelque planète les feuilles du Koran à Mahomet, toute l’Arabie aurait vu descendre Gabriel ; personne ne l’a vu : donc Mahomet n’était qu’un imposteur hardi qui trompa des imbéciles. » (Questions sur l'Encyclopédie, article " Raison ".)


Vers 1782 Marquis de Sade
« Voudrais-tu que j'adoptasse les rêveries de Confucius, plutôt que les absurdités de Brahma, adorerais-je le grand serpent des nègres, l'astre des Péruviens ou le dieu des armées de Moïse, à laquelle des sectes de Mahomet voudrais-tu que je me rendisse, ou quelle hérésie de chrétiens serait selon toi préférable ? [...] Reviens à la raison, prédicant, ton Jésus ne vaut pas mieux que Mahomet, Mahomet pas mieux que Moïse, et tous trois pas mieux que Confucius qui pourtant dicta quelques bons principes pendant que les trois autres déraisonnaient; mais en général tous ces gens-là ne sont que des imposteurs, dont le philosophe s'est moqué, que la canaille a crus et que la justice aurait dû faire pendre. »

1784 : Caron de Beaumarchais :
« Je me jette à corps perdu dans le théâtre ; me fussé-je mis une pierre au cou ! Je broche une comédie dans les mœurs du sérail ; auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l’instant un envoyé … de je ne sais où se plaint que j’offense dans mes vers la Sublime Porte [les Turcs], la Perse, une partie de la presqu’île de l’Inde, toute l’Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d’Alger et de Maroc : et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l’omoplate, en nous disant : « chiens de chrétiens » ! Ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant. »
Le Mariage de Figaro (1784), V, iii.

1794 : Marquis de CONDORCET (1743-1794 ) :

« À Constantinople même le despotisme militaire des sultans a été forcé de plier devant le crédit des interprètes privilégiés des lois de l'alcoran. » (Cinq mémoires sur l’instruction publique (1791), Premier mémoire " Nature et objet de l’instruction publique ").
« J'exposerai comment la religion de Mahomet, la plus simple dans ses dogmes, la moins absurde dans ses pratiques, la plus tolérante dans ses principes, semble condamner à un esclavage éternel, à une incurable stupidité, toute cette vaste portion de la Terre où elle a étendu son empire ; tandis que nous allons voir briller le génie des sciences et de la liberté sous les superstitions les plus absurdes, au milieu de la plus barbare intolérance. La Chine nous offre le même phénomène, quoique les effets de ce poison abrutissant y aient été moins funestes. »
Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, " Sixième époque, Décadence des Lumières, jusqu'à leur restauration vers le  temps des croisades ", Paris : Masson, 1822 [1794].
« Frédéric II fut soupçonné d’être ce que nos prêtres du XVIIIe siècle ont depuis appelé un Philosophe. Le pape l’accusa, devant toutes les nations, d’avoir traité de fables politiques les religions de Moïse, de Jésus et de Mahomet. On attribuait à son chancelier, Pierre Des Vignes, le livre imaginaire des Trois Imposteurs. Mais le titre seul annonçait l’existence d’une opinion, résultat bien naturel de l’examen de ces trois croyances, qui, nées de la même source, n’étaient que la corruption d’un culte plus pur, rendu, par des peuples plus anciens à l’âme universelle du monde. » Esquisse..., " Septième époque : Depuis les premiers progrès des sciences, lors de leur restauration dans l’Occident, jusqu’à l’invention de l’imprimerie. "



samedi 22 octobre 2022

DFHM : Sacré à système cordier en passant par socratiser, Sodome, sodomiste, sodomite, sotadique et spécial



SACRÉ

Dans les traductions des Vies de Plutarque, le bataillon des amants et des aimés est appelé bande sacrée ou bataillon sacré (Pélopidas, 18). Ce qualificatif a été appliqué par Montaigne à l’amour grec :

« Ils disent qu’il en provenait des fruits très utiles au privé et au public ; que c’était la force des pays qui en recevaient l’usage, et la principale défense de l’équité et de la liberté : témoin les salutaires amours de Hermodius et d’Aristogiton. Pour autant la nomme-t-il sacrée et divine. Et n’est, à leur compte, que la violence des tyrans et lâcheté des peuples qui lui soit adversaire. »
Essais, I, xxvii " De l'amitié ", page 194 de l'édition Pléiade/2007.

« Nous avons par tout notre empire remis sus l’ancienne bande sacrée des Thébains. »
L’Isle des Hermaphrodites, 1605.

Il y a de la dérision chez Agrippa d’Aubigné :
Tragiques, 1616, II " Princes ".


« Il [Cahier] que la fornication ni l’adultère n’étaient point le péché défendu par le septième commandement, mais qu’il défend seulement […] le péché d’Onan, et là-dessus eut la sacrée société pour ennemie. »
Agrippa d’Aubigné, Les Aventures du baron de Fæneste, 1617, II, 12.

Dans la Confession catholique du sieur de Sancy, d’Agrippa d’Aubigné, on relève les expressions « parrain de l’amour sacré », « amour philosophique et sacré », « frères de la sacrée société », « règles de l’amour sacré » ; on apprend que « quelqu’un de la bande sacrée eut des chancres au mauvais endroit ».

Maurice Gauchez, appréciation sur Georges Eekhoud :
« Épris de la maladive perversion des Grecs et des Romains qui engendra les Dioclès, les Cléomaque, les Adrien et les Antinoüs, les Damon et les Pythias, les Achille et les Patrocle, curieux des passions viriles des amants du bataillon sacré de Thèbes et des jeunes gens du banquet de Platon, se sou­venant des suprêmes civismes anormaux chantés par les Walt Whitmann, les Carpenter, les Wagner, les Tennyson et les Mon­taigne, il célébra les aberrations sentimentales de tous les Escal-Vigor du monde, en se retranchant derrière l'argument fallacieux des rêves de Michel-Ange vers Tommoso di Cavalieri, et de Shakespeare vers William Herbert, comte de Pembroke. »
La Société nouvelle —  Revue internationale — Sociologie, arts, sciences, lettres, 19e année, janvier 1914.

Julien Green : 
« Apollon Musagète, musique voluptueuse moins dans ses thèmes que dans ses rythmes qui invitent au plaisir, non au plaisir vulgaire et bourgeois de la partouze, mais au commerce sacré du dieu pédéraste. »
Journal intégral, 18 décembre 1931, Paris : Robert Laffont, 2019. 

SAINT JEAN
François Vidocq, Les Voleurs, 1837,
" Dictionnaire français-argot, pour servir à l'intelligence du texte. "

L'expression « faire le saint Jean » a été signalée par Francisque Michel comme décrivant une révérence discrète (signalée par Vidocq) qui aurait été un signe de reconnaissance
 
SALAÎSME, SALAÏSTE

Termes forgés par Marcel Proust soit sur le nom d’Antoine Sala soit sur celui du peintre Salai, le mystérieux élève de Léonard de Vinci..

« Quant au salaïsme […] il m’intéresse comme le gothique bien que beaucoup moins. »
Marcel Proust, lettre au prince Antoine Bibesco, 11 novembre 1901.

« Salaïste, antisalaïste sont presque les seules choses à savoir d'un imbécile. […] ce métier horrible d’être ainsi les dénonciateurs publics du salaïsme. »
Marcel Proust, Correspondance, 1902.

« Cela a l’air salaïste. »
Marcel Proust, Correspondance, 1902.

SAUTE-DESSUS

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1964.

SEMER EN CHAMP STÉRILE

Préhistoire de cette expression dans la traduction de Lucien de Samosate par Filbert Bretin (1540-1598) :
Œuvres, " Amours ", Paris : L'Angelier, 1582, 1583.


Du théologien Jean Bénédicti :
La Somme des péchés... livre II, chapitre viii, " Des péchés contre nature
et premièrement de mollesse ", Paris : Arnold Sittart, 1587.

« Le philosophe Polémon fut justement appelé en justice par sa femme de ce qu'il allait semant en un champ stérile le fruit dû au champ génital. » Essais, III, v.
Note postérieure à 1588 sur l'Exemplaire de Bordeaux.


Dictionnaire... de César de Rochefort (1685) :
Entrée " Sodomie ".


SEMI-HOMOSEXUALITÉ

« D’après lui [A. Alétrino], à cet âge [12 à 15 ans], le jeune homme ne serait attiré ni vers l’un, ni vers l’autre sexe ; nous passerions tous par une période de semi-homosexualité. »
Jean Crocq, « La situation sociale de l’uraniste », Journal de neurologie, 1901.

SERINETTE

« En résumé, semblable au caméléon qui change, non de forme, mais de couleur, la tante est tantôt appelée tapette, tantôt serinette ; elle est désignée par les marins sous le nom de corvette, mais elle reste toujours un objet d’opprobre. »
Pierre-Louis Canler, Mémoires de Canler, ancien chef du service de Sûreté, Paris : Hetzel, 1862.

« Les chanteurs, qu’on nomme aussi serinettes, sont de tous les escrocs de Paris, ceux qui exercent leur industrie avec le plus de sécurité. »
Louis M. Moreau-Christophe, Le Monde des coquins, 2e partie, Variétés de coquins, Paris : E. Dentu, 1865.

SÉROPO, SÉROPOSITIVISME, SÉRONEG

« Auguste Comte a inventé le positivisme, Michel Foucault a augmenté le séropositivisme. »
Thierry Martin, Garçon, une banane ! Brèves de comptoir gay, Montpellier : H & 0, 2001.

SEXUALITÉ CONTRAIRE

« Ces manifestations de l’instinct sexuel que l’on nomme uranisme, inversion sexuelle, sexualité contraire, unisexualité, homosexualité. »
Marc-A. Raffalovich, Uranisme et unisexualité, 1896.

SOCRATIQUE, adj.

Du latin socraticus (Juvénal, Satires, II, 10)

Montaigne : " Que ne prend-il envie à quelqu'une de cette noble harde [échange, troc] Socratique du corps à l'esprit, achetant au pris de ses cuisses une intelligence et génération philosophique et spirituelle, le plus haut pris où elle les puisse monter ? Platon ordonne en ses lois [République, V, 468b-c] que celui qui aura fait quelque signalé et utile exploit en la guerre ne puisse être refusé durant l'expédition d'icelle, sans respect de sa laideur ou de son âge, du baiser ou autre faveur amoureuse de qui il la veuille. " Essais, III, v, 896.

Extrait du " Banquet sceptique " in Quatre dialogues d'Oratius Tubéro, publié en 1630 par le philosophe libertin François de La Mothe Le Vayer.
" Socrate a donné lieu au proverbe de la foi socratique. "


« L’espagnol promit tout au rebours
De n’exerce que l’amour socratique. »
Jean-Baptiste Rousseau, Œuvres, 1723, tome 1.

« Il est certain, autant que la science de l’Antiquité peut l’être, que l’amour socratique n’était point un amour infâme. »
Voltaire, « Amour nommé socratique », Dictionnaire philosophique. Retitré en " Amour socratique " dans les Questions sur l'Encyclopédie.

« Amour socratique : Quelques uns désignent par là l'amour antiphysique. Socrate aimait la beauté dans les femmes et dans les hommes. C'était peut-être un goût innocent et honnête. »
Trévoux, Dictionnaire, 1771.

« Il ne faut pas croire que la pédérastie soit toujours le résultat d’une organisation vicieuse ; les phrénologistes qui ont trouvé sur votre crâne la bosse propre à chaque amour n’y ont point trouvé celle de l’amour socratique ; la pédérastie n’est autre chose que le vice de toutes les corporations d’hommes qui vivent en dehors de la société ; les quelques hommes vivant dans le monde  »
Vidocq, Les Voleurs, tome 2, 1837.

Proudhon parla de goûts ou mœurs socratiques et d’étrivière socratique :

« On assure que tous nos officiers et soldats qui tombent aux mains des Arabes passent tous par l’étrivière socratique. »
Carnet n° 8, 1850-1851.
« J’ai interrogé ces Anciens qui surent mettre de la poésie, de la philosophie partout, et qui, parlant à une société habituée aux mœurs socratiques, ne se gênaient guère. »
Amour et mariage, XXI.

" Amour socratique : Se dit quelquefois, par l'effet d'une vieille calomnie contre Socrate, d'un vice honteux, le péché contre nature. "
Littré, Dictionnaire.

SOCRATISME

« Le mot socratisme devint synonyme de celui de pédérastie. »
Anonyme, L'Amour, 1868.

Laurent Tailhade :
" J'ai mille grâces à te rendre, car tu me chéris avec une foi socratique. Jamais Alcibiadès,
ne gésit plus intact dans l'alcôve de son précepteur. "


« Les Anglais pratiquent, en grand, le vice socratique. »
Raymond Lacoste, « Crise morale en Angleterre », Carrefour, 16 juin 1965. Carrefour, revue littéraire hebdomadaire de 1944 à 1977 : créée en 1944 par Robert Buron, Émilien Amaury, F. Garas et Yves Helleu, la revue avait Gérard Boutelleau pour rédacteur en chef.

Pétrone, Le Satiricon, traduction Olivier Sers, Paris : Belles Lettres, 2001, 2019.


SOCRATISER

« Je pensais qu’en socratisant, l’agent goûtait un plaisir vif par la pression qu’il éprouve dans la voie étroite ; mais je ne puis concevoir que le patient en puisse ressentir. »
Mirabeau, Hic-et-Hec, 1798.

« Je me fous des bosses de pilules, je me fais socratiser par la seringue. »
Gustave Flaubert, Correspondance, Paris, Gallimard, édition Bruneau, lettre à Ernest Chevalier, 9 février 1844.

Alfred Delvau (1825-1867) : « PRENDRE UN HOMME AU SAUTE-DESSUS. Arrêter un pédéraste, quand on est pédéraste soi-même, et de plus chanteur, au moment où il se déboutonne et s'apprête à socratiser, ou à alcibiadiser, selon qu'il est actif ou passif. »
Dictionnaire érotique moderne par un professeur de langue verte, Freetown : Bibliomaniac Society, 1864.
Dictionnaire érotique..., 1864.

