mardi 3 janvier 2023

DFHM : Race d'ep à rouspan en passant par race maudite, regayifier, rivancher en prose, rivette et rocambole


Extrait de mon Dictionnaire français de l'homosexualité masculine.

Guy Hocquenghem en 1978. © Getty - Laurent MAOUS.


RACE D'EP, RASDEP

Verlan pour pédéraste, rapporté ou inventé par l’écrivain Guy Hocquenghem (1946-1988).

RACE MAUDITE, MALÉDICTION

MARCEL PROUST : « Race maudite puisque ce qui est pour elle l'idéal de la beauté et l'aliment du désir est aussi l'objet de la honte et la peur du châtiment, et qu'elle est obligée de vivre jusque sur les bancs du tribunal où elle vient comme accusée et devant le Christ, dans le mensonge et dans le parjure, puisque son désir serait en quelque sorte, si elle savait le comprendre, inadmissible, puisque n'aimant que l'homme qui n'a rien d'une femme, l'homme qui n'est pas "homosexuel", ce n'est que de celui-là qu'elle peut assouvir un désir qu'elle ne devrait pas pouvoir éprouver pour lui, qu'il ne devrait pas pouvoir éprouver pour elle, si le besoin d'amour n'était pas un grand trompeur et ne lui faisait pas de la plus infâme "tante" l'apparence d'un homme, d'un vrai homme comme les autres, qui par miracle se serait pris d'amour ou de condescendance pour lui, puisque comme les criminels elle est obligée de cacher son secret à ceux qu'elle aime le plus, craignant la douleur de sa famille, le mépris de ses amis, le châtiment de son pays ; race maudite, persécutée comme Israël et comme lui ayant fini, dans l'opprobre commun d'une abjection imméritée, par prendre des caractères communs, l'air d'une race, ayant tous certains traits caractéristiques, des traits physiques qui souvent répugnent, qui quelquefois sont beaux, des cœurs de femme aimants et délicats, mais aussi une nature de femme soupçonneuse et perverse, coquette et rapporteuse, des facilités de femme à briller à tout, une incapacité de femme à exceller en rien ; exclus de la famille, avec qui ils ne peuvent être en entière confidence, de la patrie, aux yeux de qui ils sont des criminels non découverts, de leurs semblables eux-mêmes, à qui ils inspirent le dégoût de retrouver en eux-mêmes l'avertissement que ce qu'ils croient un amour naturel est une folie maladive, et aussi cette féminité qui leur déplaît, mais pourtant cœurs aimants, exclus de l'amitié parce que leurs amis pourraient soupçonner autre chose que de l'amitié quand ils n'éprouvent que de la pure amitié pour eux, et ne les comprendraient pas s'ils leur avouaient quand ils éprouvent autre chose, objet tantôt d'un dégoût qui les incrimine dans ce qu'ils ont de plus pur, tantôt d'une curiosité qui cherche à les expliquer et les comprend tout de travers, élaborant à leur endroit une psychologie de fantassin qui, même en se croyant impartiale est encore tendancieuse et admet a priori, comme ces juges pour qui un Juif était naturellement un traître, qu'un homosexuel est facilement un assassin ; comme Israël encore recherchant ce qui n'est pas eux, ce qui ne serait pas d'eux, mais éprouvant pourtant les uns pour les autres, sous l'apparence des médisances, des rivalités, des mépris du moins homosexuel pour le plus homosexuel comme du plus déjudaïsé pour le petit Juif, une solidarité profonde, dans une sorte de franc-maçonnerie qui est plus vaste que celle des Juifs parce que ce qu'on en connaît n'est rien et qu'elle s'étend à l'infini et qui est autrement puissante que la franc-maçonnerie véritable parce qu'elle repose sur une conformité de nature, sur une identité de goût, de besoins, pour ainsi dire de savoir et de commerce, en voiture dans le voyou qui lui ouvre la portière, ou plus douloureusement parfois dans le fiancé de sa fille et quelquefois avec une ironie amère dans le médecin par qui il veut faire soigner son vice, dans l'homme du monde qui lui met une boule noire au cercle, dans le prêtre à qui il se confesse, dans le magistrat civil ou militaire chargé de l'interroger, dans le souverain qui le fait poursuivre, radotant sans cesse avec une satisfaction constante (ou irritante) que