jeudi 21 juillet 2022

PAS DE LAÏCITÉ AU MAGHREB


Dans ces cinq pays (Algérie, Égypte, Maroc, Mauritanie, Tunisie), l'islam est la religion de l'État.

Les mots ou expressions mis en gras le sont par moi.

CONSTITUTION DE L'ALGÉRIE de 1996

CONSTITUTION DE L'ÉGYPTE de 2014

CONSTITUTION DU MAROC, 1er juillet 2011

CONSTITUTION DE LA MAURITANIE, 30 juillet 1991

CONSTITUTION DE LA TUNISIE de 2014





Préambule
:
[alinéa 3] Placée au cœur des grands moments qu’a connus la Méditerranée au cours de son histoire, l’Algérie a su trouver dans ses fils, depuis le royaume numide et l’épopée de l’Islam jusqu’aux guerres coloniales, les hérauts de la liberté, de l’unité et du progrès en même temps que les bâtisseurs d’Etats démocratiques et prospères dans les périodes de grandeur et de paix.
[4] Le 1er Novembre 1954 aura été un des sommets de son destin. Aboutissement d’une longue résistance aux agressions menées contre sa culture, ses valeurs et les composantes fondamentales de son identité que sont l’Islam, l’Arabité et l’Amazighité, le 1er Novembre aura solidement ancré les luttes présentes dans le passé glorieux de la Nation.
[12] " L’Algérie, terre d’Islam, partie intégrante du Grand Magreb, pays arabe, méditerranéen et africain, "

" Art. 2 - L’Islam est la religion de l’État. "
" Art. 9 - Les institutions s’interdisent :
[...]
- les pratiques contraires à la morale islamique [...] "
" Art. 171 - Il est institué auprès du Président de la République, un Haut Conseil Islamique chargé notamment :
- d’encourager et de promouvoir l’ijtihad [réflexion par laquelle les oulémas ou muftis et les savants musulmans interprètent les textes fondateurs de l'islam et en déduisent le droit musulman]
- d’émettre son avis au regard des prescriptions religieuses sur ce qui lui est soumis;
- de présenter un rapport périodique d’activité au Président de la République.
Art. 172 - Le Haut Conseil Islamique est composé de quinze (15) membres, dont un Président, désignés par le Président de la République, parmi les hautes compétences nationales dans les différentes sciences. "
" Art. 178 - Toute révision constitutionnelle ne peut porter atteinte :
[...]
3- à l’Islam, en tant que religion de l’État; [...] "

Dans une étude sur le cléricalisme, Paul Lallot écrit :
- le 20 mars 2006, le parlement d’Algérie a adopté une loi prévoyant des peines de prison pour toute tentative de « convertir un musulman à une autre religion ».
      - le 5 mai 2021, le président du Haut Conseil Islamique (1) déclare qu’un Algérien ne peut être que musulman, qualifiant les non-musulmans de « résidus » qu’il convient d’ « éradiquer ».
      - en Kakylie, les personnes qui s’affranchissent de la pratique religieuse pendant le ramadan peuvent être condamnées à des amendes ou à de la prison ferme.
      - le ministre des cultes [Mohammed Aïssa] a récemment demandé aux imams de lutter contre l’athéisme et l’homosexualité, tous deux considérés comme des « fléaux sociaux ».
      Ces faits, parmi beaucoup d’autres, dans un pays où 98 à 99% des habitants se déclarent musulmans, traduisent une emprise très forte de la religion sur l’État et en retour une promotion de la religion par l’État. L’interpénétration est si forte qu’on ne peut distinguer une zone « laïque » d’une zone « cléricale ». Ces deux mots n’ont pas de sens en islam.
    (1) Le Haut Conseil Islamique [...] donne des avis à la lumière des prescriptions religieuses.

Article recommandé : « Liberté de conscience, athéisme et laïcité en Algérie », de Nedjib Sidi MoussaScience Po - Centre de recherches internationales, février 2018. 



ÉGYPTE : voir en bas de page



CONSTITUTION DU MAROC, 1er juillet 2011

Préambule
[alinéa 2] État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.
[3] La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l'attachement du peuple marocain aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde.
[5]
[...] - Approfondir le sens d'appartenance à la Oumma arabo-islamique, [...]

Article 1er
[3] La nation s'appuie dans sa vie collective sur des constantes fédératrices, en l'occurrence la religion musulmane modérée, l'unité nationale aux affluents multiples, la monarchie constitutionnelle et le choix démocratique.

Article 3.
L'Islam est la religion de l'État, qui garantit à tous le libre exercice des cultes.

Article 7
[4] Ils [les partis politiques] ne peuvent avoir pour but de porter atteinte à la religion musulmane, au régime monarchique, aux principes constitutionnels, aux fondements démocratiques ou à l'unité nationale et l'intégrité territoriale du Royaume.