« SOCRATISER. Préférer les hommes – comme Socrate, le plus sage des hommes, dit-on, préférait Alcibiade, qui en était le plus beau. » (Dictionnaire érotique..., 2e édition).

Gustave MACÉ (ancien chef du service de Sûreté) : « Les juges doivent me frapper pour les délits d’outrage public à la pudeur; mais je leur interdis d’accoler à mon nom des épithètes injurieuses en me reprochant de socratiser ou d’alcibiadiser mes semblables. » Mes lundis en prison, 1889.

SOCRATISME

« Le mot socratisme devint synonyme de celui de pédérastie. »
Anonyme, L'Amour, 1868.

SOD.

Abréviation de sodomite, utilisée dans les rapports de la police parisienne (deuxième quart du XVIIIe siècle). L’anglais sod a conservé de nos jours la même signification ; cette langue dispose aussi de s.o.b., silly old bugger..

SODOME

Le terme latin Sodoma a d'abord une signification géographique, le nom d’une ville au sud de la mer Morte.

Mont Sodome, Israël

Selon la Grande Encyclopédie, tome 29, « SODOME. L’une des villes de la basse vallée du Jourdain, région méridionale de la mer Morte, qui aurait été engloutie avec Gomorrhe et trois autres localités sans importance, par la double action des feux souterrains et célestes. C’est le châtiment des crimes et de l’effroyable dissolution de ses habitants. Loth, neveu d’Abraham, échappa au désastre grâce à l’intervention divine (Genèse. XIII, 5 suiv. et XVIII, 17 à XIX, 38). La nature du sol (bitumes, asphaltes) prêtait à des effondrements, qui ont donné très aisément naissance aux légendes rapportées par la Bible ; on a pu, en cet endroit, montrer des constructions plus ou moins profondément enlisées et englouties avec le temps. »

L'association de Sodome avec les rapports masculins est déjà présente chez Philon d'Alexandrie (Ier siècle), puis chez Clément d'Alexandrie (IIe/IIIe siècles), dans les Constitutions Apostoliques (IVe siècle), chez Jérôme et Augustin (IVe/Ve siècles), dans les Novelles de Justinien (VIe siècle) et dans de nombreux textes ultérieurs. Voir Ces petits Grecs

« La sixième branche de luxure est un péché qui est contre nature, comme soi corrompre par sodomie, duquel péché nous lisons en l’Écriture que pour ce péché Dieu prit telle vengeance que cinq cités en Sodome et Gomorrhe furent détruites et brûlées par pluie de feu et de soufre puant […] ».
Le Ménagier de Paris [vers 1393], édition de 1846, tome I, pages 52-53.

« Notre maître [Olivier] Maillard tout partout met le nez,
Tantôt va chez le Roi, tantôt va chez la Reine ;
Il fait tout, il sait tout et à rien n’est idoine ;
Il est grand orateur, poète des mieux nés,
Juge si bon qu’au feu mille en a condamnés,
Sophiste aussi aigu que les fesses d’un moine,
Mais il est si méchant pour n’être que chanoine,
Qu’auprès de lui sont saints le diable et les damnés.
Si se fourrer partout à gloire il le répute,
Pourquoi dedans Poissy n’est-il à la dispute ?
Il dit qu’à grand regret il en est éloigné ;
Car [Théodore de] Bèze il eût vaincu, tant il est habile homme,
Pourquoi donc n’y est-il ? Il est embesogné
Après les fondements pour rebâtir Sodome. »
Cité par Helvétius, De l’Esprit, II, xix.

Dans ces vers, la mention de Sodome clôt une accumulation d’allusions et livre le fin mot de l’histoire.

Depuis le début de l’époque moderne, le mot désigne métonymiquement soit l’amour masculin, soit encore le milieu homosexuel masculin.

« Que faisait Créquy dans Rome
De défendu par la loi ?
Il est enfant de Sodome
Et Romain de bonne foi.
Un réformé de Genève
N'eût pas reçu plus d'affronts.
Quoi, dans Rome comme en [place de] Grève,
Veut-on fronder les chaussons ? »
BnF, mss 673 (Tallemant des Réaux), folio 109 recto ; il s'agit de Charles, duc de Créquy, mort en 1687.

« Le commencement du mois de juin [1682] fut signalé par l’exil d’un grand nombre de personnes considérables accusée de débauches ultramontaines. Tous ces jeunes gens avaient poussé leurs débauches dans des excès horribles, et la Cour était devenue une petite Sodome. »
Marquis de Sourches, Mémoires.

Dictionnaire français de Pierre Richelet, 1706 (rien en 1680) :


« Le Roi […] plein d’une juste, mais d’une singulière horreur pour tous les habitants de Sodome, et jusqu’au moindre soupçon de ce vice, M. [Louis-Joseph] de Vendôme y fut plus salement plongé toute sa vie que personne, et si publiquement, que lui-même n'en faisait pas plus de façon que de la plus légère et de la plus ordinaire galanterie, sans que le roi, qui l'avait toujours su, l'eût jamais trouvé mauvais, ni qu'il en eût été moins bien avec lui. Ce scandale le suivit toute sa vie à la cour, à Anet, aux armées. Ses valets et des officiers subalternes satisfirent toujours cet horrible goût, étaient connus pour tels, et comme tels étaient courtisés des familiers de M. de Vendôme et de ce qui voulait s'avancer auprès de lui. »
Duc de Saint-Simon, Mémoires, en 1706.

« Je ne dirai rien de M. de Tressan, archevêque de Rouen, dont les billets de faire-part de son décès [vers 1735] furent datés de Sodome, et dans lesquels on flagellait du même vice l’archevêque de Vienne, les évêques de Langres, de Nîmes, de Soissons, les ducs de Beauvilliers et le marquis, depuis duc de Villars. »
Mlle Quinault [E. L. de Lamothe-Langon], Mémoires de Mlle Quinault aînée, 1836, tome 2.


Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, tome XV, 1765 ; il y eu deux conciles de Nicée, en 325 et 787. D. J. = chevalier Louis de Jaucourt : 

Entrée inspirée du Grand dictionnaire géographique historique et critique de Bruzen de La Martinière,
tome V, Paris : Libraires associés, 1768.

Voltaire : « La rivière du Jourdain ayant nécessairement son embouchure dans ce lac sans issue, cette mer Morte, semblable à la mer Caspienne, doit avoir existé tant qu’il y a eu un Jourdain ; donc ces cinq villes ne peuvent jamais avoir été à la place où est ce lac de Sodome. Aussi l’Écriture ne dit point du tout que ce terrain fut changé en un lac ; elle dit tout le contraire : « Dieu fit pleuvoir du soufre et du feu venant du ciel ; et Abraham, se levant matin, regarda Sodome et Gomorrhe, et toute la terre d’alentour, et il ne vit que des cendres montant comme une fumée de fournaise[Genèse, chapitre XIX].

Il faut donc que les cinq villes, Sodome, Gomorrhe, Séboin, Adama et Segor, fussent situées sur le bord de la mer Morte. On demandera comment dans un désert aussi inhabitable qu’il l’est aujourd’hui, et où l’on ne trouve que quelques hordes de voleurs arabes, il pouvait y avoir cinq villes assez opulentes pour être plongées dans les délices, et même dans des plaisirs infâmes qui sont le dernier effet du raffinement de la débauche attachée à la richesse : on peut répondre que le pays alors était bien meilleur. »
Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, 1770, article " Asphalte Lac Asphaltide Sodome ".

« Marmontel
Ce folliculaire ignorant [Fréron],
Cet infâme petit vaurien,
À qui maître Guyot [Desfontaines] mourant
Légua deux emplois pour tout bien,
Un à Sodome, un au Parnasse,
Bougre et méchant très avéré,
Dans sa dernière paperasse
M’a cruellement déchiré.
Collé
Je le lui rendrais bien à ta place.
Marmontel
Et pour cela que ferais tu ?
Collé
Pardieu, je le foutrai en cul. »
Diderot, Petit Dialogue entre Marmontel et Collé.

Pamphlet anonyme titré : Les Enfants de Sodome à l’Assemblée Nationale ou Députation de l’Ordre de la Manchette, en 1790 [BnF Enfer 638]..

« Mais pourquoi n’êtes-vous donc pas classé dans l’Almanach des enfants de Sodome ? »
Compère Mathieu, Suite des Pantins des Boulevards, 1791.

« Au milieu de cela s’offrait, sans qu’on eût la peine d’écarter, un orifice immense dont le diamètre énorme, l’odeur et la couleur le faisaient plutôt ressembler à une lunette de commodités qu’au trou d’un cul ; et pour comble d’appas, il entrait dans les petites habitudes de ce pourceau de Sodome de laisser toujours cette partie-là dans un tel état de malpropreté qu’on y voyait sans cesse autour un bourrelet de deux pouces d’épaisseur. »
De Sade, Les Cent vingt journées de Sodome, Introduction, Paris : Gallimard, 1990, édition Michel Delon, collection " Bibliothèque de la Pléiade ".

De Sénancour, Rêveries, Lettre à la Gazette de France, 1809 : " J'ai combattu avec des forces insuffisantes, mais avec toutes celles dont je suis capable, l'adultère honteusement toléré dans la société ; et quand au viol, je l'ai déclaré crime et essentiellement crime. Sans doute, en cet endroit je n'ai rien dit de nouveau ; mais en cet endroit et en d'autres, j'ai dit expressément le contraire de ce qu'on me fait dire expressément.
Il en est de même sur le (et non pas les) crime de Sodome, et sur d'autres objets moins essentiels. "

René Perin (1774-1858), Abrégé de la géographie sacrée, ou Description des pays et des endroits dont il est parlé dans les Saintes Écritures. Paris : A. Delalain, 1827.


Vigny : « Bientôt, se retirant dans un hideux royaume,
 La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome,
 Et, se jetant de loin un regard irrité,
 Les deux sexes mourront chacun de son côté. »
Alfred de Vigny (1797-1863), La colère de Sanson, Poème philosophique, 1839. Marcel Proust s'en inspirera : « Mon livre [...] comporte un volume que d'après le vers de Vigny (La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome) j'intitule Sodome et Gomorrhe. » (Lettre à l'éditeur Gaston Gallimard, mai 1916).

Complément du Dictionnaire de l'Académie française, 1842 :

Gustave Flaubert :
« Au Caire j’ai vu un singe masturber un âne. L’âne se débattait, le singe grinçait des dents, le foule regardait, c’était fort. […] Nous allons donc voir la place où fut Sodome. Quelles idées ça va faire naître en nous !? » (Lettre à Théophile Gautier, 13 août 1850).

Guy de Maupassant (en 1884) : 
« Les gens riches arabes ou français, qui veulent passer une nuit de luxueuse orgie, louent jusqu’à l’aurore le bain maure avec les serviteurs du lieu. Ils boivent et mangent dans l’étuve, et modifient l’usage des divans de repos.
Cette question de mœurs m’amène à un sujet bien difficile.
Nos idées, nos coutumes, nos instincts différent si absolument de ceux qu’on rencontre en ces pays qu’on ose à peine parler chez nous d’un vice si fréquent là-bas que les Européens ne s’en scandalisent même plus. On arrive à en rire au lieu de s’indigner. C’est là une matière fort délicate, mais qu’on ne peut passer sous silence quand on veut essayer de raconter la vie arabe, de faire comprendre le caractère particulier de ce peuple.
On rencontre ici à chaque pas ces amours antinaturelles entre êtres du même sexe que recommandait Socrate, l’ami d’Alcibiade.
Souvent, dans l’histoire, on trouve des exemples de cette étrange et malpropre passion à laquelle s’abandonnait César, que les Romains et les Grecs pratiquèrent constamment, que Henri III mit à la mode en France et dont on suspecta bien des grands hommes. Mais ces exemples ne sont cependant que des exceptions d’autant plus remarquées qu’elles sont assez rares. En Afrique, cet amour anormal est entré si profondément dans les mœurs que les Arabes semblent le considérer comme aussi naturel que l’autre.
D’où vient cette déviation de l’instinct ? De plusieurs causes sans doute. La plus apparente est la rareté des femmes séquestrées par les riches qui possèdent quatre épouses légitimes et autant de concubines qu’ils en peuvent nourrir. Peut-être aussi l’ardeur du climat, qui exaspère les désirs sensuels, a-t-elle émoussé chez ces hommes de tempérament violent la délicatesse, la finesse, la propreté intellectuelle qui nous préservent des habitudes et des contacts répugnants.
Peut-être encore trouve-t-on là une sorte de tradition des mœurs de Sodome, une hérédité vicieuse chez ce peuple nomade, inculte, presque incapable de civilisation, demeuré aujourd’hui tel qu’il était aux temps bibliques.
Oserai-je citer quelques exemples récents et bien caractéristiques de la puissance de cette passion chez l’Arabe ?
Le Hammam eut, dans ses débuts, parmi les garçons des bains, un petit nègre d Algérie. Après un séjour de quelque temps à Paris, ce jeune homme revint en Afrique. Or, un matin, on trouva dans une caserne deux soldats assassinés ; et l’enquête démontra bien vite que le meurtrier n’était autre que l’ancien employé du Hammam, qui, du même coup, avait tué ses deux amants. Des relations intimes s’étant établies entre ces hommes qui s’étaient connus par lui, il avait découvert leur liaison, et, jaloux de tous les deux, les avait égorgés
[...] 
Ce qui prouve combien ce vice est entré dans les mœurs des Arabes, c’est que tout prisonnier qui leur tombe dans les mains est aussitôt utilisé pour leurs plaisirs. S’ils sont nombreux, l’infortuné peut mourir à la suite de ce supplice de volupté.

Quand la justice est appelée à constater un assassinat, elle constate aussi fort souvent que le cadavre a été violé, après la mort, par le meurtrier.
Il est encore d’autres faits fort communs et tellement ignobles que je ne les puis rapporter ici. 

Au soleil, " Province d'Alger ", Paris : Victor Havard, 1884.