Caton était homosexuel, comme les Juifs que Jésus-Christ était Juif, sans comprendre qu'il n'y avait pas d'homosexuels à l'époque où l'usage et le bon ton étaient de vivre avec un jeune homme comme aujourd'hui d'entretenir une danseuse, où Socrate, l'homme le plus moral qui fût jamais, fit sur deux jeunes garçons assis l'un près de l'autre des plaisanteries toutes naturelles comme on fait sur un cousin et sa cousine qui ont l'air amoureux l'un de l'autre et qui sont plus révélatrices d'un état social que des théories qui pourraient ne lui être que personnelles, de même qu'il n'y avait pas de Juifs avant la crucifixion de Jésus-Christ, si bien que pour originel qu'il soit, le péché a son origine historique dans la non-conformité survivant à la réputation ; mais prouvant alors par sa résistance à la prédication, à l'exemple, au mépris, aux châtiments de la loi, une disposition que le reste des hommes sait si forte et si innée qu'elle leur répugne davantage que des crimes qui nécessitent une lésion de la moralité, car ces crimes peuvent être momentanés et chacun peut comprendre l'acte d'un voleur, d'un assassin mais non d'un homosexuel ; partie donc réprouvée de l'humanité mais membre pourtant essentiel, invisible, innombrable de la famille humaine, soupçonné là où il n'est pas, étalé, insolent, impuni là où on ne le sait pas, partout, dans le peuple, dans l'armée, dans le temple ; au théâtre, au bagne, sur le trône, se déchirant et se soutenant, ne voulant pas se connaître mais se reconnaissant, et devinant un semblable dont surtout il ne veut pas s'avouer de lui-même - encore moins être su des autres - qu'il est le semblable, vivant dans l'intimité de ceux que la vue de son crime, si un scandale se produisait, rendrait, comme la vue du sang, féroce comme des fauves, mais habitué comme le dompteur en les voyant pacifiques avec lui dans le monde à jouer avec eux, à parler homosexualité, à provoquer leurs grognements si bien qu'on ne parle jamais tant homosexualité que devant l'homosexuel, jusqu'au jour infaillible où tôt ou tard il sera dévoré, comme le poète reçu dans tous les salons de Londres, poursuivi lui et ses œuvres, lui ne pouvant trouver un lit où reposer, elles une salle où être jouées, et après l'expiation et la mort, voyant s'élever sa statue au-dessus de sa tombe, obligé de travestir ses sentiments, de changer tous ses mots, de mettre au féminin ses phrases, de donner à ses propres yeux des excuses à ses amitiés, à ses colères, plus gêné par la nécessité intérieure et l'ordre impérieux de son vice de ne pas se croire en proie à un vice que par la nécessité sociale de ne pas laisser voir ses goûts ; race qui met son orgueil à ne pas être une race, à ne pas différer du reste de l'humanité, pour que son désir ne lui apparaisse pas comme une maladie, leur réalisation même comme une impossibilité, ses plaisirs comme une illusion, ses caractéristiques comme une tare, de sorte que les pages les premières, je peux le dire, depuis qu'il y a des hommes et qui écrivent, qu'on lui ait consacrées dans un esprit de justice pour ses mérites moraux et intellectuels, qui ne sont pas comme on dit enlaidis en elle, de pitié pour son infortune innée et pour ses malheurs injustes, seront celles qu'elle écoutera avec le plus de colère et qu'elle lira avec le sentiment le plus pénible, car si au fond de presque tous les Juifs il y a un antisémite qu'on flatte plus en lui trouvant tous les défauts mais en le considérant comme un chrétien, au fond de tout homosexuel, il y a un anti-homosexuel à qui on ne peut pas faire de plus grande insulte que de lui reconnaître les talents, les vertus, l'intelligence, le cœur, et en somme comme à tout caractère humain, le droit à l'amour sous la forme où la nature nous a permis de le concevoir, si cependant pour rester dans la vérité on est obligé de confesser que cette forme est étrange, que ces hommes ne sont pas pareils aux autres.
Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve suivi de Nouveaux mélanges , Paris : Gallimard, 1954 (1908-1909).