Article 41
[1] Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l'Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes.
[2] Il préside le Conseil supérieur des Oulémas, chargé de l'étude des questions qu'il lui soumet.
[3] Le Conseil est la seule instance habilitée à prononcer les consultations religieuses (Fatwas) officiellement agréées, sur les questions dont il est saisi et ce, sur la base des principes, préceptes et desseins tolérants de l'Islam.
[5] Le Roi exerce par dahirs les prérogatives religieuses inhérentes à l'institution d'Imarat Al Mouminine qui Lui sont conférées de manière exclusive par le présent article.

Article 64
Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi ou recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion d'une opinion ou d'un vote émis par lui dans l'exercice de ses fonctions, hormis le cas où l'opinion exprimée met en cause la forme monarchique de l'État, la religion musulmane ou constitue une atteinte au respect dû au Roi.

Article 175.

Aucune révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion musulmane, sur la forme monarchique de l'État, sur le choix démocratique de la nation ou sur les acquis en matière de libertés et de droits fondamentaux inscrits dans la présente Constitution.




PRÉAMBULE

Confiant dans la toute puissance d'ALLAH, le peuple mauritanien proclame sa volonté de garantir l'intégrité de son Territoire, son indépendance et son unité nationale et d'assumer sa libre évolution politique, économique et sociale. 
Fort de ses valeurs spirituelles et du rayonnement de sa civilisation, il proclame en outre, solennellement, son attachement à l'Islam et aux principes de la démocratie tels qu'ils ont été définis par la déclaration Universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et par la charte Africaine des droits de l'homme et des peuples du 28 Juin 1981 ainsi que dans les autres conventions internationales aux quelles la Mauritanie a souscrit.

Considérant que la liberté, l'égalité et la dignité de l'homme ne peuvent être assurées que dans une société qui consacre la primauté du droit, soucieux de créer les conditions durables d'une évolution sociale harmonieuse, respectueuse des préceptes de l'islam, seule source de droit et ouverte aux exigences du monde moderne, le peuple mauritanien proclame, en particulier, la garantie intangible des droits et principes suivants :

le droit à l'égalité
les libertés et droits fondamentaux de la personne humaine ;
le droit de propriété ;
les libertés politiques et les libertés syndicales ;
les droits économiques et sociaux ;
les droits attachés à la famille, cellule de base de la société islamique.
Conscient de la nécessité de resserrer les liens avec les peuples frères, le peuple mauritanien, peuple musulman, arabe et africain, proclame qu'il œuvrera à la réalisation de l'unité du Grand Maghreb, de la nation arabe et de l'Afrique et la consolidation de la paix dans le monde.

Article Premier : La Mauritanie est une république Islamique, indivisible, démocratique et sociale. [...]

ART. 5 : l'Islam est la religion du peuple et de l'État.

ART. 23: Le Président de la République est le chef de l'État . Il est de religion musulmane.

ART 29 : Le président de la République nouvellement élu entre en fonction à l'expiration du mandat de son prédécesseur.

« avant d'entrer en fonction le Président de la République prête serment en ces termes:

« " je jure par Allah l'Unique de bien et fidèlement remplir mes fonctions dans le respect de la constitution et des lois, de veiller à l'intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l'indépendance et la souveraineté du pays, l'unité de la patrie et l'intégrité du territoire national.

je jure par Allah l'Unique de ne point prendre ni soutenir , directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relative à la durée du mandat présidentiel et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente constitution".»

Le serment est prêté devant le conseil constitutionnel, en présence du bureau du Sénat, du Président de la Cour Suprême et du président du Haut Conseil islamique.»

ART. 94 : Il est institué auprès du Président de la République un Haut Conseil Islamique composée de cinq (5) membres.

Le Président et les autres membres du Haut Conseil Islamique sont désignés par le Président de la République.

Le Haut Conseil Islamique se réunit à la demande du Président de la République. [...]



CONSTITUTION DE LA TUNISIE de 2014

Au chapitre 5 du projet de nouvelle Constitution, le président tunisien Kaïs Saïed a introduit la mention « au sein d'un système démocratique » dans la phrase affirmant que la Tunisie « fait partie de la communauté islamique » et que « l'État doit travailler pour atteindre les objectifs de l'islam ».
(AFP/Figaro, 9 juillet 2022)

Dans l'attente de la traduction officielle de la Constitution de Tunisie de 2014, traduction annoncée sur le site du Conseil constitutionnel, voici des extraits d'une traduction non officielle trouvée sur le www. Mettre l'islam dans sa Constitution, ce n'est pas le fait d'une démocratie.

Les mots ou expressions mis en gras le sont par moi.