Antisémitisme socialiste : « La Juiverie, toujours si pudibonde et si indignée quand il s'agit des mœurs des "païens", et du soi-disant amour socratique, la Juiverie devrait bien rentrer en elle-même et se souvenir que le vice en question est essentiellement sémitique d'origine aussi bien que de nom : Sodome ! On peut penser ce que l'on veut de Jupiter et de Ganymède ; mais le comble du genre, - et qui ne sera jamais surpassé, - se trouve assurément dans le cas mémorable des habitants de cette ville fameuse, qui voulaient à toute force coucher avec les anges envoyés chez Loth. »
Albert Regnard, militant socialiste, (1836-1903), " Aryens et Sémites — Le Bilan du Judaïsme et du Christianisme — V Le Dieu d'Israël ", Revue socialiste, n° 44, août 1888 (Tome VIII). Repris dans Aryens et sémites. Le Bilan du Judaïsme et du Christianisme, Paris : E. Dentu, 1890.

André Raffalovich : « Avec un écrivain français nous explorerons la Sodome de Paris : avec un médecin allemand nous visiteront celle de Berlin. »
" Les groupes uranistes à Paris et à Berlin ", Archives d'anthropologie criminelle, 1904, page 926.

Gide, à la suite de Proust, semble affectionner cette métonymie :
« Les feintes et les camouflages en littérature sont nombreux, je le sais. Je me dis qu’on a toujours menti, lorsque les mœurs ont contraint de mentir, et, rien ne m’autorisant à croire Sodome plus peuplée aujourd’hui qu’hier, je deviens quelque peu soupçonneux à l’égard de certains de nos anciens auteurs. »
André Gide, Journal, 8 décembre 1929.

« Roger [Martin du Gard] commence à comprendre qu’il n’avait peut-être pas raison d’affirmer qu’il n’est pas un homme, si peu porté qu’il soit vers Sodome, qui puisse rester insensible à l’attrait d’un Ganymède. Il doit se persuader pourtant que certains restent à cet égard d’une cécité complète. »
André Gide, Journal, 4 octobre 1931.

« Il n'y a pas de Gomorrhe. Puberté, collèges, solitude, prisons, aberrations, snobisme ... Maigres pépinières, insuffisantes à engendrer et avitailler un vice nombreux, bien assis, et sa solidarité indispensable. Intacte, énorme, éternelle, Sodome contemple de haut sa chétive contrefaçon. »
Colette [Sidonie Gabrielle] (1873-1954), Le Pur et l'impur, 1941.

Julien GREEN : « [Paul] Claudel raconte qu'étant passé par le village de Sodome en Amérique (New England), il avait voulu envoyer de cet endroit une carte à Gide, mais n'avait pu le faire (pas de bureau de poste). »
Toute ma vie Journal intégral ** 1940-1945, 4 octobre 1945.
Paris : Bouquins éditions, 2021.

Julien Green : « Berlin était Sodome et Berlin n'est plus. J'ai pensé à cela bien des fois, certain d'y voir un signe. On me dirait peut--être que New York est aussi Sodome et que pas une bombe ne l'a effleuré. Mais New York est moins Sodome que Berlin qui en était devenu le symbole universellement reconnu. Qui donc a parlé de cela ? »
« Je parle au père Bouyer du silence de l'Église à l'égard de Sodome. Pourquoi ne dit-elle rien ? Pourquoi faut-il qu'une bonne partie de l'humanité se voit condamnée à n'avoir aucune vie sexuelle si elle veut être chrétienne ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Tout homosexuel est-il appelé à vivre dans la chasteté parfaite ? Bien entendu, aucune réponse, pas l'ombre d'une réponse. »
« Je ne veux pas être le martyr de Sodome. Gide s'en était fait le chevalier, mais il a échappé au martyre. Docteur honoris causa [Oxford, 5 juin 1947], prix Nobel [13 novembre 1947], richesse et réputation, voilà tout ce que Corydon [publié en mai 1924] n'a pu l'empêcher de recevoir. Il a eu les honneurs. »
« Encore sous le coup de cette lecture de De Profundis [d'Oscar Wilde]. Jamais peut-être une voix plus tragique n'a monté des profondeurs de Sodome. »
Toute ma vie Journal intégral *** 1946-1950, 28 décembre 1946, 6 novembre 1948, 17 juillet 1949 et 27 novembre 1949, Paris : Bouquins éditions, 2021.

 
« C'étaient pas des amis de lux',
Des petits Castor et Pollux,
Des gens de Sodome et Gomorrh',
Sodome et Gomorrh',

C'étaient pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boéti',
Sur le ventre ils se tapaient fort,
Les copains d'abord. »
Georges Brassens, Les copains d’abord, novembre 1964.

 Il s’est trouvé un membre de la Chambre de Pairs, le comte de Huntingdon, pour demander que l’âge du "consentement" auquel ces pratiques pourraient être autorisées soit abaissé de 21 à 18 ans. Demain, peut-être, un noble lord poussera la mansuétude jusqu’à réclamer qu’on réduise à quinze ans l’âge auquel les icoglans de la nouvelle Sodome pourront impunément s’adonner à leurs récréations. »
Raymond Lacoste, « Crise morale en Angleterre », Carrefour, n° 1083, 16 juin 1965.
Carrefour, revue littéraire hebdomadaire de 1944 à 1977 : créée en 1944 par Robert Buron, Émilien Amaury, F. Garas et Yves Helleu, la revue avait Gérard Boutelleau pour rédacteur en chef.

Un psychiatre catholique, Marcel Eck, avait titré sodome son essai sur l’homosexualité (Paris : Fayard/Le Signe, 


1966), terme moins inattendu sous sa plume que sous celle de Dominique Fernandez :
« La vision de Gide, homme tourné vers l’avenir, a supplanté la vision de Proust, homme du XIXe siècle, nourri inconsciemment des horreurs distillées dans la classe bourgeoise par les Tardieu et les Carlier. À Sodome, on ne vient plus pour se brûler au soufre ; mais pour goûter aux douceurs du miel. »
Préface à Carlier, Prostitution antiphysique, 1981.
Ceci peu après l'article de Philippe Berthier, " Balzac du côté de Sodome ", dans L'Année balzacienne (Paris : Garnier, 1979, pages 147-177).

L’amour masculin et ses adeptes ont plus ou moins souvent été décrits péjorativement par des expressions telles qu’abominations, bourgeois, crime, échappé, exilé, habitant, mœurs, péché, pourceau, usage ou vice de Sodome.

« Tels spectres inconnus font confesser le reste,
Le péché de Sodome et le sanglant inceste
Sont reproches joyeux de nos impures cours »
D'Aubigné, Tragiques, 1616, II " Princes ".

Ses adeptes étant dits être des bedeaux, bourgeois, bourgmestres, brandons, citoyens (Estienne), descendants, échappés, enfants, fils ou habitants de cette cité.

La Mer morte, photo Thomas Pesquet, août 2021.



SODOMERIE

Dans Léo Taxil, Les Bouffe-Jésus, ouvrage anticlérical, soporifique et miraculard, moniteur officiel des Syllabusons et des Vaticanards, on trouve des personnages comme le R.P. Trousse-Jupes, l’abbé Cinq-contre-un, l’abbé Belle-Tante, le cardinal Hector de la Sodomerie.

SODOMIE

Sodomia fut définie par Albert le Grand comme le péché entre hommes, ou entre femmes ; définition reprise par Thomas d'Aquin pour le sodomiticum vitium.

" Par esclandre de sodomie, nos anciens pères ne souffrirent pas qu'il y ait eu actions, accusation, ou audience de quelque sorte concernant ce péché de grande abomination, mais ordonnèrent qu'en péchés notoires sans répit furent jugés, et les jugements exécutés. "
The Mirror of Justices, II, 11, London : B. Quaritch, 1895 [fin XIIIe siècle] ; ouvrage consulté à la British Library (Londres);

"Le péché mortel de [lèse-]majesté vers le Roi céleste de sodomie [...] en enterrant les pécheurs tout vifs en terre que mémoire s'en éteigne, pour la grande abomination du fait, car ce péché appelle la vengeance et est plus horrible que celui de corrompre sa mère [l'inceste]. Mais ce péché ne s'atteint jamais devant juge par accusation, car l'audience en est défendue."
Id., ibid., IV, 14.

« Tous condamnés de crime de sodomie seront traînés et brûlés. »
Anciennes coutumes de Bretagne, article 592, in Poullain du Parc, Coutumes générales de Bretagne, 1745, tome III, page 777.

« La sixième branche de luxure est un péché qui est contre nature, comme soi corrompre par sodomie, duquel péché nous lisons en l’Écriture que pour ce péché Dieu prit telle vengeance que cinq cités en Sodome et Gomorrhe furent détruites et brûlées par pluie de feu et de soufre puant […] ».
Le Ménagier de Paris [vers 1393], édition de 1846, tome I, pages 52-53.

Henri EstienneTraité préparatif à l'Apologie pour Hérodote [Genève, 1566], extrait de la table des matières de l'édition de 1592 :

« Venons aux autres méchancetés, à savoir aux incestes, sodomies, et autres péchés de paillardise contre nature. De celles-ci je n'ai souvenir d'avoir guère lu en [Michel] Menot ; mais [Olivier] Maillard dit généralement, au feuillet 278 col 3 [...] Quant à la sodomie particulièrement, ce même prêcheur en parle bien au feuillet 262 col 2, mais il n'en parle point comme d'une chose de laquelle on fît métier et marchandise ; mais seulement (après avoir parlé de ce qui est récité en la Bible touchant cette méchanceté) vient à dire qu'il se trouve beaucoup de Chrétiens si aveuglés qu'ils soutiennent telles méchancetés comme licites. Mais Barelete [Gabriele Barletta]...»
Henri Estienne, Apologie pour Hérodote Lyon 1592 [Genève, 1566], livre I, chapitre 6 
" Comment le siècle prochain [siècle dernier] au nôtre a été repris par les susdits prêcheurs, de vices presque de toutes sortes ".

« 
Combien que Olivier Maillard et [Michel] Menot (qui a été après) ne parlent point ou bien peu des incestes, de la sodomie, et autres vices prodigieux, comme des meurtres commis en la personne du père, ou de la mère, de la femme par le mari, ou du mari par elle [...] il ne faut pas douter pourtant que leur siècle n'en fût déjà infecté. [...] Combien que Dieu ait voulu notamment telles prodigieuses vilénies des hommes être enregistrées en sa Bible, toutefois le moins en parler, voire le moins y penser, est le meilleur. Et de fait, quant à la sodomie, je croirais aisément que ces prêcheurs [Olivier Maillard et Michel Menot] se gardaient d'en parler pour ne faire ouverture à la curiosité des hommes. [...] J’ai eu autrefois grand-peine à me persuader que les sodomites, et ceux qui se sont pollués avec les bêtes, dussent être exécutés publiquement et devant tout le peuple ; et il n’y a point de doute qu’on ne puisse amener plusieurs grandes considérations aussi bien d’une part que d’autre ; mais cependant je m’arrête à ce que je vois faire dans les villes bien policées. Au demeurant la raison pour laquelle il est vraisemblable que la sodomie n’était si commune alors que maintenant, c’est qu’on ne fréquentait pas tant les pays qui en font métier et marchandise qu’aujourd’hui […] Bien que nous lisions au treizième livre d’Athénée [Les Sages attablés, XIII, 603a] que de son temps les Celtes, nonobstant qu’ils eussent de plus belles femmes que les autres barbares, étaient adonnés à la sodomie, avant qu’on sut si bien parler italien en France on n’entendait presque pas parler de cette vilénie, ainsi que j'ai entendu de plusieurs vieilles personnes. Et de vrai, ce péché serait plus pardonnable (si pardonner se pouvait) aux Italiens qu'aux Français : d'autant que les Italiens (entre lesquels plusieurs n'appellent cela, qu'un peccadillo) sont plus voisins de la sainteté de ceux qui non seulement en donne dispense, mais aussi exemple, comme il sera déclaré ci-après »
Henri Estienne, Apologie pour Hérodote Lyon 1592 [Genève, 1566], livre I, chapitre 10.

«  Et quand il n'y aurait autre chose que la sodomie telle qu'on la voit à présent, ne pourrait-on à bon droit nommer notre siècle le parangon de méchanceté exécrable ? Je confesse que les Païens (au moins la plupart) ont été adonnés à ce vice : mais se trouvera-t-il qu'entre ceux qui ont porté le nom de Chrétiens, jamais un tel vice ait été réputé vertu ? Il est certain que non. Mais en notre temps on ne l'a pas seulement réputé pour vertu, mais on est venu jusqu'à en écrire les louanges, et puis les faire imprimer, pour être lues par tout le monde. Car ceci ne se doit taire, que Jean de la Case, Florentin, archevêque de Bénévent, a composé un livre en rime italienne, où il dit mille louanges de ce péché, auquel les vrais Chrétiens ne peuvent seulement penser sans horreur : et entre autres choses l'appelle œuvre divin. [...] Or est l'auteur de ce tant abominable livre celui même auquel j'ai dédié quelques miens vers latins, pendant que j'étais à Venise : mais je proteste que je commis telle faute avant que le connaître tel : et qu'après en avoir été averti, la faute était déjà irréparable. Mais pour retourner à ce péché si infâme, n'est-ce point grand'pitié qu'aucuns qui auparavant que mettre le pied en Italie, abhorraient les propos mêmement qui se tenaient de cela, après y avoir demeuré, ne prennent plaisir aux paroles seulement, mais viennent jusqu'aux effets, et en font profession entre eux, comme d'une chose qu'ils ont apprise en une bonne école ? Car quant à ceux qui par une mauvaise accoutumance ont seulement retenu des façons de parler italiennes, qui se disent là ordinairement et coûtumièrement, étant toutefois prises de telle méchanceté : ils ont bien quelque apparence d'excuse : mais que peuvent alléguer les autres ? Or ne veux-je pas dire toutefois que tous ceux qui se trouvent enracinés de ce péché l'aient appris en Italie, ou en Turquie. Car notre maître [Olivier] Maillard en faisait bien profession, et toutefois il n'y avait jamais été : mais celui qui comme docteur de la Sorbonne, tous les jours faisait brûler tant de pauvres gens à tort et sans cause, était celui que messieurs de la justice pouvaient faire brûler à bon droit, non pas comme luthérien (qu'on appelait alors ou trop obstiné évangeliste, mais comme bougre sodomitique.
Mais j'aurais grand tort si étant sur ce propos j'oubliais Pierre Louys, ou plutôt Aloisio (car son nom était en langage italien Pierro Aloisio) fils du pape Paul troisième de ce nom. Ce Louys duc de Parme et de Plaisance, pour ne dégénérer de la race papale, de laquelle il était issu, fut si adonné à cet horrible et détestable péché, voire si transporté de la rage d'icelui, que non seulement il oublia totalement le jugement de Dieu, non seulement il oublia la recommandation en laquelle il devait avoir son honneur, (pour le moins à l'endroit de ceux qui naturellement ne font pas grand'conscience de s'abandonner à telle méchanceté) non seulement il oublia qu'il était homme : mais aussi oublia le danger de la mort (que les bêtes même appréhendent) lequel se présentait journellement à lui. Car ne se contentant pas d'avoir exercé ses infâmes concupiscences en une infinité de personnes de diverses qualités, en la fin s'adressa à un jeune évêque, nommé Cosmo Cherio, ayant l'évêché de Fano ; et n'en pouvant venir à bout autrement, le fit tenir par ses gens. Après lequel acte il n'arrêté pas longtemps à recevoir le salaire dû à tels monstres ; et comme il avait mené une vie infâme, aussi lui fut fait une épitaphe si infâme qu'il requérait des lecteurs qui eussent pris quelque préservatif, de peur d'avoir mal au cœur. [...] Or ai-je nommé cette sorte de péché [la bestialité] le péché contre nature, m'accommodant à la façon de parler ordinaire. Car suivant cela, il est certain que la sodomie doit être comprise sous ce titre ; et sans autrement en disputer, les bêtes brutes nous en rendent convaincus.
Henri Estienne, Apologie pour Hérodote Lyon, 1592 [Genève, 1566], livre I, chapitre 13.