Julien GREEN : « Nous [avec le père Marie-Alain Couturier] avons étendu cette discussion [sur les fautes charnelles] à l'homosexualité que j'avais appelé une sorte de malédiction, car on ne voyait pas, disais-je, comment un homme possédé par cet instinct peut légitimement se libérer, puisque le mariage ne lui est pas possible. Le père Couturier a protesté contre ce terme de malédiction. " S'ils souffrent plus que d'autres, soyez sûrs que Dieu les aime davantage " (c'est-à-dire que leur souffrance les rend plus chers à Dieu). " Mais pourquoi la chose existe-t-elle ? " demandai-je. Il n'a pas pu me répondre. »
Toute ma vie Journal intégral ** 1940-1945, 25 octobre 1943, Paris : Bouquins éditions, 2021.

RAGOÛT D'Italie / RAGOÛT DE DELÀ LES MONTS

" Ce jeune monsieur n'aimait pas les femmes : M. de Vendôme a toujours depuis été accusé du ragoût d'Italie. On en a fait une chanson autrefois :
« Monsieur de Vendôme
Va prendre Sodome. » "
Tallemant des Réaux, Historiettes, " Mademoiselle Paulet ", tome I (Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade), page 474.



« On a un peu accusé M. de Schomberg [maréchal de France] d’aimer les ragoûts de delà les monts »
Tallemant des Réaux, Historiettes, " Le Page, ses deux femmes et sa fille ".


RAILLER, RAILLERIE

"Nicolas de Clémanges à Gerson : je passe sous silence les paillardises et les adultères, desquels ceux qui s'abstiennent ont accoutumé d'être l'objet des railleries et de la moquerie des autres ; on les appelle châtrés, ou l'on dit qu'ils sont sodomites."
Pierre Jurieu (1637-1713), Préjugés légitimes contre le papisme, Amsterdam, 1685 ; tome 1, chapitre XXVII, page 332.


« Je crois bien que le prince Max n'a pas l'humeur italienne, car ordinairement ce n'est pas le vice des bons et honnêtes allemands ; mais ici à la Cour je ne pense pas qu'on puisse trouver une demie douzaine de personnes qui n'en soient pas entachés. Quand Mr de Turenne sera donc de nouveau ici, il trouvera beaucoup d'amis aussi facilement qu'en Morée ; peut-être qu'il a consolé son oncle, le cardinal, de cette manière, dans son exil, car monsieur le cardinal ne déteste pas du tout la vie et avait toujours de bien beaux pages ; aussi il entendait bien raillerie sur ce sujet : j'ai vu une fois le duc de Villeroy lui amener un de ses pages, pour le lui montrer. C'était un garçon parfaitement beau, et ils riaient beaucoup là-dessus. »
Madame, princesse Palatine, lettre à Sophie de Hanovre, 27 septembre 1690.