" Au Nom de Dieu Clément et Miséricordieux

PRÉAMBULE

Nous, représentants du peuple tunisien, membres de l’Assemblée nationale constituante ;
[...]
Exprimant l'attachement de notre peuple aux enseignements de l’Islam et à ses finalités caractérisées par l’ouverture et la modération, des nobles valeurs humaines et des hauts principes des droits de l’Homme universels, Inspirés par notre héritage culturel accumulé tout le long de notre histoire, par notre mouvement réformiste éclairé fondé sur les éléments de notre identité arabo-musulmane et sur les acquis universels de la civilisation humaine, et par attachement aux acquis nationaux que notre peuple a pu réaliser ;
[...]
Sur la base de la place qu'occupe l’être humain en tant qu'être digne ; Afin de consolider notre appartenance culturelle et civilisationnelle à la nation arabe et musulmane ; de l’unité nationale fondée sur la citoyenneté, la fraternité, la solidarité et la justice sociale ; En vue de soutenir l’Union maghrébine, qui constitue une étape vers l’union arabe et vers la complémentarité entre les peuples musulmans et les peuples africains et la coopération avec les peuples du monde ;
[...]
 Article 1
La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime.
Il n'est pas permis d'amender cet article.

Article 6
L’État est gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes ; il est le garant de la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane.
L’État s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, à protéger les sacrés et à interdire d’y porter atteinte, comme il s’engage à interdire les campagnes d’accusation d’apostasie et l’incitation à la haine et à la violence. Il s’engage également à s’y opposer.

Article 39
[...]
 L'État veille aussi à enraciner l'identité arabo-musulmane et l’appartenance nationale dans les jeunes générations et à ancrer, à soutenir et à généraliser l’utilisation de la langue arabe, ainsi que l’ouverture sur les langues étrangères et les civilisations humaines et à diffuser la culture des droits de l’Homme.

Article 74
La candidature à la présidence de la République est un droit pour toute électrice et pour tout électeur jouissant de la nationalité tunisienne par la naissance, et étant de confession musulmane.
[...]

Article 149
[...]
Dieu est le garant de la réussite.
 


CONSTITUTION DE L'ÉGYPTE de 2014 :

Au nom d'Allah le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux

Voici Notre Constitution.
[...]
L’Égypte est le berceau de la foi et bannière de la gloire des religions révélées. Sur son sol grandit le prophète Moïse, celui à qui Allah a parlé et à qui s’est manifesté la lumière divine ; celui qui reçut le message au Mont Sinaï.

Sur son sol, les Égyptiens ont hébergé la Vierge Marie et son nouveau-né, puis donné des milliers de martyrs en défendant l’Église du Christ, paix soit sur lui.

Et lorsque le sceau des Messagers, notre Maître Mohammed (paix et bénédictions soient sur lui), fut envoyé à toute l'humanité, pour parfaire les vertus morales, notre cœur et notre esprit s’ouvrirent à la lumière de l’Islam. Nous étions les meilleurs soldats de la terre dans la lutte pour la cause d’Allah. Nous répandîmes dans l’univers le message de la Vérité et les sciences de la religion.

C’est l’Égypte. Une patrie dans laquelle nous vivons et qui vit en nous.
[...]
Nous écrivons maintenant une Constitution qui confirme que les principes de la charia islamique sont la source principale de la législation et que la référence pour leur interprétation réside dans l’ensemble des décisions de la Cour constitutionnelle suprême à ce propos.

Titre premier. L'État.
Article premier.
La République arabe d'Égypte est un État, souverain, un et indivisible, dont aucune partie ne peut être cédée. Son régime est républicain et démocratique, fondé sur la citoyenneté et sur la primauté du droit.
Le peuple égyptien fait partie de la nation arabe, oeuvre pour son intégrité et son unité. L’Égypte fait partie du monde islamique, appartient au continent africain, est fière de son prolongement asiatique. Elle contribue à l’édification de la civilisation humaine.

Article 2.

L'islam est la religion de l'État. L'arabe est sa langue officielle. Les principes de la charia islamique sont la source principale de la législation.

Article 3.

Les principes de la religion des Égyptiens chrétiens ou juifs sont la source principale des législations qui régissent leur statut personnel, leurs affaires religieuses et le choix de leurs dirigeants spirituels.

[...]

Titre II. Principes fondamentaux de la société.
Chapitre premier. Les principes sociaux.

Article 7.

L'Azhar est une institution islamique scientifique et indépendante. Il s'attribue exclusivement l'exercice de l'ensemble de ses affaires. Il est la référence principale des sciences théologiques et des affaires islamiques. Il assume la responsabilité de la prédication et la propagation des sciences de la religion et de la langue arabe en Égypte et dans le monde. [...]


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