La mise en cause du pays de la papauté n’est pas fortuite chez ce protestant, mais cette imputation de mauvaises mœurs fut utilisée des deux côtés ; en 1577, un ouvrage sur la vie de Calvin contenait cette dénonciation :

« Ce Calvin pourvu d’une cure et d’une chapelle fut surpris ou convaincu du péché de sodomie, pour lequel il fut en danger de mort par le feu. »
Hiérosme Bolsec, Histoire de la vie de Calvin, 1577, chapitre 5. Cette accusation fut depuis reconnue fausse (voir la citation de 1566 à sodomite).

Anonyme [Nicolas Froumenteau] : « Quelques uns [des prieurs et commandeurs de l'archevêché de Lyon] sont un peu taxés de sodomie, mais n'ayant pu bonnement découvrir le fait, ne le tirerons hors ligne. »
Le Cabinet du Roi de France, La Rochelle 1581, livre premier, " Commanderies ", page 34.

« S’il désire un mâle, c’est sodomie […] Ce péché est contre l’ordre de la nature, pour ce qu’il se commet contre l’ordre du sexe. »
Jean BenedictiLa Somme des péchés, 1584, 1601. Pour cet auteur, la sodomie n’est le fait que de l’actif, les bardaches, patients, ne commettant que le péché de mollesse.
 
Pierre de L'Estoile : « Au temps du feu Roi François I [...] et encore moins pendant le règne du Très-puissant, invincible et Très-Chrétien Henri II [...] Plusieurs Schismes, Hérésies, Hypocrisies, Simonies autorisées, Parricides, Meurtres, Injustices, Paillardises, Sodomies, et Apostasies n'étaient ni connues ni entretenues. »  " Les sorcelleries de Henri de Valois ", page 371, pour l'année 1589, dans 



« M. [Anthony] Bacon gentilhomme anglais caressait Isaac Burgades son page et demeurait enfermé souvent dans une salle de son logis […] la sodomie n’était point trouvée mauvaise car M. [Théodore] de Bèze ministre de Genève et M. Constant ministre de Montauban en avaient usé et la trouvaient bonne […] Bacon lui avait assuré que ce n’était point mal fait d’être bougre et sodomite. »
Archives départementales du Tarn et Garonne, E. 1537, folio 177, novembre 1587. De 1585 à 1589, Anthony Bacon était établi à Montauban dans l'entourage du théologie calviniste Lambert Daneau, indique Gilles Banderier dans le Dictionnaire Montaigne (Paris : Classiques Garnier, 2018).


" C'est sodomie quand deux d'un même sexe se mêlent ensemble, encore que ce fussent femmes, ou quand l'homme se mêle avec la femme à rebours. "
Emmanuel Sà, Aphorismes des confesseursLuxure, 1601.

" À la Cour [d'Henri IV], on ne parle que de duels, puteries et maquerelages ; le jeu et le blasphème y sont en crédit ; la sodomie - qui est l'abomination des abominations - y règne tellement qu'il y a presse à mettre la main aux braguettes ; les instruments desquelles ils appellent entre eux, par un vilain jargon, les épées du chevet. [...] Dieu nous a donné un prince tout dissemblable à Néron, c'est-à-dire bon, juste, vertueux et craignant Dieu, et lequel naturellement abhorre cette abomination. "
Pierre de l'Estoile, Mémoires-Journaux, tome IX, page 187, décembre 1608.

D'Agrippa d'Aubigné :
Tragiques, 1616, VII " Jugement ".

Bulle autorisant la sodomie pendant les trois mois d'été, attribuée au pape Sixte IV ; voir plus loin Furetière et Bayle.

" Faire des vers de sodomie ne rend pas un homme coupable du fait : poète et pédéraste sont deux qualités différentes. "
Théophile de Viau (1590-1626), Apologie de Théophile, 1624.

« Du vilain plaisir de la vie
Que l’on nomme sodomie
Le conseiller Des Barreaux [1599-1673]
Y sait tous les plaisirs nouveaux. »
Les Roquentins de la Cour, 1634.

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Dans sa Somme des péchés, le jésuite Étienne Bauny (1564-1649) écrivait qu’il devait être examiné si le confessant
« a commis sodomie, d’homme avec homme, ou de femme avec femme. » (5e édition, 1638, page 189)

Dans les Codiciles de Louis XIII (1643), on trouve ce commentaire du 7e commandement :

« Tu ne paillarderas point. Vous ferez contre ce commandement si par œuvre vous faites fornication, adultère, inceste, pollution, sacrilège, sodomie, gomorrée, bestialité. »

Jean-Jacques Bouchard et Tallemant des Réaux, entre autres, employèrent sodomie qui à la fin du XVIIe siècle entra dans tous les dictionnaires ; celui de Pierre Richelet (1679-1680) écrivait (dans les éditions de 1680 et 1706) :

César de Rochefort, tout en s’inspirant de Pierre Richelet, traduisit les mœurs grecques dans le vocabulaire chrétien :
« Sodomie : c’est cet abominable péché de la chair contre nature.
Lucien et les poètes anciens ont donné les Dieux pour auteurs de la sodomie, ils disent que Jupiter avait Ganymède, Hercule son Hylas (Valérius Flaccus, Argonautiques, III), Apollon eut Hyacinthe […] Lucien dans son dialogue de Lycinus et de Théomneste, parlant de la sodomie, dit que le monde étant venu dans la dernière corruption, les hommes ont commencé à semer dans un champ stérile, et détruisant l’ordre de la nature qui lie le mâle à la femelle : des garçons on en fit des femmes. Le péché de sodomie est cru par Origène beaucoup plus grand que l’idolâtrie. »
Dictionnaire général et curieux, 1685.

« Épigramme sur l’état auquel était la France au commencement de l’an 1694.

Le pain blanc se mange à grand frais
Le bon vin ne se trouve guère
Et l’argent qui sert à tout faire
Devient plus rare que jamais ;

Plaignons ami nos infortunes,
La guerre augment nos besoins ;
Les femmes seules sont communes,
Et c’est dont on use le moins.
(+) C’est que la sodomie était alors fort en vogue. »
Recueil Maurepas, tome 8, mss fr BnF 12623, page 49.

Antoine Furetière, Dictionnaire universel..., seconde édition, 1701 :
Rien pour ces deux termes dans la première édition (1690).

On trouve une discussion de cette rumeur concernant Sixte IV dans le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle, édition de 1738, à partir de ce passage des Préjugés... de Jurieu :
Préjugés légitimes contre le Papisme, 1685, chapitre XVIII, page 246.

La définition de Pierre Richelet fut reprise presque mot pour mot dans le Dictionnaire universel de Trévoux (1704), complétée toutefois de cette référence au Lévitique « Il n’y a que les personnes abandonnées, et les coquins à brûler, qui commettent ces sortes de péchés qui font condamner au feu par la loi de Dieu au Lév. Ch. 18 et 20 et par les lois civiles. »


Une " pièce choisie " de 1735 :

Pierre Bayle (1647-1706) : « Monsieur de Mézerai [1610-1683] traite fort mal ce ministre : il adopte comme certain le conte qui avait couru d'une accusation de sodomie intentée à [Théodore de] Bèze devant le Parlement de Paris. Cela ne paraît point digne d'un historien judicieux. » Dictionnaire historique et critique, 1738, tome 1, page 553.
Bayle précisait en note (U) : " S'il s'était contenté de dire qu'on lisait dans plusieurs écrits imprimés, que Théodore de Bèze fut accusé de cette abomination, il ne faudrait pas le trouver étrange ; car il n'avancerait rien qui ne soit très vrai. On pourrait citer peut-être deux cents auteurs, qui, se copiant les uns les autres, ont parlé de ce procès. [Eudes de] Mézerai va beaucoup plus loin : il soutient la chose, il s'en rend caution, et il n en saurait produire nulle preuve ; c'est ce qu'on peut appeler la conduite d'un historien étourdi. Rapportons ses paroles. „ On peut bien sans préjudice d'aucune religion le nommer un très méchant homme, et une âme entièrement corrompue, qui, comme une vilaine harpie, gâtait les choses les plus saintes avec ses railleries malignes, et dont le cœur ne couvait que des desseins sanglants et tout à fait exécrables. Aussi il n'était sorte de vilenie dont il n'eût souillé sa jeunesse ; les poèmes, dont il a voulu couvrir ses ordures par ce titre de Juvenilia, en font assez mention : mais, outre cela, il est constant qu'il s'enfuit à Genève, pour éviter la punition des sodomies dont il était accusé devant le Parlement de Paris; et qu'il emmena avec lui sa Candide, femme d'un tailleur, qui vivait encore au commencement de ce siècle, après avoir vendu quelques bénéfices qu'il avait eus de son oncle, entre autres le prieuré de Longjumeau : commençant de cette sorte la réforme de sa vie par une simonie, et par un adultère. ". Et en sous-note marginale (79), " Mézerai, Histoire de France, volume III, page 64.

Bayle : « Le second défaut de ces lois [les Ordonnances du législateur des Japonais] est qu'en défendant très sévèrement aux Bonzes l'usage des femmes, elles leur permettent la pédérastie. Elles leur interdisent cet usage-là comme une chose vilaine et abominable, et approuvent l'autre usage comme une chose honnête et sainte. [...] [Antoine] Possevin montre par plusieurs raisons l'atrocité de la sodomie. » Dictionnaire historique et critique, 1738, " Japon ".

Les ouvrages de droit offrent des définitions plus ou moins rigoureuses : ainsi celle de l’avocat Pierre-François Muyart de Vouglans (1713-1791) : « Ce crime, qui tire son nom de cette ville abominable dont il est fait mention dans l’histoire sacrée [la Bible], se commet par un homme avec un homme, ou par une femme avec une femme. Il se commet aussi par un homme avec une femme, lorsqu’ils ne se servent pas de la voie ordinaire pour la génération. Enfin, il se commet par un homme sur lui-même […] On ne peut le punir par des supplices trop rigoureux, et surtout lorsqu’il est commis entre deux personnes du même sexe. »
Institutes au droit criminel, 1757 ; voir aussi ses Lois criminelles de France, dans leur ordre naturel, 1780 :

La 4e édition du Dictionnaire de l'Académie française (1762) donnait sobrement :
« SODOMIE. s.f. Péché contre nature. » (Le sodomite étant " Celui qui est coupable de sodomie ").

L'Encyclopédie... de Diderot et d'Alembert (1765) n'innovait pas dans son traitement du sujet ; Antoine-Gaspard Boucher d'Argis (1708-1791) suivait de très près l'article sodomie du vieux Dictionnaire Français de Pierre Richelet (1679), ainsi que le chapitre sodomie de Muyart de Vouglans (1757) :

 « SODOMIE, s. f. (Gram. & Jurisprud.) est le crime de ceux qui commettent des impuretés contraires même à l'ordre de la nature ; ce crime a pris son nom de la ville de Sodome, qui périt par le feu du ciel à cause de ce désordre abominable qui y était familier.
  La justice divine a prononcé la peine de mort contre ceux qui se souillent de [ce] crime, morte moriatur Lévitique, ch. XX [1].
  La même peine est prononcée par l'Authentiqueut non luxurientur [2].
  La loi cum vir au code de adult. veut que ceux qui sont convaincus de ce crime soient brûlés vifs [3].
  Cette peine a été adoptée dans notre jurisprudence : il y en a eu encore un exemple en exécution d'un arrêt du 5 juin 1750, contre deux particuliers qui furent brûlés vifs en place de Grève [4].
  Les femmes, les mineurs [5], sont punis comme les autres coupables.
  Cependant quelques auteurs, tels que Menochius, prétendent que pour les mineurs, on doit adoucir la peine, surtout si le mineur est au-dessous de l'âge de la puberté.
  Les ecclésiastiques, les religieux, devant l'exemple de la chasteté, dont ils ont fait un vœu particulier, doivent être jugés avec la plus grande sévérité, lorsqu'ils se trouvent coupables de ce crime ; le moindre soupçon suffit pour les faire destituer de toute fonction ou emploi qui ait rapport à l'éducation de la jeunesse. Voyez Du Perray [6].
  On comprend sous le terme de sodomie, cette espèce de luxure que les canonistes appellent mollities, & les latins mastupratio, qui est le crime que l'on commet sur soi-même ; celui-ci lorsqu'il est découvert (ce qui est rare au for extérieur) est puni des galères ou du bannissement, selon que le scandale a été plus ou moins grand.
  On punit aussi de la même peine ceux qui apprennent à la jeunesse à commettre de telles impuretés ; ils subissent de plus l'exposition au carcan avec un écriteau portant ces mots, corrupteur de la jeunesse. Voyez les novelles 77 & 141 [7]; du Perray, des moyens can. ch. viii ; Menochius, de arbitr. cas. 329 n. 5 [8]; M. de Vouglans, en ses Instit. au Droit criminel, page 510. »
Encyclopédie, tome XV, colonne 266, 1765, par Antoine-Gaspard Boucher d'Argis (1708-1791).