"Les Français sont encore les inventeurs d'une autre manière d'exercer leur raillerie, en laquelle ils excellent sur toutes les autres nations, c'est en ces chansons plaisantes et malignes qui courent fréquemment, et dont les auteurs sont d'ordinaire inconnus ; elles ne sont jamais produites par les poètes de profession, ce sont des gens de la Cour, de la ville, ou des troupes qui, étant en débauche et plus échauffées par le vin que par l'amour du prochain, les font d'ordinaire à table et le verre à la main ; ce sont aussi quelquefois des dames peu charitables qui font contre d'autres dames, ou contre des hommes qui leur auront déplu, de ces chansons ingénieuses et plaisantes, dont le venin est d'autant plus dangereux, qu'étant animé par l'harmonie du chant et de la poésie, il s'insinue agréablement en flattant l'oreille des auditeurs et la malignité qui règne parmi les hommes, et que ces sortes de chansons s'apprennent avec beaucoup de facilité, et ne s'oublient pas si facilement. On y voit quelquefois des contre-vérités finement trouvées sur les défauts, et sur les bruits médisants qui ont couru des personnes dont elles parlent, quelquefois on y caractérise malicieusement ceux qu'on y fait parler, en leur faisant dire des choses qui conviennent à leurs faiblesses et à leur ignorance, ou à leurs autres défauts."
François de Callières (1645-1717), diplomate et académicien, Des bons mots et des bons contes …, 1692, discours sixième, " De la raillerie et des railleurs de notre temps ".

« Le prince de Ligne est bien heureux de ne pas vivre en Hollande, où il paraît qu’on n’entend pas raillerie aussi bien qu’ici. »
Jean Bouhier, lettre à Mathieu Marais, 7 août 1730.

Bouhier dit par là qu’en Hollande, où il venait d’y avoir plusieurs exécutions d’homosexuels, on était bien moins tolérant qu’en France.

Dans Spicilège, Montesquieu parle d’un passage d’Aristophane [Assemblée des femmes, 109-114] comme d’une « raillerie sur Alcibiade ».

 « Vraiment, cela devient insupportable, surtout avec ce sérieux et cette fade sentimentalité. De ce biais, c’est ridicule. Qu’on ne parle pas des Anciens ! Les mœurs ont changé. Le progrès se fait par la différenciation, comme l’a dit [Herbert] Spencer. D’ailleurs, Aristophane et les autres comiques ou satiriques ne se privaient point de railler, ni nos pères non plus, avec leur verdeur gauloise. Et puis, en voilà assez, et la mesure est comble ["elle commence seulement à se remplir craintivement", commentera André Gide]. »
Paul Souday, Le Temps, 4 février 1926.

Le concept d’homophobie a aujourd’hui partiellement remplacé et complètement dénaturé celui de raillerie.


RAMASSER DES ÉPINGLES, RAMASSER DES MARRONS/RAMASSEUR DE MARRONS

« Ramasser des épingles : Se livrer à la pédérastie passive. »
Hector France

Au XVIIIe siècle, il y avait des marronniers dans le jardin des Tuileries à Paris.

« Je suis ramasseur de marrons »
Décret en faveur des putains …, vers 1790.

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.


« Dans le peuple on dit : – Il va ramasser des marrons dans l’allée des Veuves [aujourd’hui avenue Montaigne]. L’allusion est claire. (Argot du peuple). »
Charles Virmaître, Dictionnaire d’argot fin-de-siècle,
Paris : A. Charles, 1894, dans la définition de passif.


RAPPROCHEMENT DE SEXES SEMBLABLES

"Ce militaire [...] nous fit voir un coq qui, après avoir terrassé son adversaire, cherchait à le sodomiser, et insistant quelquefois jusqu'à l'éjaculation, quand l'ennemi battu était acculé de manière à ne pouvoir fuir. L'observateur prétendait avoir vu assez souvent les chiens se livrer au rapprochement de sexes semblables, et cela jusqu'à intromission ; il pensait que les mêmes influences climatologiques produisaient et ces accouplements chez les animaux et la sodomie chez l'homme."
Dr F. Jacquot, médecin de l'armée d'Afrique, " Des aberrations de l'appétit génésique ", Gazette Médicale de Paris, 28 juillet 1849.