[1]  Punis de mort ; cf Lévitique, XX, 13.
[2]  Ut non luxurientur homines contra naturam est le titre de la novelle 77 de l'empereur Justinien en l'an 538 ; l'Authentique, que l'Encyclopédie écrivait antheritique ..., est le titre traditionnellement donné au recueil de ces novelles (i. e. les plus récentes lois fondamentales) de ce souverain.
[3]  Édit de l'empereur Constant en décembre de l'an 342, à l'époque où le christianisme devient religion d'État à Rome.
[4]  Voir Claude Courouve, L'Affaire de Lenoir et Diot.
[5]  Pour le XVIIe siècle, on connaît en France trois cas semblables d'atténuation de la peine pour des mineurs ; l'âge de la majorité civile et pénale était alors de 25 ans.
[6]  Michel Du Perray, De l'état et de la capacité des ecclésiastiques pour les ordres et bénéfices, 1703 ; sur les clercs sodomites, voir III, 8, pp. 312-320.
[7]  Le titre complet de cette novelle 141, en l'an 559, est Edictum de his, qui luxuriantur contra naturam.
[8]  Jacopo Menochio, De Arbitrariis judicium quaestionibus et causis ..., 1606, réédité en 1615, 1628 et 1630 ; voir livre II, cas 329, n° 15 ; la référence est à Socinus junior (Fausto Socin).


Dans le Grand Vocabulaire Français de Charles-Joseph Panckoucke, publié de 1767 à 1774, il était mis pour ce mot :
« Crime contre nature qui consiste dans l’usage d’un homme comme si c’était une femme, ou d’une femme comme si c’était un homme.
  La loi cum vir au code de adultere veut que ceux qui sont convaincus de ce crime soient brûlés vifs [formulation analogue à celle de l’Encyclopédie]. »

« Des lettres particulières de Venise portent que Mocénigo, un des grands de cette République, ayant été atteint et convaincu du crime de sodomie, a été condamné à être mis dans un sac et jeté à la mer, au moment où il se disposait à remplir une place importante dans une Cour étrangère, à laquelle il avait été nommé. Cette nouvelle a d’autant plus surpris que la pédérastie est fort à la mode en Italie, et s’y traite comme une gentillesse. »
Mémoires secrets …, 1er novembre 1773.

Un manuscrit de Condorcet est révélé par Élisabeth et Robert Badinter dans Un Intellectuel en politique (Paris : Fayard, 1988) : « On sait que ce vice [la sodomie] n'a d'autres causes pour les jeunes gens que le défaut de femmes... Ceux qui connaissent déjà le plaisir s'occupent de séduire leurs camarades...D'ailleurs, tous les maîtres étant célibataires, tous faisant profession de fuir les femmes, il y aura des corrupteurs parmi les maîtres. Cela est arrivé très souvent, et toujours à des maîtres ecclésiastiques ou moines. Les gens mariés ont des mœurs plus pures... » (Bibliothèque de l'Institut, mss 884, folio 276 recto).

" SODOMIE. s. fém. Péché contre nature. "
Dictionnaire de l'Académie française, 4e, 5e, 6e et 7e éditions , 1740, 1798, 1835 et 1878. L’Académie définissait donc l’espèce par le genre, ce qui n’aidait pas beaucoup …
" SODOMIE. n. f. Mœurs contre nature. "
Dictionnaire de l'Académie française, 8e édition, 1935.

Marquis de Sade : « La sodomie est générale par toute la Terre ; il n'est pas un seul peuple qui ne s'y livre ; pas un seul grand homme qui n'y soit adonné.
Le saphotisme y règne également ; cette passion est dans la nature comme l'autre. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette, Première partie, [1801], Paris : Gallimard, 1998, édition Michel Delon. Le lien avec le saphotisme confirme ici le sens homosexuel de sodomie.

« Bourguerie [sic] : Sodomie, infamie. Voyez Bougre. » (Jean Baptiste Bonaventure Roquefort, Glossaire de la langue romane, tome I, Paris : B. Warée, 1808).
« Sodomours : Sodomiste, infesté du crime de sodomie. » (Roquefort, Glossaire ..., tome II, Paris : B. Warée, 1808).

Au XIXe siècle, les ouvrages de médecine légale, à commencer par Médecine légale et police médicale de P. A. O. Mahon (1801), vont contenir un paragraphe ou un chapitre intitulé "sodomie", le mot étant alors généralement pris dans le sens de sodomisation.

Vincent Fournier-Verneuil, Paris, Tableau moral et philosophique, 1826 :
Chapitre " Le beau monde "

Au contraire des médecins-légistes, la police de Louis-Philippe Ier envisageait sous la dénomination de sodomie l’ensemble des relations homosexuelles masculines dans cette ordonnance de novembre 1843 du préfet de police Gabriel Delessert, modifiée en 1878 par le préfet Gigot : « La surveillance des inspecteurs du service actif des mœurs s’étendra sur tous les délits d’outrage public à la pudeur, et principalement sur les actes de sodomie. Mais ils s’abstiendront expressément de tout moyen qui paraîtrait avoir le caractère de la provocation, et s’attacheront surtout à constater le flagrant délit. Le fait de sodomie tenté ou consommé dans un lieu ouvert au public constitue le délit d’outrage public à la pudeur. » Instruction réglementaire …, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, 2286.

« Ce militaire [...] nous fit voir un coq qui, après avoir terrassé son adversaire, cherchait à le sodomiser, et insistant quelquefois jusqu'à l'éjaculation, quand l'ennemi battu était acculé de manière à ne pouvoir fuir. L'observateur prétendait avoir vu assez souvent les chiens se livrer au rapprochement de sexes semblables, et cela jusqu'à intromission ; il pensait que les mêmes influences climatologiques produisaient et ces accouplements chez les animaux et la sodomie chez l'homme. »
Dr F. Jacquot, médecin de l'armée d'Afrique, " Des aberrations de l'appétit génésique ", Gazette Médicale de Paris, 28 juillet 1849.

Alfred Delvau 
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.


Benoît Malon, " Les morales religieuses IV — Polythéisme gréco-romain ", La Revue Socialiste, n° 12, décembre 1885 : " lois contre la sodomie "
(1) Montesquieu, De l'Esprit des lois, VII, ix.


Mgr Paul Guérin, 1895 : « SODOMIE. s. f. (de Sodome). Amour criminel des hommes entre eux. »
Dictionnaire des dictionnaires.



« Je regarde l'état de comédien comme la honte des hontes. J'ai là-dessus les idées les plus centenaires et les plus absolues. La vocation du théâtre est, à mes yeux, la plus basse des misères de ce monde abject et la sodomie passive est, je crois, un peu moins infâme. Le bardache, même vénal, est du moins, forcé de restreindre, chaque fois, son stupre à la cohabitation d'un seul et peut garder encore, -- au fond de son ignominie effroyable, -- la liberté d'un certain choix. Le comédien s'abandonne, sans choix, à la multitude, et son industrie n'est pas moins ignoble, puisque c'est son corps qui est l'instrument. »
Léon Bloy (1846-1917), Le Désespéré (Paris : A. Soirat, 1886), chapitre IV.


Fin 1927 (achevé d'imprimer le 10 novembre 1927 pour Bernard Grasset) paraît L'Amour qui n'ose pas dire son nom, dont la couverture était barrée par l'éditeur d'un bandeau portant le sous-titre suivant : « La première offensive contre la sodomie littéraire ». L'auteur, François Porché (1877-1944), expliquait dans sa préface : « J'ai conçu le dessein de parler des amours singulières, des formes inverties du désir, dans leurs rapports avec la littérature de mon temps (Marcel Proust, Oscar Wilde, Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, Walt Whitman, André Gide...) ».

« SODOMIE. - On donne ce nom aux rapprochements ou relations sexuels entre personnes de même sexe. La sodomie est dite parfaite lorsqu'elle se présente sous cette forme. Elle est dite imparfaite lorsqu’elle intervient entre personnes de sexe différent, mais implique un rapprochement effectue intra vas indebitum [dans le vase indu]. »
Raoul Naz, Dictionnaire de droit canonique, tome 7, Paris : Letouzey et Ané, 1965.

Belle variante médicale :

« L’homosexualité (dite encore "homophilie") est un penchant sexuel pour les individus du même sexe qui, lorsqu’elle est constitutionnelle, reste limitée à ce même sexe (c’est l’uranisme) et qui, lorsqu’elle est acquise, peut s’étendre, paradoxalement, y appliquant aussi les même pratiques, au sexe opposé – c’est la pédérastie, mieux alors et plus généralement appelée "sodomie" »
Ceccaldi et Durigon, Médecine légale à usage judiciaire, Paris : Cujas, 1979 ; chapitre " Perversions sexuelles " dans la partie "Sexologie".

* * * * *

" La sodomie est au cœur de l’affaire à la fois comme objet de représentation littéraire et comme pratique illicite. "

Anne Brassié : « Dante décrit le long cheminement de son âme tombée en enfer, puis conduit vers le Purgatoire et enfin au Paradis. Les supplices infligés aux pécheurs sont proportionnels à leurs fautes.
Puis je vous rappeler quelques fautes graves, la luxure, la gourmandise, l’avarice, la colère, l’indifférence, la violence, le suicide, le blasphème, la sodomie, l’usure, l’hérésie. Le dernier cercle de l’enfer accueille les pires pécheurs, les traîtres. Les traîtres envers leurs parents, leur patrie, leurs hôtes. Ces derniers grelotteront sous la glace. (Le réchauffement climatique n’était pas de mise à l’époque !)
Difficile à comprendre évidemment pour un clergé qui chante à tue tête " Nous irons tous en paradis " [allusion à Mgr Gaillot, évêque de Parthénia]. ». (Lettre ouverte au cardinal Barbarin, 30 novembre 2015).

Andrew Roberts : « Si Lloyd George ne voulait pas voir la Grande-Bretagne s’engager dans une confrontation directe avec les bolcheviks, sachant que ce serait impopulaire, surtout à gauche, le Conseil de la guerre – qui était toujours là – ne voulait pas laisser tomber les Blancs. « Winston s’oppose catégoriquement au bolchevisme, et donc, en cela, il s’oppose à Lloyd George », notait le général Wilson dans son journal le 15 janvier 1919 [Charles Edward Callwell,  Field Marshal Sir Henry Wilson: His Life and Diaries. Vol. 2., p. 165.]. Le 24, quand Lloyd George suggéra d’inviter les Rouges à des pourparlers en Turquie, à Prinkipo, Churchill se fit sarcastique : « Si l’on reconnaît les bolcheviks, alors pourquoi ne pas légaliser la sodomie [Companion  Volumes (documents accompagnant la Biographie Officielle de sir Winston Churchill) IV-1, p. 479. " One might as well legalise sodomy as recognise the Bolsheviks. " Paris, 24 janvier 1919, cité dans Churchill: A Life by Gilbert, Martin (1992). New York: Holt, p. 408.] ? »
Churchill, Paris : Perrin, 2020, chapitre 12 " La coalition entre libéraux et conservateurs ". Traduction Antoine Capet de Churchill: Walking with Destiny (2018).

SODOMIQUE

Rapport de la police parisienne :
« L'abbé a tiré de sa bibliothèque des livres et figures en taille-douce pleines d'abominations sodomiques et de postures affreuses qu'il a montrées et fait remarquer l'une après l'autre au jeune homme, paraissant en faire grand cas. »
Archives de la Bastille (Bibliothèque de l'Arsenal) 10821, 1724.

Alfred Delvau, " habitudes sodomiques "
Dictionnaire érotique moderne, 1864.


SODOMISER, SODOMITISER

« Bougre sodomisant l’État
Et bougre du plus haut carat, »
Scarron, La Mazarinade, 1651 ; réédité en 1867 sous le titre La Pure vérité cachée.

« Pour revenir à M. de Bellegarde, il pourrait bien avoir pris aussi d’Henri III le ragoût qu’il voulait avoir une fois à Essonne, où on le vit courir après un vieux postillon, sale, laid et vieux pour le sodomiser. »
Tallemant des Réaux, Historiettes, I, 29-30.

Recueil de pièces choisies..., 1735, page 317.

VOLTAIRE : « Le Sénat a-t-il jamais élevé un temple à Bacchus se sodomisant lui même ?  à Mercure voleur ? Ganymède a-t-il eu des temples ? Adrien, à la vérité, fit ériger un temple à son ami Antinoüs, comme Alexandre à Éphestion ; mais les honorait-on en qualité de gitons ? Y a-t-il une médaille, un monument, dont l’inscription fût à Antinoüs pédéraste ? Les Pères de l’Église s’égayaient aux dépens de ceux qu’ils appelaient Gentils ; mais que les Gentils avaient de représailles à faire ! et qu’un prétendu Joseph mis dans la grande confrérie par un ange ; et qu’un Dieu charpentier dont les aïeules étaient des adultères, des incestueuses, des prostituées ; et qu’un Paul voyageant au troisième ciel ; et qu’un mari et sa femme frappés de mort pour n’avoir pas donné tout leur bien à Simon Barjone, fournissaient aux Gentils de terribles armes ! Les anges de Sodome ne valent-ils pas bien Bacchus et Prosymnus, ou la fable d’Apollon et d’Hyacinthe ? […] Épiphane a écrit qu’un préfet d’Alexandrie lui avait donné [à Origène] l’alternative, de servir de Ganymède à un Éthiopien, ou de sacrifier aux dieux, et qu’il avait sacrifié pour n’être point sodomisé par un vilain Éthiopien. Si c’est là ce qui le détermina à se faire eunuque, ou si ce fut une autre raison, c’est ce que je laisse à examiner aux savants qui entreprendront l’histoire des eunuques ; je me borne ici à l’histoire des sottises de l’esprit humain. »

« Le caractère de Jérôme était d’ailleurs […] tout aussi partisan qu’eux [ses confrères] de l’antiphysique ; il aimait, ainsi qu’eux, à se faire foutre et à sodomiser des garçons. »
Marquis de Sade, La Nouvelle Justine [1794], chapitre VIII, Paris : Gallimard, 1995, édition Michel Delon.

« Au giron de la sainte Église,
Sur l’autel même ou Dieu se fait ;
Tous les matins je sodomise,
D’un garçon, le cul rondelet.
[…]
Cependant Jésus dans l’Olympe,
Sodomisant son cher papa,
Veut que saint Eustache le grimpe,
En baisant le cul d’Agrippa**
** Dernier roi des Juifs. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette [1801], 4e partie [parodie de l’Ode à Priape de Piron], in Œuvres, Paris : Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

« Ce militaire nous signala un fait dont nous pûmes vérifier l’exactitude. Il nous fit voir un coq qui, après avoir terrassé son adversaire, cherchait à le sodomiser, et insistant quelques fois jusqu’à l’éjaculation, quand l’ennemi battu était acculé de manière à ne pouvoir fuir. »
Dr F. Jacquot, « Des aberrations de l’appétit génésique », Gazette médicale de Paris, 28 juillet 1849.

Alfred Delvau : SODOMISER. Enculer une femme — ou un homme.
« Il la quitte alors pour l'engin
D'un franciscain que sodomise
Un prélat...           B. de MAURICE. » (Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

La variante sodomitiser se rencontre chez Pierre Joseph Proudhon.

SODOMISME

« Cet amour de l'homme pour l'homme prit dès lors le nom de sodomisme. »
Anonyme, L'Amour, 1868.

« Bonapartisme
Et sodomisme,
En s’unissant, s’infiltrent dans nos cœurs.
« La Société des Émiles », in Alfred Glatigny, La Sultane Rozréa, 1871

SODOMISTE, adj. et subs.

Variante de sodomite à laquelle les dictionnaires refusent généralement une place. Étienne Brunet, auteur du Vocabulaire de Proust [Slatkine/Champion, 1983, tome 3] osa ranger la variante, pourtant la seule employée par Proust, sous la bannière du terme admis.

« J’excuse tout cela qu’en Nature consiste,
Mais de prêter le cul au bougre sodomiste,
Ha, ma foi, par ma foi, cet acte n’est pas beau. »
Étienne Jodelle (1532-1573), Œuvres et mélanges poétiques, 1868, tome I, p. 435.

« Un énorme et exécrable cas de sodomiste se découvre [en 1578] aux cloîtres des Cordeliers et Augustins, tant à Gand qu’en la ville de Bruges, par l’accusation d’anciens novices étant en ces cloîtres, de sorte qu’ils en prirent prisonniers 14 à Gand et 9 ou 10 à Bruges, et furent tous exécutés à mort par le feu. »
Mémoires anonymes sur les troubles des Pays-Bas, édition J. B. Blaes, H. Heusner, 1860, tome 2, p. 257.

Le Cabinet du Roi de France (1581) contenait, à côté de la forme prépondérante sodomite, quelques occurrences de sodomiste ; y figurait aussi athéiste.

« Athénée deipnosophiste [auteur des Sages attablés] dit que les Gaulois qui habitaient le long de la Saône et de la Garonne étaient des Sodomistes, qu’ils épousaient les enfants. Lib.3. »
César de Rochefort, Dictionnaire général et curieux …, 1685.

En 1705, un certain Jacques Duplessis était dit :

« sodomiste déclaré camarade de Le Comte. »
BnF, mss Clairambault 985.

Après le procès et l’exécution publique de Deschauffours, en mai 1726, des libertins égalitaristes firent circuler ce quatrain :

« De deux sodomistes pareils
    Le destin me soulève ;
Faut-il voir d’Huxelles aux conseils
    Et Deschauffours en Grève ? »
Recueil Clairambault-Maurepas, année 1727.

La diffusion de sodomiste est attestée par la diversité des registres ; outre les policiers et les libertins, on peut citer des documents judiciaires :

« Le prétendu ermite, donnant dans le goût des sodomistes, a voulu très souvent tomber dans leurs excès avec des hommes et des jeunes garçons, leur faisant des attouchements très sales. »
Procès Toussaint, 1731, archives départementales des Pyrénées Atlantiques, mss B 5374.

Dans les Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors, publiés anonymement à Amsterdam en 1733, ebugor est l’anagramme de bougre, et modosiste celui de sodomiste :

« Les Ebugors ou Modosistes sont un peuple fort ancien, ils formaient autrefois un corps de nation. Modose était la capitale de leurs États […] De nouveaux malheurs les obligèrent de passer en Elitia [Italie] : on leur accorda dans ce pays de si grands privilèges, qu’ils oublièrent leurs anciennes disgrâces. On les vit même parvenir aux plus éminentes dignités.
  Le nombre des Modosistes augmentant tous les jours, ils résolurent d’envoyer des colonies dans quelques-uns des États voisins, ils tâchèrent de s’établir dans le Royaume des Valges [Gaules]. »

En 1737, à Paris, deux personnes furent condamnées pour

« avoir répandu dans le public que le sieur de Marigny était un sodomiste. »
Archives Nationales, série X2A , arrêt du 3 août 1739.

Une épigramme libre attribuée au conteur libertin Mérard de Saint-Just trouve ici sa place :

« Un sectateur de l’art du Titien,
Un jour pria le jeune et frais Rozelle
De vouloir bien lui servir de modèle
Pour, sur le nu, peindre un saint Sébastien ;
Il y consent. L’œil en feu, le vit raide,
Le peintre admire, et les trouvant si beau,
En fait soudain un nouveau Ganymède.
- Que sens-je là ? lui dit le jouvenceau,
Tu m’encules, je crois, infâme sodomiste ?
- Non, non, repart, en s’agitant, l’artiste ;
C’est le premier coup de pinceau. »

« Il est bien triste pour les doctes que parmi tous les sodomistes que nous avons, il ne s’en soit pas trouvé un seul qui nous ait donné des notions de leur capitale [Sodome]. »
Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie, 1770, article " Asphalte Lac Asphaltide Sodome ".

" Sodomie
« Les Persans ont des sérails de garçons ; les bonzes dans les Indes ne voient pas de femmes ; mais ils savent s'en dédommager. On a remarqué que dans tous les pays chauds les hommes étaient fort portés à toutes les conjonctions illicites ; que dans les religions même les plus rigoureuses, le climat les fait tolérer. Je n'examine point si ce crime est contre la nature, je n'examine point si de grands hommes l'ont commis, s'il a été même permis dans certaines circonstances. Il nuit à la population, il doit donc être proscrit. Mais ce n'est point par la mort qu'il faut le punir ; car le remède serait pire que le mal : c'est nuire doublement à la propagation des hommes. Tous les crimes contre les mœurs doivent être punis par l'opinion publique ; c'est du sceau de l'ignominie qu'il faut marquer ceux qui donnent des atteintes aux mœurs, à la pudicité publique. On punit en France les femmes publiques en les promenant sur un âne, le visage tourné vers la queue. La coupable en cet état est huée par le peuple. Imposez la même peine à tous les sodomistes, point d'acception de rangs, de personnes. Comme ce crime est plus commun chez les grands, chez les opulents (car l'artisan se borne à sa femme) c'est par l'opinion publique qu'il faut les flétrir ; car ils y sont plus sujets que les autres. Point de peines pécuniaires surtout. Ils ne paieraient pas moins des garçons pour leurs plaisirs ; mais ils leur coûteraient plus cher. C'est une faute en politique que de priver inutilement l'Etat de sujets qui pourraient lui être utiles. Un sodomiste peut réparer son crime. Il ne faut point être si ardent à trouver les malheureux qui commettent ce crime. La multiplicité des criminels nécessite la fréquence des supplices, et cette fréquence diminue insensiblement l'horreur que le peuple a pour ce crime ; il se familiarise avec son image. »
Jacques Pierre Brissot de Warville, conventionnel, (1754 - guillotiné le 31 octobre 1793) : Théorie des lois criminelles, Paris : 1781, tome 1, pages 238-240.

« Il fallait aux Sodomistes des derrières mâles. »
Note de Guillaume Apollinaire : « Les Sodomistes pensaient apparemment comme un grand seigneur moderne. Un valet de chambre de confiance lui fit observer que du côté qu’il préférait, ses maîtresses étaient conformées comme des ganymèdes, qu’on ne pouvait trouver au poids de l’or ; qu’il pouvait … des femmes. " Des femmes, s’écria le maître ; eh ! c’est comme si tu me servais un gigot sans manche ! " »
Honoré Gabriel Mirabeau, Erotika Biblion, 1783. Réédité avec notes dans L'Œuvre du Comte de Mirabeau, Paris : Bibliothèque des curieux, 1921. (Collection " Les Maîtres de l'amour ").

« Gareau a été prêtre ; ses goûts se raffinent avec plus d'art ; il a conservé les penchants de l'ordre jésuitique où ses jeunes années s'écoulèrent et, comme il bande encore joliment, le sodomiste encule, et crie comme un diable en perdant son foutre. »
Marquis de Sade, La Nouvelle Justine [1797], XVII, Paris : Gallimard, 1995, édition Michel Delon.

« [Brisa-Testa] : J’étais le seul auquel il fit cette voluptueuse caresse de la langue au cul, signe assuré de la prédilection d’un homme pour un autre, gage certain de la luxure la plus raffinée, et que les vrais sodomistes ne prodiguent guère aux femmes, dans la crainte de l’affreux dégoût où les expose le voisin. »
Marquis de Sade, Histoire de Juliette, 5e partie, [1798], Paris : Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

« Bulgare : Ancien peuple qui habitait vers le Danube ; c'était aussi le nom qu'on donnait aux sodomistes, aux aligeois et à certains hérétiques qui réchauffaient les dogmes des Manichéens sous S. Louis. » (Jean Baptiste Bonaventure Roquefort, Glossaire de la langue romane, tome I, Paris : B. Warée, 1808).

« Frégate : jeune sodomiste ou putain de galère. »
Ansiaume, 1821, publié dans Le Français Moderne, 1943-1944.

« Auger Hippolyte [un des modèles du Lucien de Balzac] joli garçon qui passait pour avoir servi à un usage sodomiste en Italie. »
Charles Lambert, note manuscrite, 1835, BA, mss 7804/2, f° 3.

« Tante : Sodomiste pour son compte.
Pédéro : sodomiste. » 
L’Intérieur des prisons, 1846.

" L'amour sodomiste et l'amour saphique sont aussi effrontés que la prostitution et font des progrès déplorables. "
Commissaire Dupin (Paris), rapport au ministre de l'Intérieur, printemps 1799, cité par W..A. Schmidt, Tableaux de la Révolution française ..., tome III, 1870.

Paul Verlaine était donc mal inspiré lorsqu’il récusait ce terme :

« Le procureur prononce son réquisitoire. – Voilà, dit Verlaine, qu’il me traite de sodomiste ! Je me soulève de mon banc et l’index de sa main droite se levait jusqu’au menton) et je rectifie : "ite, monsieur le procureur !" Suffoqué, le procureur proteste : "L’inculpé ose m’interrompre ? " Cette fois je me lève tout à fait (ici son index s’érigeait jusqu’à la hauteur de son front) et je répète plus fort, respectueusement d’ailleurs : "ite, monsieur le procureur, pas iste" »

Émile Le Brun, « Verlaine intime », Les Idées Françaises littéraires, économiques, et sociales, 1924.

Ce point de vue auquel André Gide donna un écho ne semble pas justifié étant donné la fréquence de l’usage de de sodomiste ; plus spécifiquement homosexuel que sodomite, il a donné par ailleurs naissance à sodomisme.

" La crainte de passer pour un sodomiste est, en général, l'une des plus poignantes appréhensions du persécuté."
Reignier, F. Lagardelle et Legrand du Saulle, " Sodomie et assassinat ", Annales Médico-Psychologiques, mars 1877.

Émile Zola : « Hyacinthe, qui entrait, serra la main de Gérard, d’un air de lassitude. Il avait vingt ans, il tenait de sa mère ses pâles cheveux blonds, sa face allongée d’orientale langueur, et de son père, ses yeux gris, sa bouche épaisse d’appétits sans scrupules. Écolier exécrable, il avait décidé de ne rien faire, dans un mépris égal de toutes les professions ; et, gâté par son père, il s’intéressait à la poésie et à la musique, il vivait au milieu d’un monde extraordinaire d’artistes, de filles, de fous et de bandits, fanfaron lui-même de vices et de crimes, affectant l’horreur de la femme, professant les pires idées philosophiques et sociales, allant toujours aux plus extrêmes, tour à tour collectiviste, individualiste, anarchiste, pessimiste, symboliste, même sodomiste, sans cesser d’être catholique, par suprême bon ton. Au fond, il était simplement vide et un peu sot. En quatre générations, le sang vigoureux et affamé des Duvillard, après les trois belles bêtes de proie qu’il avait produites, tombait tout d’un coup, comme épuisé par l’assouvissement, à cet androgyne avorté, incapable même des grands attentats et des grandes débauches. »
Paris, livre I chapitre 2, 1898.