REGAYIFIER

« On murmure que le Red Light souhaiterait « regayifier » son after du dimanche matin (ah, ah, je rigole), et que Laurent Garnier voudrait à nouveau jouer régulièrement pour les gays, comme à ses débuts. »
Yannick Barbe, Tétu, février 2004.

RÉGULIER

Robert de Saint Jean : « Il [l'écrivain François Mauriac] choisit définitivement vers la trentaine la voie régulière. »
Passé pas mort, III " En revenant de la revue " Paris : Grasset, 1983.

RENCULER

« 15. Il encule le prêtre tout en disant sa messe, et quand celui-ci a consacré, le fouteur se retire un moment ; le prêtre se fourre l’hostie dans le cul, et on le rencule quand par là-dessus. »
Marquis de Sade, Les Cent vingt journées de Sodome, 3e partie [1785], Paris : Gallimard, 1990, édition Michel Delon.

RETOURNER (SE)

« C’est à ce maître si connu [de Villette], si zélé pour les sectateurs de Gomorrhe, que je dois mes notions sur la fouterie à visage retourné, c’est un de mes passe-temps délicieux. »
Compère Mathieu, Suite des Pantins des Boulevards, 1791.

« Dans un autre coin, ce sont des blagues sur Oscar Wilde, au milieu desquelles j’entends Léon Daudet jeter dans un rire :"oh ! celui-là, sa mère, quand elle le regardait dans son berceau, a dû penser : ‘en voilà un qui saura se retourner !’ ". »
Edmond de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire de 1851 à 1896, Paris : Fasquelle/Flammarion, 1956, 25 avril 1895.

RÉTROACTIF

« L’Univers sait que l’équivoque marquis de Villette est le Président perpétuel du formidable district des citoyens rétroactifs, partant zélé partisan de la Constitution, où tout est sens devant derrière. »
Andréa de Nerciat, Les Aphrodites, 1793, 1ère partie, troisième fragment, « À bon chat : bon rat ». Voir DEVANT/DERRIÈRE.



Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864, Supplément.

RITE

« Ceux-là que sacre le haut rite »
Paul Verlaine, Parallèlement, "Ces passions …", 1889. Première publication du poème dans La Cravache parisienne, 2 février 1889, sous le titre Parallèlement.

RIVANCHER EN PROSE

« rivancher en prose : sodomiser, dans l’argot des voleurs. »
Pierre Leclair, Histoire des brigands, chauffeurs et assassins d’Orgères, Chartres, an VIII (1799).

L’explication est dans le sens de cul qu’avaient prose et proye ; cf emproseur. Selon Alfred Delvau, rivancher vient du verbe italien rivangare, retourner la terre avec une bêche.

RIVETTE

À la fin du XVIIIe siècle, ce mot est apparu avec un sens voisin de bardache ; on le rencontre dans l’écrit anonyme Vie privée et publique du ci-derrière marquis de Villette (1792) :

« Bougre en même temps et rivette
Le ci-devant marquis Villette
Pour les femmes et pour le con
Sent la plus vive aversion.
Sans être natif de Sodome,
À la femme il préfère l’homme,
Quand il est jeune, et neuf surtout,
Pourquoi pas ? Chacun a son goût. »

L’origine de ce sens est à chercher du côté de river, ou rivancher (action du coït selon Vidocq, 1837) ; cf rivancher en prose. L’équivalent anglais de river, soit to screw, a conservé son sens sexuel.

Vidocq a mis pour rivette : « Jeune sodomite. Les voleurs de province donne ce nom aux filles publiques. » (Les Voleurs, tome 2, page 65, 1837).