Comme le marquis de Sade, André Gide donnait au mot le sens de celui qui pratique la sodomie :

« Le plus grand nombre des uranistes que j'ai connus n'étaient point, à parler précisément, des sodomistes, mais des superficiels ; veuillez m'entendre à demi-mot. L'intransigeance de l'opinion vient de ce que une confusion s'établit, des plus injustes, entre sodomistes, pédérastes, invertis, et que … »
Note manuscrite, barrée, sur l'exemplaire annoté des épreuves de C. R. D. N. [Corydon], vers 1918 ; exemplaire conservé à la réserve de la BnF.

« Les deux anges qui avaient été placés aux portes de Sodome pour savoir si ses habitants, dit la Genèse, avaient entièrement fait toutes ces choses dont le cri était monté jusqu'à l'Éternel, avaient été, on ne peut que s'en réjouir, très mal choisis par le Seigneur, lequel n'eût dû confier la tâche qu'à un Sodomiste. [...] On laissa s'enfuir tous les Sodomistes honteux [...] Ces descendants des Sodomistes [...] se sont fixés sur toute la terre, ils ont eu accès à toutes les professions et entrent si bien dans les clubs les plus fermés que, quand un sodomiste n'y est pas admis, les boules noires y sont en majorité celles des sodomistes, mais qui ont soin d'incriminer la sodomie, ayant hérité le mensonge qui permit à leurs ancêtres de quitter la ville maudite. [...] On a voulu provisoirement prévenir l'erreur funeste qui consisterait, de même qu'on a encouragé un mouvement sioniste, à créer un mouvement sodomiste et à rebâtir Sodome. Or, à peine arrivés, les sodomistes quitteraient la ville pour ne pas avoir l’air d’en être, [...] Ils n'iraient à Sodome que les jours de suprême nécessité, quand leur ville serait vide, par ces temps où la faim fait sortir le loup du bois, c'est-à-dire que tout se passerait en somme comme à Londres, à Berlin, à Rome, à Pétrograd ou à Paris. »
Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, I.

Les noms en –iste désignant souvent les partisans d’une doctrine ou d’une pratique (tel naturiste), sodomiste comporte une connotation d’identité homosexuelle choisie, soit le sentiment d’appartenir, par cet élément de personnalité, à une catégorie sociologique et à un type humain.

SODOMITE

Le sens premier de sodomite est celui d’habitant de Sodome ; s’y sont ajoutés, à la fin du Moyen-Âge, ceux d’hérétique, d’adepte de la bestialité et d’auteur de divers écarts sexuels, essentiellement les relations entre hommes. Les termes latins sodomita, sodomitice, sodomiticus étaient relatifs à la "s exualité entre hommes " dans les Pénitentielsdes VIe/VIIe/VIIIe siècles, dans les Capitulaires du IXe siècle,, chez Hincmar de Reims, dans un canon du Concile de Reims (1049) et dans la plupart des conciles ultérieurs, chez Hildebert de Lavardin, Gratien, Pierre le Chantre, Albert le Grand, etc.

Le recueil de droit coutumier Jostice et Plet, vers 1260, prévoyait la mort pour bougrerie (ici l’hérésie religieuse) et ce qui suit pour l’homosexualité masculine :

« Celui qui est sodomite prouvé doit perdre les couilles, et s’il le fait une seconde fois, il doit perdre le membre ; et s’il le fait une troisième fois, il doit être brûlé.
Femme qui le fait doit à chaque fois perdre un membre, et la troisième fois doit être brûlée. »
XVIII, chap. 24, § 22 [Rapetti, éd., Li livres de jostice et de plet, Firmin-Didot, 1850, pp. 279-280].

« Quand il [Hugh spencer le jeune] fut ainsi lié, on lui coupa tout premièrement le vit et les couilles, pour tant qu’il était hérétique et sodomite, ainsi comme on disait et mêmement du roi [Édouard II d’Angleterre]. »
Jehan Le Bel, Chronique, 1326.

"De ce temps-là [au début du Moyen-Âge] régnaient en la Gaule péchés énormes et abominables, et était notre seigneur grandement irrité contre cette malheureuse et damnable volupté de paillardise bestiale des sodomites, qui avaient provoqué l'ire de Dieu, et tant de punitions qui leur advenaient par l'exigence de leur maudite vie."
Paradin de Cuyseaux, Annales de Bourgogne, Lyon, 1566, p. 28.

« Et de fait, quant à la sodomie, je croirais aisément que ces prêcheurs se gardaient d'en parler pour ne faire ouverture à la curiosité des hommes, laquelle est naturellement grande en telles choses. [...] J’ai eu autrefois grand-peine à me persuader que les sodomites, et ceux qui se sont pollués avec les bêtes, dussent être exécutés publiquement et devant tout le peuple ; et il n’y a point de doute qu’on ne puisse amener plusieurs grandes considérations aussi bien d’une part que d’autre ; mais cependant je m’arrête à ce que je vois faire dans les villes bien policées. Au demeurant la raison pour laquelle il est vraisemblable que la sodomie n’était si commune alors que maintenant, c’est qu’on ne fréquentait pas tant les pays qui en font métier et marchandise qu’aujourd’hui […] Bien que nous lisions au treizième livre d’Athénée [Les Sages attablés, XIII, 603a] que de son temps les Celtes, nonobstant qu’ils eussent de plus belles femmes que les autres barbares, étaient adonnés à la sodomie, avant qu’on sut si bien parler italien en France on n’entendait presque pas parler de cette vilénie. »
Henri Estienne, Traité préparatif à l'Apologie pour Hérodote [Genève, 1566], livre I, 


Henri Estienne, Traité préparatif à l'Apologie …, livre I, chapitre 39 : " Comment nos prédécesseurs étaient entretenus en ignorance quant au fait de la religion Chrétienne : et comment les gens d'église se maintenaient toujours, encore que leur méchante vie fût toute notoire, et que plusieurs abus et même des faux miracles eussent été découverts ". Pour " citoyens de Sodome "

« Le saint champ du seigneur est plein de parasites,
Et l’autel précieux ne sert qu’aux sodomites ;
Bref, les temples à saints usages ordonnés
Par ces ganymèdes bougrins sont profanés. »
Henri Estienne, Apologie pour Hérodote, 1566-1592, chapitre 39, citant Baptiste Mantuan évoquant les vices des papes.

" De ce temps-là régnaient en la Gaule péchés énormes et abominables, et était notre seigneur grandement irrité contre cette malheureuse et damnable volupté de paillardise bestiale des sodomites, qui avaient provoqué l'ire de Dieu, et tant de punitions qui leur advenaient par l'exigence de leur maudite vie. "
Paradin du Cuyseaux, Annales de Bourgogne, Lyon, 1566, page 28.

Anonyme, attribué à Nicolas Froumenteau :
« La liste représente cinquante trois Sodomites, sans y comprendre les pages et laquais, qui sont comme contraints d'aquiescer à ces monstres. » Le Cabinet du Roi de France, livre premier, La Rochelle 1581-1582.

« Dix-neuf sodomites sont remarqués de ce nombre, et quatorze bardaches, tous dénommés en la liste. » Le Cabinet du Roi de France, livre premier, " Vicaires officiaux et autres ", 1581-1582.

Le Cabinet du Roi de France, page 44.


« M. [Anthony] Bacon gentilhomme anglais caressait Isaac Burgades son page et demeurait enfermé souvent dans une salle de son logis […] la sodomie n’était point trouvée mauvaise car M. de Bèze ministre de Genève et M. Constant ministre de Montauban en avaient usé et la trouvaient bonne […] Bacon lui avait assuré que ce n’était point mal fait d’être bougre et sodomite. »
Archives départementales du Tarn et Garonne, E. 1537, f° 177, novembre 1587.

« Le jeudi 27 [juillet 1589], un gentilhomme envoyé de la part du Roi {Henri III], dit à Madame de Montpensier, qu'il avait charge de Sa Majesté de lui dire, qu'il était bien averti que c'était elle, qui entretenait le peuple dans sa rebellion ; mais que s'il y pouvait jamais entrer, il la ferait brûler toute vive ; à quoi elle répondit, sans autrement s'étonner ; le feu est pour les Sodomites comme lui, et non pas pour moi, et au surplus, qu'elle ferait tout ce qu'elle pourrait pour le garder d'entrer dans Paris. »
Pierre de L'Estoile, Journal du règne de Henri III, 1589. Édition Pierre Gosse, La Haye, 1744 (tome 2).

Voltaire : « C'est bien dommage que de si beaux recueils soient anéantis dans l'oubli : autrefois, quand il y avait huit ou neuf cent mille volumes de moins dans l'Europe, des injures portaient coup. On lisait avidement dans [Joseph] Scaliger [1540-1609] : " le cardinal [Robert] Bellarmin [1543-1621] est athée ; le R. P. Christophorus Clavius [1538-1612] est un ivrogne ; le R. P. [Pierre] Coton [1564-1626] s'est donné au diable ". Les savants illustres se traitaient réciproquement de chien, de veau, de menteur, et de sodomite. Tout cela s'imprimait avec la permission des supérieurs. C'était le bon temps. Mais tout dégénère. »
Des mensonges imprimés, XXI, 1749-1750.

" Qui n' aime point l'animal de société, qui ne fait point cas des femmes est sot et méchant, ou sodomite. Si, laissons ces loups-garous, instruments de toute souillure ; un homme qui honnêtement aime une douce femme est humble et gracieux. "
Béroalde de Verville, François, [Le] Moyen de parvenir, 1879 [1610].

" ... des règles de vilénie, lesquelles elles étaient obligées de garder par même v
œu que celui-là du Sieur Théophile, qui fait vœu d' être sodomite tout le reste de ses jours, ainsi que nous verrons ici bas ; car ces vilaines devaient faire un vœu abominable de ne se corriger [...] je ferais représenter l'un d'entr'eux avec la bouteille d' un côté, et l'écritoire de l' autre, composant un sonnet sodomite, tel qu' il est au commencement du Parnasse satyrique, avec ce mot au dessus, par le Sieur Théophile, l' autre je le ferais peindre tout [...] le Sieur Théophile se repentant, à ce qu' il dit, d' avoir eu et contracté une maladie infâme avec une prostituée, fait vœu à Dieu d'être sodomite tout le reste de ces jours, et ce par des paroles les plus exécrables qui soient jamais sorties de la bouche du plus abominable sodomite qui ait été enveloppé dans les cendres de Gomorrhe. Hélas ! Flammes de Sodome, où êtes vous ! Puisque les hommes ferment les yeux ! [...] le principal auteur du Parnasse satyrique, qui s'en prend aux destins et à la nature avec des paroles infâmes et avec des imprécations de sodomite, comme si Dieu était jaloux et envieux de ses impudicités."
Garassus, La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tels : contenant plusieurs maximes pernicieuses à la religion, à l'Estat et aux bonnes mœurs, combattue et renversée, 1623.

" Il serait aussi à propos de croire pareillement que tous les sodomites qui étaient au monde moururent la nuit de la nativité de Jesus-Christ, et que comme l'assure le fameux jurisconsulte  Salicet, Virgile en fut du nombre. "
Gabriel Naudé, Apologie pour tous les grands hommes qui ont été accusés de magie, 1669, page 417.

« Il [Louis-Joseph de Vendôme] était sodomite. Mais il eût été à souhaiter qu’au lieu de bougre, l’auteur eût pu mettre bardache, car le grand plaisir de ce duc était de se faire enculer, et il se servait pour cela de valets et de paysans, faute de plus gentils ouvriers. On dit même que les paysans des environs de sa belle maison d’Anet [Eure et Loir] se tenaient avec soin sur son chemin lorsqu’il allait à la chasse, parce qu’il les écartait souvent dans les bois pour se faire foutre et leur donnait à chacun une pistole pour le prix de leur travail. Cela les aidait à payer la taille. »
Recueil Maurepas, année 1695, BnF, mss fr 12623, tome 8, p. 229. Commentaire du dernier vers d’une épigramme, « C’est le meilleur bougre du monde. »

« Jadis curé, jadis jésuite,
Partout connu, partout chassé,
Il devint auteur parasite
Et le public en fut lassé.
Pour réparer le temps passé
Il se déclara sodomite
À Bicêtre il fut bien fessé
Dieu récompense le mérite. »
Voltaire, Le Préservatif [contre Desfontaines], 1738.

Voltaire, Remarques sur le Discours sur l'origine de l'inégalité... de Rousseau :


Il existe un étude sémantique plutôt gauloise dans le pamphlet Dom Bougre aux États Généraux (1789, parfois attribué à Restif de La Bretonne) :

« Des sodomites :
Il y a trois espèces de gens qui foutent en cul. Il y a bien peu d’hommes à qui cela ne soit arrivé une fois dans sa vie, par curiosité, par ivresse, par ennui ou autrement, nous ne parlons que de ceux à qui cela arrive habituellement.
1) Ceux qui enculent des putains […]
2) Ceux qui enculent leur propre femme […]
3) La troisième espèce est de ceux qui enculent des mâles. La raison de la préférence qu’ils leur donnent sur les femmes est qu’on ne sert point un gigot sans manche. Dans cette classe, il faut comprendre les écoliers, qui le font par polissonnerie, les soldats par défaut d’argent, les moines par nécessité. »

« Ce singulier Dolmancé […] sodomite par principe, […] les délices de Sodome lui sont aussi chers comme agent que comme patient. »
Sade, La Philosophie dans le boudoir (1795), I, Paris, Gallimard, 1998, édition Michel Delon.

SODOMITE. s. m. Celui qui est coupable de sodomie. "
Dictionnaire de l'Académie française, 5e et 6e éditions, 1798, 1835.

François Vidocq, Les Voleurs, 1837,
" Dictionnaire français-argot, pour servir à l'intelligence du texte. "

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

Gustave Macé, Mes lundis en prison, 1889.


« Rien ne semblait devoir faire obstacle à la tardive mais brillante carrière de l'abbé [Desfontaines] lorsque, le 18 décembre 1724, celui-ci fut arrêté et emprisonné au Châtelet. L'instruction fut rondement menée et le prévenu transféré en avril à Bicêtre, la prison des sodomites, avec une inculpation de relations homosexuelles et d'encouragement à la débauche d'un mineur de seize ans. » (Pierre Milza, Voltaire, 4 La gloire et l'infortune, Paris : Perrin, 2007).

« À l'époque, c'était des sodomites »
Patrick Cardon parlant de sa réédition du pamphet de 1790 " Les Enfants de Sodome à l'Assemblée nationale ", GayKitschCamp : rencontre avec Patrick Cardon, France Culture, 30 juin 2018.

SODOMITERIE

Vers 1285, Philippe de Beaumanoir rapprochait les crimes d’hérésie et de sodomie dans son recueil « Les coutumes de Beauvaisis »

« Qui erre contre la foi, comme en mécréance, de laquelle il ne veut venir à voie de vérité, ou qui fait sodomiterie, il doit être brûlé. »
G. Thaumas de la Thaumassière, éd., Les Coutumes de Beauvaisis, Bourges : Morel, 1690, page 149 .

SODOMITIQUE

« Le vice contre nature peut se produire […] d’une troisième manière, lorsqu’on a des rapports sexuels avec une personne du sexe indu, par exemple mâle avec mâle ou femme avec femme : ce qui se nomme " vice sodomitique ".
Édition de 1463

[…] Dans les péchés contre nature, dans lesquels l’ordre même de la nature est violé, il est fait injure à Dieu lui-même, Ordinateur de la nature. […] Après ce crime [la bestialité] il y a le vice sodomitique, où l'on ne tient pas compte du sexe dû. - Après c'est le péché de celui qui n'observe pas la manière requise pour l'union charnelle. »
Thomas d'Aquin (1227-1274), Somme théologique, IIa-IIae, question 154, article 11 et 12, traducteur NN.

Henri Estienne : " bougre sodomitique " (Apologie pour Hérodote, 1566-1592, livre I, chapitre 13).

Jean Bénédicti : « Cette sodomie s'entend quand elle est exercée par copulation sodomitique, et non pas seulement par acte sodomitique » Somme des péchés..., 1587.

Somme..., édition 1596 : " Il y a Sodomie et acte Sodomitique
qui sont deux, voyez la marge en latin. "


« En réfutant la faute de Mr. Saldenus j'aurais pu censurer encore avec plus de fondement l'Auteur du Turco-Papismus ; car il cite Agrippa comme ayant narré que ce Pape établit des lieux de prostitution tant pour l'impudicité sodomitique que pour l'impudicité ordinaire, et accorda la permission du péché contre nature à un Cardinal. »
Pierre Bayle, " Sixte IV ", Dictionnaire historique et critique, Basle : Jean Louis Brandmuller, 1738, page 226.

SŒUR

À côté du sens de « coureuses, filles débauchées » (Ph. J. Le Roux, Dictionnaire comique, 1752), c’est un terme utilisé par le milieu homosexuel parisien aux XVIIIe et XIXe  siècles :

« " D’où venez-vous donc de courir, Madame la B[ougresse] tandis que je vous attends ? " La Londe lui a dit qu’il venait d’avec ce jeune homme, de chez le marchand de vin en question. L’autre lui a dit : " C’est donc une de nos sœurs ". La Londe lui a répondu que oui. »
Archives de la Bastille, 10258, mai 1736. (Rapports de police).

« Passant sur le quai de Conti sur les minuit j'ai vu Veglay, qui était lui quatrième, qui faisait les figures et gestes des infâmes ; je me suis promené un tour et je suis passé à quatre pas d'eux. Veglay a dit : " En voilà un qui a bien l'air d'en être. Séparons-nous par deux, voyons ce que c'est que cette sœur-là. " C'est un terme d'infâme. »
Archives de la Bastille, 10259, juin 1748.

« Les copailles […] On les appelle aussi des lobes, des coquines, et quand elles parlent de l’une d’elles, elles disent entre elles : " c’est une sœur ". Mais ce qu'il faut entendre, ce sont les titres et les surnoms sous lesquels elles se distinguent. »


Maurice Talmeyr [Marie-Justin-Maurice Coste], « Les antiphysiques — L’artiste », Gil Blas, mardi 26 novembre 1889.

Marcel Proust : « On est indulgent pour une sœur, on ne lui refuse rien. Je trouve que ce serait très joli comme explication de l'alliance de la Bulgarie avec l'Allemagne. » À la Recherche du temps perdu, " Le temps retrouvé ", 1921-1922.

Comme coquine, cousine et tante, sœur fait de l’homme homosexuel, qu'il soit efféminé ou non, une femme, conformément à une image populaire ancienne ; dans le milieu homosexuel, on parle aussi de copine.

SONNER LES CLOCHES, SONNETTE

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

Eugène-François Vidocq (1837), Francisque Michel, Lucien Rigaud et Aristide Bruant donnèrent au terme argotique sonnette le sens de « jeune sodomite » ou « jeune pédéraste ». L’explication en est sans doute l’expression imagée sonner les cloches appliquée à la masturbation d’un individu par un autre (argot des prostitués du début du XXe siècle).

« Quand l’aîné [14 ans à peine] me dit qu’il est " mécanicien ", le second [13 ans] pouffe …
— Il y a longtemps qu’il ne l’est plus, mécanicien.
— Alors, qu’est-ce qu’il fait à présent ?
— Il a ben un autre métier. Mais il ne veut pas le dire.
L’aîné rigole aussi sournoisement ; il ne proteste pas quand l’autre continue :
— Il travaille avec le bonhomme.
— Quel bonhomme ?
— Parbleu ! celui qui veut bien.
— Et qu’est-ce qu’il fait ? (tous les deux se tordent)
— Des cochonneries.
Alors le petit, tapant du poing le second :
— C’est pas vrai ! c’est pas vrai.
Par malheur l’aîné ne proteste pas. Et le second, rigolant de plus belle : " Il sonne les cloches ! " »
André Gide, Journal, 3 novembre 1908.

Notons aussi « tinteur », pour lequel Vidocq mettait : « jeune sodomite » et Michel : « jeune homme qui a des goûts dépravés ».

SOTADIQUE, adj.

Le mot viendrait du nom d’un poète grec du -IIIe siècle, Sotadès de Maronée ; en lisant ses vers à rebours, on obtenait un sens obscène. La raison pour laquelle il en est venu à signifier l’idée d’amour masculin, amour à rebours.

L’érudit Paul Lacroix, écrivant sous le pseudonyme de P. L. Jacob, décrivant la « Bibliothèque dramatique de Monsieur [Alexandre Martineau] de Soleinne [1784-1842] » (Paris : Alliance des arts, 1843-44), mentionnait « certains livres infâmes, érotiques et sotadiques » ; selon lui, la pièce de théâtre de 1739 L’Ombre de Deschauffours « est sotadique et met en scène de grands personnages qu’on soupçonnait de partager les goûts de l’infâme Deschauffours. »

D’une autre pièce, Julia, ou le Mariage sans femme, " folie-vaud. en un acte, ms in-4, écriture de la fin du XVIIIe siècle ; pièce sotadique " selon Jules Gay (*), Paul Lacroix écrivait : « Cette pièce est sotadique, comme son titre l’annonce. »
* Bibliographie des ouvrages relatifs à l'amour, aux femmes, au mariage, 1861.

Le terme fut transposé en anglais par Richard Francis Burton dans The Book of the Thousand Nights and a Night (volume 10, 1885) avec l'expression Sotadic Zone.

SPÉCIAL, adj. et subs.

En philosophie l'espèce est une subdivision du genre, et le dérivé spécial est opposé à général.

Dans la connotation qui nous intéresse, spécial est l'équivalent de l’anglais queer.

« Nous, les difficiles,
les spéciaux, les servants de la bonne Église
Dont le pape serait Platon
Et Socrate un protonotaire. » Paul Verlaine, Hombres, XIV, 1904 [1891], « Ô mes amants ».

« Je demande à Henri Jeoffrai, qui vient de faire au Tonkin un petit séjour, quel est dans ce pays l’état des mœurs spéciales.
Georges Hérelle, note manuscrite, novembre 1902.


« Comme dans la vie, où les réputations sont souvent fausses et où on met longtemps à connaître les gens, on verra dans le deuxième volume [de À la recherche du temps perdu] seulement que le vieux Monsieur n'est pas du tout l'amant de Mme Swann, mais un pédéraste. C'est un caractère que je crois assez neuf, le pédéraste viril, épris de virilité, détestant les jeunes gens efféminés, détestant à vrai dire tous les jeunes gens comme sont misogynes les hommes qui ont souffert par les femmes. Ce personnage est assez épars au milieu de parties absolument différentes pour que ce volume n'ait nullement un air de monographie spéciale comme le Lucien de Binet-Valmer [1910] par exemple (rien n'est du reste plus opposé à tous points de vue). De plus il n'y a pas une exposition crue. Et enfin vous pouvez penser que le point de vue métaphysique et moral prédomine dans l'œuvre. Mais enfin on voit ce vieux monsieur lever un concierge et entretenir un pianiste. J'aime mieux vous prévenir d'avance de tout ce qui pourrait vous décourager. »
Marcel Proust, Lettre à Gaston Gallimard, novembre 1912, Lettres à la NRF, Gallimard, 1932 (Cahiers Marcel Proust, n° 6).
« André Gide […] cite, à titre de précédents, Goethe, Aristote, Léonard de Vinci, Homère, Shakespeare, Whitman, etc. Cette liste pourrait être facilement allongée. On la trouve, très complète, et sans doute très fausse, dans certains journaux spéciaux qui paraissent publiquement en Allemagne. »Léon Pierre-Quint (1895-1958), « Sur Corydon par André Gide », Le Journal Littéraire, 12 juillet 1924.
La Lanterne, 15 août 1924.

" Mais en Chine, où, à ce qu'on assure, les pratiques spéciales seraient en vogue, ne pourrait-on discerner dans cette tolérance un corollaire de l'effroyable excès de population qui y sévit ? "
Raphaël Cor, Mercure de France, 1930.


STRAIGHT

Contraire de gay, parfois traduit par droit.

« La Pensée straight. » Titre d’un ouvrage de Monique Wittig, Paris : Balland, 2001. Recueil d'articles parus d'abord en anglais : The Straight Mind and Other Essays, Boston (USA) : Beacon Press, 1992.

« Selon une étude britannique, une nouvelle race d’hommes vient de faire son apparition : le "stray", intermédiaire entre l’homme gay traditionnel et le "straight", terme réservé à l’hétéro de base. Le stray serait ainsi un straight déguisé en gay et cela en vue de séduire le plus grand nombre de femmes possible. »
Têtu quotidien, 2 avril 2003.

STRAY

« Royaume-Uni Le "stray" nouveau est arrivé (Société) par Béatrice Colbrant :
Selon une étude britannique, une nouvelle race d’hommes vient de faire son apparition : le "stray", intermédiaire entre l’homme gay traditionnel et le "straight", terme réservé à l’hétéro de base. Le stray serait ainsi un straight déguisé en gay et cela en vue de séduire le plus grand nombre de femmes possible. Des femmes, dit-on, de plus en plus attirées par le look délicat, voire inoffensif, du copain gay toujours prêt à écouter et à rendre service. Référence oblige : on se souvient de Warren Beatty dans "Shampoo", prototype du stray s’attirant les succès féminins sous les dehors les plus détachés. Tout homme outre-Manche est désormais qualifié de "GUPO": "Gay until proven otherwise" (Gay jusqu’à preuve du contraire). »
Têtu quotidien, 2 avril 2003.

SUCCUBE

« Ho, bougre, bredache de tous les diables incubes, succubes et tout quand il y a. »
Rabelais, Quart Livre, 1e édition, 1548.

Selon Moreau-Christophe, les chanteurs se servaient de « l’appeau trompeur d’un succube, ou jeune rivette, rendu à leurs intérêts – un Jésus, comme ils l’appellent blasphématoirement. » (Variétés de coquins, 1865). Cet auteur opposait rivette à riveur ou incube.

Selon Alfred Delvau,
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.
« SUCCUBE. Homme qui consent à servir de femme à un autre homme, et qui fait le dessous pendant qu’il fait le dessus. » (Dictionnaire érotique..., 2e édition).

SUPERFICIEL

" Le plus grand nombre des uranistes que j'ai connus n'étaient point, à parler précisément, des sodomistes, mais des superficiels. "
André Gide, note restée manuscrite, vers 1918.

SUPRA-VIRIL

« Il reste en effet à étudier, et ce sera l’objet d’un autre essai, les types infiniment variés de l’homosexuel, depuis l’ordinaire à caractères féminins prédominants, jusqu’ay type supra-viril en qui s’essaie une formule supérieure du sexe. »
Guy Debrouze, " Le préjugé contre les mœurs ", Akadémos, n° 7, 15 juillet 1909.

SYSTÈME CORDIER

Le mystère de ce que cela peut signifier n’est pas encore éclairci.

« Je me livre à bord [de l’Hermus] à des conversations passablement philosophiques et très indécentes. J’initie un jeune seigneur russe aux arcanes de la pédérastie (système Cordier [ou système Tardieu ?]), bien que je le soupçonne d’être plus fort que moi, en sa qualité de Scythe. »
Gustave Flaubert, lettre à Louis Bouilhet, 23-24 avril 1858.
RÉPONSE à la question de Claude Courouve, auteur du Dictionnaire français de l'homosexualité masculine, concernant le « système Cordier ».
Antonio Álvarez de la Rosa, professeur à l'Université de La Laguna, pense qu’il s’agit d’Alphonse Cordier (1820-1897), conseiller municipal de Rouen, conseiller général et sénateur, mentionné à plusieurs reprises dans la Correspondance (voir surtout la lettre à Louise Colet du 21 août 1853, Bibl. de la Pléiade, t. II, pp.405-406). Il est cité dans un scénario de Sous Napoléon III : « Cordier : le malin qui s’enfonce » (Carnet 17, f° 2). Dans son édition des Carnets de travail, Pierre-Marc de Biasi fait également l’hypothèse que ce Cordier pourrait renvoyer au vaudevilliste Éléonore de Vaulabelle, dit Jules Cordier (Balland, 1988, p.716), mais nous n’avons aucune preuve que Flaubert l’ait connu.
(flaubert-v1.univ-rouen.fr/questions_reponses)