Chez Francisque Michel, il n’y a que le sens provincial « fille de joie, jeune débauchée. »

Selon le policier très kantien Canler, les rivettes formaient une des catégories de tantes :

« La quatrième catégorie se compose des rivettes. ceux-ci n’ont rien qui puisse les faire distinguer des autres hommes, et il faut à l’observateur, pour les deviner, la plus grande attention jointe à la plus grande habitude. On en rencontre à tous les degrés de l’échelle sociale. Pour satisfaire leur penchant, ces individus s’adressent de préférence à la jeunesse. Aussi les chanteurs s’attachent-ils plus particulièrement aux rivettes, qu’ils exploitent presque toujours avec succès. »
Louis Canler, Mémoires de Canler, ancien chef du service de sûreté, 1862.

Pour Moreau-Christophe, au contraire, les chanteurs se servaient de « l’appeau trompeur d’un succube, ou jeune rivette, rendu à leurs intérêts – un Jésus, comme ils l’appellent blasphématoirement. » (Variétés de coquins, 1865). Cet auteur opposait rivette à riveur ou incube.

« Rivette : De la famille des enculés. Homme qui vous déboutonne, vous prend de force et vous suce la pine. »
J. Ch[ou]x, Le Petit Citateur, 1881.

"Ceux qui ne recherchent qu'une satisfaction personnelle pour leur passion antiphysique, et qui payent les services qu'on leur rend, forment la première catégorie [de pédérastes]. Ce sont, à proprement parler, les vrais pédérastes ; on les désignent ordinairement sous le nom d'amateurs. On leur donne aussi le nom de rivettes."
François Carlier, Les Deux prostitutions. 1860-70, Paris : E. Dentu, 1887.

Virmaitre, Dictionnaire..., 1894.


RIVEUR

Moreau-Christophe a opposé rivette à riveur ou incube (Variétés de coquins, 1865).

ROCAMBOLE

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864, Supplément.
Les Aphrodites (1793), œuvre du romancier Andréa de Nerciat (1739-1800).

ROND

« Je vois que le grand d’Assoucy
Est aujourd’hui mal réussi,

Car hélas qu’aurait-il pu faire
Avec son luth et ses chansons
Auprès de vos vilains gitons
Et des déesses de Cythère ?

Le pauvre homme alors confondu
Eût quitté le rond pour l’ovale
Et se fût à la fin rendu
Hérétique en terre papale. »
Voltaire, lettre à  Jacques-François de Sade [oncle du marquis], 29 août 1733.

« Accourez, bougres, bardaches, bardachins et bardachinets, comtemplez et voyez si la mobilité de mon rond ne met pas en défaut la mobilité du vôtre. »
Les Enfants de Sodome à l’Assemblée natinale, 1790, discours de la Tabouret.

ROUSPAN(T), ROUSPANTEUR

Rouspan(t) viendrait de l’italien ruspanti, nom donné aux gitons du dernier grand-duc de Toscane.

« ROUSPANT. — Ils font chanter les pédérastes qu’ils soutiennent. Ce sont les "macs" de ces monstres. »
François Vidocq, Les Voleurs, tome 2, page 72, 1837.

Alfred Delvau :
Dictionnaire érotique moderne..., 1864.

« Rouspant. Proxénète pour le troisième sexe et ses admirateurs. »
Lucien Rigaud, Dictionnaire du jargon parisien - L'argot ancien et l'argot moderne, Paris : Paul Ollendorff, 1878.

« ROUSPANT : Homme qui fournit des sujets aux tantes. C'est le procureur des pédérastes (Argot des souteneurs). »
Charles Virmaître, Dictionnaire d'argot fin-de-siècle, Paris : A. Charles, 1894. Noter là encore
la surdétermination, deux termes du lexique en renfort pour en définir un troisième.

« Rouspan : complice de pédéraste qui arrive au moment psychologique et se fait passer pour agent des mœurs, pour faire chanter le client. »
Hector France. Dictionnaire de la langue verte : archaïsmes, néologismes, locutions étrangères, patois, Paris : Librairie du Progrès, 1907. Réédition par Nigel Gauvin en 1990.



Lettre S

Aucun commentaire: